Des soldats maliens paradent dans le square de l'Indépendance à Bamako après l'arrestation par des mutins du président IBK et du Premier ministre, le 18 août 2020. STRINGER / AFP

Mali: de la grogne à la mutinerie, un coup de force prévisible?

Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a démissionné mardi dans la nuit suite à un coup de force militaire. Il a été arrêté sans résistance, les mutins étant même encouragés par la foule. Le chef de l’État est contesté par une partie de l’opinion malienne depuis plusieurs mois. Alors, ce coup de force était-il prévisible ?

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Jusque lundi dans la nuit, il était difficile d’imaginer un tel scénario. Les militaires étaient jusqu’à présent restés en dehors du mouvement de contestation qui agite le Mali depuis les élections législatives d’avril, rappelle la correspondante de Rfi à Bamako, Coralie Pierret.

Le M5, une coalition d’opposants composée d’hommes politiques, de représentants de la société civile et de religieux, dénoncent la gabegie dans le pays. Dans les rues, ils réclament depuis plusieurs mois la démission du président. Les mêmes partisans du M5 qui, ce mardi 18 août, sont descendus place de l’Indépendance pour soutenir le mouvement des militaires.

Mais au sein de l’armée, la grogne n’est pas nouvelle. L’année dernière, en novembre, les femmes de militaires avaient manifesté à Sévaré, dans le centre du Mali et dans la capitale Bamako. Une émotion déclenchée après la double attaque jihadiste à Mondoro et à Boulkessi où une cinquantaine de soldats avaient perdu la vie. À ce moment, le silence des autorités et du président avait été perçu comme de l’indifférence par certains militaireset des rumeurs de coup d’État avaient circulé.

Ces deux dernières années, l’armée malienne a subi de nombreux revers dans le centre et dans le nord du pays. Depuis, des voix continuent de s’élever pour dénoncer la corruption dans l’armée, accusée de détournement de fonds ou de surfacturations.

À l’automne dernier, une information judiciaire a été ouverte autour des conditions d’acquisition de matériel militaire, dont deux hélicoptères Puma livrés à l’armée malienne puis tombés en panne peu après.

Mais cette mutinerie pourrait aussi être liée aux conditions d’avancement dans les rangs de l’armée malienne et au limogeage d’un lieutenant-colonel, chef de la sécurité présidentielle. Cela pourrait être l’étincelle qui a mis le feu aux poudres d’un pays déjà exaspéré.

L’armée en arbitre de la crise ?

« On assiste là à un délitement total de la situation au Mali, analyse Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network (ASSN) et spécialiste des politiques de sécurité internationales en Afrique subsaharienne. La crise sécuritaire, crise sociale ; à la crise politique s’ajoute aujourd’hui une crise d’ordre militaire. On voit que chaque jour, cette crise multidimensionnelle ne peut absolument pas être résumée à la lutte contre les groupes jhadistes. »

Pour la chercheure,« on est bien au-delà de la mutinerie. En effet, il y a des éléments qui laissent penser à un mouvement de mécontentement de certains éléments de l’armée. Mais pour moi, cette dynamique s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus profond qui était perceptible. Il y avait des rumeurs laissant entendre que l’armée pourrait être utilisée comme arbitre dans la crise politique qui se produit aujourd’hui au Mali et qui, effectivement, échappe à toutes les solutions promues, à commencer par celles de la communauté internationale et régionale, la Cédéao. »

La Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) a dépêché à Bamako une mission parlementaire dont les membres sont arrivés ce week-end. Cette dernière devait rencontrer notamment le président de l’Assemblée nationale, le M5, le Premier ministre et le président IBK. Des rencontres qui n’ont pas pu avoir lieu du fait de la mutinerie.

La députée burkinabè Reine Sakandé, membre de la mission, explique que cette mutinerie était prévisible : « Nous sommes arrivés à Bamako le week-end et, au vu des entretiens que nous avons eus, les prémices étaient déjà visibles. Déjà hier (lundi), certaines personnes nous disaient que terminer notre mission ne serait pas évident, parce que, vu qu’au niveau de la rue ils n’arrivaient pas à faire démissionner le président, ce serait la solution militaire qui allait être envisagée ».

Auteur : Rfi

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