Après de difficiles tractations, Le chef de l’opposition israélienne Yaïr Lapid a réussi le pari de former un gouvernement de coalition. Il lui faut désormais obtenir la confiance du Parlement lors d’un vote, pour tourner la page sur plus d’une décennie de pouvoir de Benjamin Netanyahu.
L’avenir de la coalition anti-Netanyahu soumis au vote de la Knesset. Alors que le chef de l’opposition israélienne Yaïr Lapid a réussi à arracher in extremis, mercredi 2 juin, un accord politique pour la formation d’un gouvernement d’alliance, cette coalition doit maintenant obtenir la confiance du Parlement lors d’un vote qui devrait se tenir dans les prochains jours.
Le centriste Yaïr Lapid, chef de l’opposition et rival de Benjamin Netanyahu, avait jusqu’à minuit moins une mercredi soir pour signifier au président, Reuven Rivlin, qu’il avait réuni une majorité de 61 députés, sur les 120 au Parlement, et était parvenu à un accord sur un gouvernement de « changement ».
Benjamin Netanyahu, maintenant une attitude de défi, a écrit sur Twitter : « tous les députés élus grâce au soutien de la droite doivent s’opposer à ce dangereux gouvernement de gauche ».
Les tractations ayant conduit à l’accord ont duré plusieurs jours et la nouvelle n’est tombée qu’à 23 h 25 locales mercredi, peu avant l’heure limite : Yaïr Lapid a informé le président qu’il avait « réussi à former un gouvernement ». « Le spectre d’un cinquième scrutin était quelque chose qu’aucun Israélien rationnel ne pouvait espérer », souligne le Jerusalem Post dans un éditorial paru dans la nuit de mercredi à jeudi, tout en prévenant que, au vu des « idéologies et philosophies disparates (qui composent la coalition), la partie difficile ne fait que commencer ».
« Le gouvernement nouveau-né a le potentiel de réparer la méfiance et l’animosité, guérir les fractures entre les différentes communautés et nous conduire vers un chemin moins chaotique et plus stable », veut toutefois croire le quotidien israélien. La réunion du Parlement pour le vote de confiance pourrait intervenir la semaine prochaine, à une date encore inconnue.
Ces derniers jours, la presse israélienne a affirmé que le président de la Knesset, Yariv Levin (Likoud), pourrait être tenté de faire traîner de quelques jours supplémentaires l’organisation du vote, espérant dans cet intervalle des défections dans le camp anti-Netanyahu. Car en face Benjamin Netanyahu, son parti de droite, le Likoud, et ses avocats sont à la manœuvre pour tenter d’empêcher qu’un tel accord ait l’approbation de la Knesset.
Si Yaïr Lapid obtient le feu vert du Parlement, il pourrait mettre un terme à plus de deux ans de crise politique en Israël, avec à la clé quatre élections n’ayant pas jusque-là débouché sur un gouvernement stable. Son équipe a diffusé une image de la signature de l’accord de coalition conclu par les chefs de huit partis – deux de gauche, deux de centre, trois de droite et un arabe – et qui pourrait marquer un tournant dans l’histoire politique d’Israël.
La dernière fois qu’un parti arabe israélien avait soutenu – sans toutefois y participer – un gouvernement remonte à 1992 à l’époque du « gouvernement de la paix » de Yitzhak Rabin. Cette fois, la formation arabe islamiste Raam, dirigée par Mansour Abbas, a signé l’accord sans indiquer à ce stade si elle participerait activement au gouvernement.
Yaïr Lapid avait été chargé début mai par le président de former un gouvernement après l’échec de Benjamin Netanyahu à rallier un gouvernement de droite au terme des élections de mars, les quatrièmes en deux ans. Les efforts de Yaïr Lapid étaient passés sous les radars après des violences entre manifestants palestiniens et policiers israéliens à Jérusalem-Est et dans des villes judéo-arabes d’Israël, et la guerre de 11 jours entre l’armée israélienne et le mouvement islamiste palestinien Hamas au pouvoir à Gaza.
Mais après cette escalade, les pourparlers ont repris et Yaïr Lapid a réussi à convaincre lundi le chef de la droite radicale Naftali Bennett de se lancer dans ce projet de gouvernement avec à la clé un partage du pouvoir et une rotation à la tête du gouvernement.
Statu quo dans le conflit avec les Palestiniens, relance économique, place de la religion : tout divise sur le papier la coalition hétéroclite en dehors de sa volonté de faire tomber Benjamin Netanyahu, arrivé au pouvoir il y a 25 ans, de 1996 à 1999, puis reconduit à son poste en 2009, devenant le Premier ministre le plus longtemps resté en fonctions.
Jugé pour « corruption » dans trois affaires, Benjamin Netanyahu est le premier chef de gouvernement israélien à faire face à des poursuites pénales en cours de mandat. Il devrait redevenir simple député et ne pourra plus user de son influence pour tenter de faire passer une loi pour le protéger de ses ennuis judiciaires.