Les agressions des enseignants dans leurs lieux de travail par les élèves commencent à devenir de plus en plus fréquentes. Le cas le plus récent s’est produit ce mardi 13 décembre au CEM Joseph Correa de Guédiawaye où une professeure du nom d’Aïssatou Diatta a été agressée au sein de l’école par les parents d’une élève. Félix Mboup, professeur au lycée Talibou Dabo et syndicaliste, déplore les violences perpétrées sur les enseignants par leurs élèves et explique l’attitude que doit adopter un enseignant face à un élève agressif.
Que pensez-vous des agressions dont sont victimes les enseignants de la part de leurs élèves ?
Les agressions dont sont victimes les enseignants ont des causes protéiformes. Comme vous le savez, la violence ne naît pas ex nihilo. La violence qui provient des familles, de la société, ne peut que se manifester dans les écoles. D’abord, la surpopulation des écoles, avec son corollaire l’exiguïté, constitue une cause. Le nombre trop limité de surveillants fait que les élèves échappent au contrôle de l’administration. Dans cette affaire, on ne peut pas perdre de vue la faillite des familles et de l’école. Le mythe du professeur s’est effondré depuis qu’on a exposé les problèmes dans la rue, les salaires, les indemnités. La crise d’autorité ainsi que l’absence de suivi psychologique expliquent la recrudescence de la violence dans l’espace scolaire.
Que doit être l’attitude d’un enseignant face à un élève agressif ?
Face à un élève agressif, il faut opposer le charisme, la pertinence, l’amour. Tout cela fait l’autorité. Parfois, il faut être ferme et sévère, parfois il faut négocier avec intelligence, c’est-à-dire tenir compte de certains facteurs comme l’environnement, les conditions de vie, l’immaturité. Mais aussi, quand l’élève affiche une volonté de rébellion, aviser le plus vite la surveillance pour qu’elle le maîtrise et l’encadre. La police scolaire, ce sont les surveillants, dans le passé du moins.
Est-ce que les syndicats d’enseignants mènent des combats dans le sens d’éradiquer les violences faites aux enseignants par leurs élèves ?
Oui, les syndicats, en déplorant les effectifs pléthoriques et le déficit d’enseignants, s’attaquent au problème de la sécurité. Ils doivent davantage veiller au grain en exigeant plus de protection pour les élèves mais aussi l’environnement immédiat des écoles de Dakar qui sont le plus souvent des niches de voyous.
Pensez-vous que l’État a failli dans sa mission de sécurisation de l’espace scolaire ?
L’Etat semble faillir à sa mission car l’école doit être barricadée, mystifiée voire sacralisée. Le rôle de surveiller et de punir incombe à l’école qui ne parviendra à le remplir que si l’Etat joue son rôle de protecteur. Si la violence se manifeste jusque dans l’école, c’est parce que les élèves manquent d’assistance psychologique. Les écoles n’ont ni psychologues ni assistants sociaux. Une petite anecdote pour vous montrer que les écoles ont besoin d’assistants sociaux : un jour, alors que les élèves tombaient en transe, l’une d’elles qui se trouvait parmi les cas, m’a dit : « Ma mère me dit qu’elle ne connaît pas mon père. Il refuse que je sois sa fille, mais je ne vais jamais le chercher ». Étonné je lui répondis pour la réconforter : « Je me mets à la place de ton père. Parle moi de tous tes besoins vitaux ». C’est vous dire que nous gérons des cas complexes.
La violence dans l’espace scolaire sous toutes ses formes doit être bannie. L’école est un espace où ne doivent brandir que le savoir et l’éducation. Les enseignants, avec tous les risques qu’ils prennent, méritent d’être protégés par l’État qui a en charge la sécurité des personnes et des biens.
El Hadji Mody DIOP (stagiaire)