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Crise Politique au Sénégal: Pr Etienne Smith de Sciences Po Bordeaux explique les récents accès de violence 

 Pr Etienne Smith de Sciences Po Bordeaux a publié une analyse sur  la crise politique que traverse le Sénégal en ce moment. Dans son analyse, le professeur s’interroge sur » comment expliquer les récents accès de violence politique au Sénégal, pays tant vanté par le passé pour sa supposée « exception démocratique » ?

Etienne Smith a fait un diagnostic sans complaisance de la crise politique actuelle du pays. Selon ce professeur à Sciences Po Bordeaux, ces dernières années, les crises politiques se répètent et se ressemblent. « Une dizaine de morts en janvier-février 2012 après l’annonce de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade à un troisième mandat ; 14 morts en mars 2021 suite à l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko ; 4 morts en juillet 2022 lors des manifestations contre l’invalidation des candidats des listes d’opposition aux législatives ; enfin, 23 morts début juin 2023 après la condamnation du même Ousmane Sonko pour « corruption de la jeunesse », liste-t-il.
De son avis, cette dernière crise a particulièrement marqué les esprits et pourtant, ses ingrédients étaient bien connus depuis longtemps. Ce qu’il justifie par l’usure du pouvoir et tentation autoritaire. « En 2012, Abdoulaye Wade s’était porté candidat à sa propre succession alors qu’il avait déjà effectué deux mandats présidentiels, ce qui avait entraîné une sérieuse crise politico-constitutionnelle. Il avait alors été vaincu au second tour par son ancien premier ministre Macky Sall. La victoire de ce dernier, pour un mandat de sept ans, avait engendré de grands espoirs : le nouveau chef de l’État, voulait-on croire, allait mettre en œuvre une transformation institutionnelle qui éviterait qu’une telle situation ne se répète »,rappelle-t-il. Et de poursuivre: » L’optimisme démocratique n’a pas duré,  à chaque étape, le président Sall a semblé privilégier le rapport de force ». Il invite plutôt d’appliquer les propositions des Assises nationales de 2009 pour une réforme en profondeur des institutions, qu’il a signées. « Il mène à la hâte une révision constitutionnelle en 2016. Celle-ci réduit la durée du mandat présidentiel à cinq ans, mais ne prend pas à bras-le-corps le problème principal identifié depuis longtemps, à savoir l’hyperprésidentialisme du système politique sénégalais, produit de son histoire depuis le coup de force de Senghor en 1962 », estime-t-il. Il rappelle qu’en 2019, l’instauration d’un système de parrainages pour les candidatures à l’élection présidentielle « qui en soi n’a rien d’anti-démocratique, mais qui a été mis en place sans concertation et compte parmi les plus stricts d’Afrique ou d’Europe  entrave sérieusement le pluralisme des élections. Surtout, l’élimination judiciaire préalable des deux opposants les plus importants, le fils de l’ancien président Karim Wade et le maire de Dakar Khalifa Sall, emprisonnés puis libérés mais devenus inéligibles, confirme la volonté du pouvoir de n’organiser que des élections sans danger ». Il souligne que c’est dans ce contexte que Sall est réélu en 2019 pour un second mandat, de cinq ans cette fois. « La suppression surprise du poste de premier ministre au lendemain de l’élection, pour éviter toute concurrence politique possible et renforcer toujours plus les pouvoirs présidentiels, avant la réinstauration de la fonction en 2022, pose la question de la crédibilité des institutions.
Dans les classements internationaux sur l’état de droit et la liberté de la presse, le Sénégal dégringole régulièrement. Dans le même temps, les signes du déclin électoral de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar se multiplient durant le second mandat, alors même qu’elle ne cesse de coopter des opposants, tant du camp libéral de l’ex-président Abdoulaye Wade que des rangs socialistes. En janvier 2022, l’opposition remporte la majorité des grandes villes aux municipales. Six mois plus tard, lors des législatives, le pouvoir évite de peu une cohabitation avec la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, qui regroupe notamment les soutiens d’Ousmane Sonko, de Khalifa Sall et de Karim Wade », ajoute-t-il.
Tout pouvoir n’a-t-il pas l’opposition qu’il mérite ?
« Plus que l’usure inexorable, et finalement très classique, du pouvoir, c’est la persécution au long cours de l’opposition qui a conduit la direction actuelle du pays dans l’impasse. Cette stratégie jusqu’au-boutiste s’est peut-être retournée aujourd’hui contre ses initiateurs », juge-t-il. Ainsi, il soutient qu’en 2019 déjà, le pouvoir n’avait pas lésiné sur les moyens, au point de faire appel à une officine israélienne produisant des fake news. « Diverses rumeurs infondées circulent alors sur les réseaux sociaux afin de décrédibiliser Ousmane Sonko », tient-il à préciser. Et de renchérir : » Ce dernier, qui n’était alors qu’un opposant parmi d’autres, détonnait déjà dans le champ politique par la modernité de ses campagnes et de ses levées de fonds en ligne, et par la capacité de son parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), à mobiliser une bonne partie de la jeunesse urbaine et estudiantine, mais aussi au-delà, dans les classes populaires et la diaspora.
Les solutions sont connues
Pour Étienne Smith, certes, le Sénégal peut s’enorgueillir de deux alternances politiques réussies en 2000 et 2012. Mais ce que la légende dorée de l’exception démocratique sénégalaise ne signale pas, ce sont les conséquences de la présence des présidents sortants dans ces deux scrutins. « Seule l’existence du second tour a permis leur défaite, par un « vote utile » ou « dégagiste ». Le président élu tend alors à prendre son élection pour un vaste soutien populaire à sa personne et le réveil de l’impopularité n’en est que plus brutal », soutient-il. Il est d’avis que la cristallisation d’un débat sur le troisième mandat, qui dans un pays normalement démocratique ne devrait même pas exister, souligne bien l’absence de consolidation institutionnelle de la démocratie. « Le franchissement d’un véritable seuil qualitatif pour la démocratie au Sénégal serait donc qu’un président sortant ne se représente pas après ses deux mandats permis par la Constitution. Si Macky Sall entend marquer l’histoire politique de son pays, c’est en annonçant son départ qu’il pourra le faire », juge-t-il.
Ainsi, il reste convaincu que la construction d’institutions politiques démocratiques fortes  et fortes parce que démocratiques  est essentielle pour la légitimité du pouvoir et la stabilité à long terme. « Barack Obama ne disait pas autre chose en rappelant, en 2009, lors de sa visite au Ghana, cette vérité simple mais efficace : « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts. Elle a besoin d’institutions fortes », conclut-il.
NGOYA NDIAYE

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