PROTECTIONNISME EN MATIERE DE PECHE Ce qui différencie la Mauritanie du Sénégal

La pêche génère beaucoup d’argent. C’est le moins que l’on puisse dire. C’est pourquoi, en Mauritanie comme au Sénégal, pour ne citer que ces deux exemples, des velléités protectionnistes sont notées çà et là pour éviter que des étrangers ne viennent pêcher chez soi.

Publicités

En Mauritanie, les pêcheurs sénégalais font les frais d’une nouvelle intransigeance des autorités prêtes à appliquer une législation obsolète consistant à interdire la pêche aux étrangers.

Du coup, des centaines de pêcheurs originaires de Guet-Ndar, à Saint-Louis du Sénégal, ont été expulsés, eux qui avaient des contrats en bonne et due forme avec des investisseurs mauritaniens et qui ont l’habitude de travailler avec eux depuis des décennies.

D’ailleurs, à ce propos, l’Ambassadeur du Sénégal à Nouakchott, Mamadou Kane, a rencontré, hier, le Ministre de la pêche de ce pays voisin, en l’occurrence Nany Ould Chrougha, pour discuter de la coopération entre les deux pays. Autant dire que cette situation délétère autour de la pêche ne pouvait pas manquer d’être soulignée.

En tout état de cause, les réactions des Mauritaniens sont presqu’unanimes dans les sites d’information de ce pays.

Dans le site Cridem.org que nous avons consulté, les réactions sont les mêmes : « il faut trouver le moyen d’autoriser nos frères pêcheurs sénégalais à reprendre leurs activités ici. Je suis contre cette démarche qui confine à un égoïsme stupide au prétexte de préserver nos ressources halieutiques qui sont combien ? L’océan est immense et en hommage à cette immensité, nous ne devons pas être des « gagne-petit ».

Ces Mauritaniens trouvent, à juste titre, que l’expertise des pêcheurs sénégalais, leur savoir-faire, sont des acquis importants pour les Mauritaniens qui doivent en profiter pour former leurs concitoyens, notamment « kharatine » (Maures noirs) à exceller dans ce domaine.

Un Mauritanien explique pourquoi il allait signer un accord avec le Sénégal s’il était à la place des autorités de son pays. Voilà ce qu’il a posté hier : « Je signerais un accord de pêche avec la République sœur du Sénégal, pour une durée de dix ans, stipulant entre autres, le partage des pêcheurs sénégalais de leurs outils de pêche avec leurs frères Mauritaniens, en formant des équipages à 50% de chaque nationalité. Au fur et à mesure que se formeront des équipages nationaux, ils seront automatiquement dotés d’outil de production à raison d’une senne tournante armée (2 pirogues) pour un équipage complet de 50 marins pêcheurs affiliés au ministère. »

Des réactions qui en disent long sur le caractère maladroit de l’intransigeance des autorités de Nouakchott.

Ce qui se passe au Sénégal

Pourtant, ce que les Sénégalais ignorent, c’est que ce radicalisme noté en Mauritanie est observé au Sénégal contre des étrangers qui viennent pêcher ici ou simplement installer des usines de transformation.

Je dois préciser cependant qu’à la différence de la Mauritanie, au Sénégal, les lois sont loin d’être protectionnistes. Mieux, les autorités sénégalaises sont très ouvertes à la signature de ces contrats dans le respect des lois comme l’atteste le Directeur de la pêche Mamadou Goudiaby.

Donc, au Sénégal, ce sont plutôt les privés regroupés au sein d’organisations comme le GAIPES, la Fédération nationale de pêche et d’autres structures de ce genre, qui font feu de tout bois pour exclure la signature de contrats avec les étrangers.

Ces organisations réagissent exactement envers les étrangers comme le font les autorités mauritaniennes envers les Sénégalais. Ils pensent qu’il faut protéger le poisson en excluant les étrangers ou en leur interdisant de pêcher.

Or, le Directeur de la pêche trouve cette démarche contraire au cadre réglementaire qui régit le secteur.

Il trouve incompréhensible la stigmatisation faite notamment contre les bateaux russes et l’usine Altantic Seefood de Sangalkam, victime, manifestement, d’une campagne médiatique bien orchestrée.

La preuve, il argue qu’il y a une cinquantaine d’usines de ce genre au Sénégal avec diverses nationalités, et on ne parle que de celle-là.

Or, il est important de souligner que nous ne pouvons pas faire, au Sénégal, ce que nous dénonçons en Mauritanie contre nos compatriotes.

Si nous pensons que les Sénégalais doivent travailler paisiblement en Mauritanie, il faudrait aussi admettre que dans le cadre des lois internationales régissant le secteur, le Sénégal accueille des pêcheurs des autres Nations.

La preuve, le Sénégal a déjà signé des accords de pêche avec de nombreux pays africains comme la Guinée-Bissau, la Centrafrique, etc.

La collaboration avec la Russie en matière de pêche date des années 70, plus ancienne que celle qui nous lie avec les Etats africains.

Finalement, comme le souligne le Directeur de la pêche, Mamadou Goudiaby, « l’Etat est souverain et n’a pas besoin de s’expliquer, en public, sur tous les actes qu’il pose ».

Assane Samb

Vérifier aussi

Mobilité Urbaine: Diomaye va relancer le projet des « Bateaux-Taxis » du président Wade

Le 3 avril, Bassirou Diomaye Faye sera installé comme nouveau président de la République et …