Kidal est tombée depuis mardi. Les Forces armées maliennes (Fama), avec l’appui des instructeurs et supplétifs russes de Wagner, ont foulé le sol de Kidal, comme promis par les autorités de transition. C’est une première depuis une décennie où cette ville était sous le contrôle des séparatistes touaregs enrôlés dans divers mouvements, dont, récemment, la Coordination des forces de l’Azawad (Cma).
Sur le plan symbolique et surtout psychologique, c’est très important pour les maliens qui, d’ailleurs ont manifesté, à ce propos, pour saluer une telle avancée. On sentait d’ailleurs les forces maliennes progresser depuis que la ville de Anafès était tombée il y a de cela quelques semaines. Bien sûr, il y a eu des effets collatéraux importants pour les pays voisins comme l’Algérie et la Mauritanie car 50 mille habitants font fui Kidal et ne sont pas prêts à y retourner de sitôt.
Le retrait des forces séparatistes et le silence des mouvements terroristes qui sont dans le cadre du Jnim ou Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Gsim), estimé à plus de 2 mille hommes, avec le redoutable Iyad Ag Ghali, ne signifie nullement un cessez-le-feu. Il s’y ajoute en effet, le fait que le Colonel Goïta au Mali se trouve confronté à trop de fronts contre son pouvoir : les séparatistes de la Cma, les djihadistes avec les Katiba mourabitounes, les katiba du Macina au centre avec Amadou Kufa ; la société civile malienne avec Imam Dicko de plus en plus hostile à son pouvoir ; l’opposition malienne très impatiente et qui exige la fin du pouvoir de transition et l’organisation d’élections dont la date a été reportée ; la France qui a été chassée du pays avec ses médias et enfin les Nations-Unies dont le départ a été sollicité. Ça fait beaucoup. C’est peut-être le prix à payer pour réussir à imposer l’autorité de l’Etat. Mais la fracture sociale et politique est trop forte et l’impératif sécuritaire se pose avec acuité. Mieux, il est intéressant de savoir que les négociations sont dans tous les cas nécessaires dans le cadre d’un consensus national que seul un dialogue inclusif peut instaurer.
Mais, pour le moment, on est loin de cette perspective. Les autorités sont dans une dynamique de reconquête par les armes en commettant l’erreur évidente de chasser les Nations-Unies dont la présence est, dans tous les cas, nécessaire.
A défaut, il faudra encore, pendant longtemps, se passer d’élections qui sont quasiment impossibles en cette période de guerre. Ce qui veut dire que la période de transition va être prolongée et pour longtemps encore. La guerre a certes son charme, mais elle ne saurait résoudre un conflit multiforme avec en toile de fond une crise profonde d’ordre social, politique et sécuritaire. Le pays s’expose aussi à une partition en deux. Avec le risque permanent d’un autre coup d’Etat. Dans ce contexte, les militaires ne vont jamais organiser des élections parce qu’ils ne font pas tout simplement confiance à un pouvoir civil. Encore moins à la Cedeao, à l’Union africaine et aux Nations-Unies.
Assane Samb