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«Le Sénégal vit des moments critiques»

Thierno Lô, ancien ministre sous Abdoulaye Wade, aujourd’hui PCA de Sen-Ter et Président de l’Alliance pour la Paix et le Développement (A.P.D), se dit outré par la violence et la promotion d’anti valeurs. Il était l’invité du « Grand oral » sur Rewmi Fm.  

 

Frapp et Y’en marre estiment qu’il y a une justice à deux vitesse. Etes-vous d’avis ?

Je reconnais que c’est une expression de liberté à encourager et que le Sénégal est un exemple de démocratie. Il faut la préserver car il ne faut pas qu’il y ait recul de cette démocratie. Ceci étant, l’expression des droits doit s’accompagner du respect des devoirs. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la justice sénégalaise est une justice à double vitesse. C’est le sentiment  de quelqu’un qui a perdu un procès et qui n’est pas avantagé. Les gens qui ont été devant la justice et qui ont recouvré leur liberté et leur droit, quand ils sortent, sont satisfaits. Seul Dieu ne se trompe pas. Des juges peuvent se tromper, mais il faut qu’on les respecte et on ne doit pas fragiliser cette institution. Il faut essayer de façon intelligente de faire des réformes dans toutes les structures de ce pays.

Kilifeu arrêté, ses camarades estiment qu’il ne doit pas rester en prison.  Quelle appréciation faite-vous de leur démarche ?

Le nouveau comportement que nous avons au Sénégal n’est pas spécifique à Y’en a marre. C’est un mal qui est en train de gangréner le Sénégal  et il faudrait se dire la vérité, sinon on va  tout droit vers les dérives. Comment comprendre que des gens se lèvent un bon jour pour légiférer et dire que tel sorte de prison ? Kilifeu, je le respecte beaucoup et il participait à des activités de mon parti et mon école du parti est Open car il faut des débats. Tout n’est pas négatif, car ce sont des jeunes qui ont des programmes. J’ai regardé son portable, mais ce que j’ai vu comme programme de jeunesse,  élément de promotion de la destination Sénégal, je me suis dit que ces garçons pouvaient être beaucoup plus utiles. Alors, mais, quoi qu’il puisse être, personne  n’a le droit de légiférer. Il faut laisser la justice faire son travail. Je suis sidéré quand je vois des gens qui aspirent à diriger ce pays marcher avec des jeunes qui veulent mettre au rabais la justice de notre pays. Je suis sidéré de les voir demander à des jeunes de ne pas répondre à des convocations de justice. C’est ça le mal de notre classe politique. Les politiciens ont des problèmes, parce que le discours et les comportements sont différents quand vous êtes au pouvoir.

L’espace universitaire est infesté par la violence comme la rue. Beaucoup  s’inquiètent.  Quelles pourraient être les causes ?

Je lutte contre cette violence car j’ai organisé une marche avec des jeunes à Darou Mousty. J’ai regroupé les lutteurs, les Budokas et les jeunes avec la police. On a discuté car je me suis rendu compte que les discours étaient positifs. D’autant plus que ces sports de combat donnent de la sérénité et de l’assurance et ne tirent pas vers la violence. Quand vous avez la force de vous défendre, sachant que l’ennemi qui est devant vous ne peut rien faire, vous avez la force tranquille, il faut les encourager et les aider pour mettre les jeunes dans la production. Il y a la violence politique et ce sont les politiciens avec des difficultés à gagner et qui veulent conquérir le pouvoir à partir de la rue. Un drame que le Sénégal vit. Les autres veulent conserver le pouvoir en empêchant les expressions plurielles. Cela aussi  est un drame. L’autre problème, ce sont les contraintes sociales qui font que les gens en veulent à n’importe qui. Ce qui risque de créer des jaloux et un malaise général. Des gens qui refusent d’accepter de voir d’autres dans une situation meilleure que la leur. Ce sont des dangers et cela fait que le cumul est une bombe.  C’est Dieu qui donne. Cette générosité, cette solidarité, nous les perdons. Au niveau de la circulation c’est pire.  Si nous ne faisons pas attention nous allons vers le déluge. Le Sénégal vit des moments critiques de son histoire. Personne n’a le droit de pousser à ce qu’il y ait des pertes en vies humaines. Ceux qui le font n’ont pas perdu un fils, un neveu ou une épouse. Il faut qu’on sache que quand la violence est déclenchée, elle n’a pas de limite et peut toucher tout le monde. On peut régler nos problèmes dans la paix et dans la sérénité, et nous avons cette chance. A ceux qui veulent que l’on signe une Charte,  je leur ai dit les politiciens, si  vous comptez sur eux, pour avoir la non-violence, vous êtes mal barrés. Ce que vous devez faire, c’est d’aller vers les cibles et leur demander de refuser de répondre aux mots d’ordre qui mènent à la violence. Deuxièmement, il faut des réunions avec les citoyens et sanctionner tout politicien avec un langage violent. Le politicien ne répond qu’à une seule sanction : celle électorale. Quand il sait qu’un terme peut lui faire perdre les élections, il sera regardant. Les médias doivent refuser aux insolents le plateau. Chacun a une responsabilité. De même, la démission de l’autorité parentale est une cause de cette violence  des jeunes. Imaginez un père de famille, votre fille s’habille de façon indécente et passe devant vous, elle part et revient le matin à 6h, vous achète des croissants et vous fermez les yeux. Vous la voyez avec un portable qui coûte près de 600 mille Fcfa, vous ne demandez pas d’explications. Ces contraintes sociales que vous avez dans les maisons poussent wolof ndiaye à dire : « bire dou fen » (ndlr : le ventre ne ment pas.) C’est une vertu qui accompagne, la personne pour ne pas tomber aussi bas. On ne doit pas démissionner de notre famille pour que nos enfants se comportent de la sorte et il faut un « ndeup national » pour répondre aux défis qui nous interpellent.

