Les derniers évènements malheureux qui ont ébranlé fortement les fondements de la République n’ont pas poussé le Chef de l’Etat à changer de stratégie à propos de sa possible troisième candidature.
C’est le statu quo ante. Personne ne pourra dire si Macky va oui ou non participer à la présidentielle de 2024.
Pour l’intéressé le débat est prématuré pour ne pas dire puéril. Pour nombre de sénégalais, il est important de savoir. On n’en est là. C’est dire que c’est le clair-obscur au moment où au Niger, le Président Issoufou avait déjà dit qu’il ne serait pas candidat et que les élections qui viennent de se tenir ont été sanctionnées par la victoire du camp présidentiel avec Bazoum comme nouveau Chef de l’Etat.
Mais, si la situation au Niger a été un bon point pour la démocratie en Afrique, il n’en est pas de même en Côte d’ivoire et en Guinée Conakry où les Présidents respectifs en l’occurrence Alassane Ouattara et Alpha Condé, ont osé déposer des troisièmes candidatures et gagné les élections au grand dam d’oppositions impuissantes. Une situation qui, en Guinée Conakry a fait au moins une centaine de morts.
C’est justement pour cela que ça craint au Sénégal. Ce qui a relancé justement le débat et poussé beaucoup de sénégalais à y faire allusion, c’est qu’avec les émeutes auxquelles on a assistées, les manifestants ont démontré une capacité à faire face qui n’est pas habituelle.
Une situation qui a fait dire à beaucoup que c’est un signal fort pour dissuader le Président Sall à s’inscrire dans la dynamique d’une troisième candidature.
Effectivement, l’exercice par la rue d’une forme de gouvernance directe par la pression sur leurs mandats est un aspect important de la démocratie représentative. Et là où le peuple sait se faire entendre, les gouvernants ont moins de propension à faire ce qu’ils veulent.
On peut alors penser que Macky va y réfléchir à deux fois avant d’envisager une troisième candidature surtout dans un contexte où certains de ses partisans démissionnent et d’autres appartenant à ses alliés n’hésitent plus à claquer la porte.
Toutefois, comme nous sommes en politique, rien n’est acquis d’avance. Et 2024, c’est encore lointain. C’est dire que le pouvoir peut encore étudier le terrain et mettre en place un scénario de nature à contourner les obstacles qui pourraient se dresser sur son chemin.
La surprise des manifestations étant dépassée, on peut assister à des phénomènes nouveaux de pacification de l’espace politique ne serait-ce que par les amnisties de Karim Wade et de Khalifa Sall, la mise en place de réelles politiques de jeunesse, la diabolisation d’adversaires de la trempe de Sonko, un processus d’ailleurs en cours, etc.
Il ne faut jamais s’imaginer que le pouvoir va baisser les bras et laisser l’opposition s’organiser tranquillement et la coalition au pouvoir s’affaiblir par ricochet.
C’est aux acteurs politiques concernés de multiplier les initiatives tout en évitant de s’inscrire dans la violence qui risque de se retourner contre eux.
Cette situation est d’autant plus vraie que Karim Wade et Khalifa risquent d’être obligés d’arbitrer le jeu politique.
En clair, toute tentative de renforcement de l’opposition doit passer par une collaboration avec Wade et son fils. Si Macky arrivait à convaincre le vieux et surtout à avoir Karim à ses côtés, il sera difficile pour l’opposition de faire face en 2024 à cette lourde machine qui aura pour moteur aussi bien Macky que Idrissa Seck et Karim Wade même si Khalifa restait fidèle à ses convictions d’opposant.
Et dans ce cas, que Macky soit candidat ou non n’y changerait rien.
C’est dire qu’aujourd’hui l’enjeu de la bataille politique tourne essentiellement autour du positionnement des libéraux lequel n’est pas acquis d’avance.
Le mérite cependant de Sonko, c’est d’avoir réussi à bousculer les certitudes et d’avoir poussé les uns et les autres à revoir leurs stratégies.
Assane Samb