 

Dans le milieu universitaire, de futurs cadres sont devenus violents. Est-ce un manque  d’espoir ?

C’est un rêve brisé. Le rêve est important car si Kennedy n’avait pas fait rêver les Américains, ils ne seraient jamais sur la lune. Mais les jeunes ont perdu le rêve, ils se disent être à l’université et en route vers le chômage. C’est le système qu’il faut revoir dans sa globalité et que les jeunes soient orientés ailleurs. Maintenant les étudiants sont les plus riches, parce que entretenus par des politiques. Mettre l’argent à l’université cela gangrène tout. Ce sont des amicales, des listes etc. Il y a la responsabilité des politiques qui veulent régler le problème par la violence. Cela doit nous interpeller. Les gens ne peuvent plus discuter. Il y a la peur du débat et les gens ne comprennent plus et refusent d’aborder des sujets. Il y a un problème de déni et de manque de respect.

Les jeunes prennent des pirogues pour aller à l’étranger au prix de leur vie. L’émigration clandestine reste un fléau, comment stopper ce mal ?

C’est un mal qui doit nous faire peur. Les forces de défense et de sécurité ont du pain sur la planche car un jeune qui a perdu l’espoir dans ce pays, qui est parti au niveau de l’océan, qui a vu la mort avec ses camarades jetés dans l’océan, n’a pas peur de la mort. Celui-là n’a pas peur des lacrymogènes. Nous sommes dans le « dégagisme » Soit il dit que c’est ce régime qui est à l’origine de son mal, donc il faut qu’il dégage. Il faut trouver les meilleures politiques économiques, d’insertion et de cadre d’expression pour que les jeunes restent ici. C’est un drame de voir mourir en mer un jeune qui habite un terroir comme le Sénégal qui a des étendues de surface qui ne sont pas exploitées avec des ressources minières, des compétences etc. un pays en voie de développement et un pays où tout est à faire. En Europe, ils sont dans des conditions draconiennes. Ils sont manutentionnaires, agriculteurs et vivent difficilement. Ils font tous les boulots pour régler le problème de leur famille. J’ai beaucoup de respect pour les techniciens de surface. Le soir, ils portent leurs habits et restent dignes.
Il faut encore que les gens apprennent à choisir les leaders. Aujourd’hui, il suffit d’avoir une grande gueule pour être maire. Vous êtes violent pour être président de la République, alors si vous le faites, ne soyez pas là pour vous plaindre.

Trafics de passeports diplomatiques entre la Présidence de la République et le Ministère des affaires étrangères, le summum de la honte ?

Le trafic, où qu’il puisse être, il faut le sanctionner. Que cela soit à la Présidence de la République  ou ailleurs, il faut sanctionner. Je vous dis qu’il faut remettre le dossier à la justice et donner le verdict. La justice doit aller au fond des choses. Les gens se trompent sur les juges.

On parle de haute trahison et Yewwi agite une plainte, une pétition, sommes-nous dans un folklore politique ? 

Non du tout car Yewwi, c’est l’opposition. Quand elle juge qu’un acte a été posé et que cela nécessite une plainte, c’est une liberté qu’elle exerce. Porter plainte ne veut pas dire qu’il y aura une sanction ! Moi je suis pour l’expression des libertés et que les institutions jouent leur rôle. Le fait que l’opposition arrive à porter plainte contre le Président de la République est une expression démocratique. Mais quand il s’agit du comportement de ce jeune que je ne veux même pas connaître ; cela fait partie des choses que je répugne et que je récuse. Le Président a des gens qui ne l’aident pas. Le Président est à son palais, vous lui amenez cet homme-là, sans qu’il ne soit au courant de toute la problématique, et vous les prenez en photo. Le Président ne doit pas recevoir des anti-modèles et des anti-valeurs. Le Président devait sanctionner ces gens qui ont pris cette photo. Ce qui prouve qu’il n’y a pas de sécurité autour de lui. Les gens ne connaissent pas la valeur de l’institution. Il faut éviter de mettre certaines plaies au sein de la République.

Le Ter va-t-il rouler le 27 décembre. 

Inchalla, on est en train de faire des tests.  Que les Sénégalais fassent attention car ils pensent que c’est un seul train. Il y en a plus. Toutes les 7 minutes, un Train va passer. On en aura plus d’une vingtaine, donc tout est là et les wagons aussi. Les Sénégalais seront surpris et cela va régler le problème de la mobilité. Aller plus vite et traverser des pôles économiques et chaque gare va revivre. Ensuite on va faire Thiès etc.

Le « Cebu jeen » inscrit au patrimoine de l’humanité, votre appréciation ?


C’est quelque chose qu’il faut saluer. Il faudrait que les Sénégalais arrivent à apprécier ce qui est positif et à encourager les initiatives. Le Cebu jen est un élément de notre gastronomie. Pour qui fait la promotion de la destination Sénégal sait que la gastronomie est un élément de promotion touristique. Le Cebu jen  encourage  une autosuffisance  alimentaire et une  diversification de nos cultures. Regardez tout ce qu’il a comme production agricole. En faisant cette promotion de ce produit, on va cultiver tous les produits comme matière première. Il faut améliorer ce que nous faisons car pour que cela soit pris au plan international, il y a la lutte contre le temps. D’aucuns le font en 20 minutes, comme l’a expliqué Pape Abdoulaye Seck. il faut cuire les aliments, le poisson à bouillir. Il suffit de récupérer cette eau pour que tout soit au top avec un plat succulent. Il faut penser à en faire du surgelé.

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