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Conditions de travail des domestiques
Conditions de travail des domestiques

Relations avec Patronnes- Maltraitance des enfants: Les travailleuses domestiques pointées du doigt

La relation entre travailleuses de maisons et patronnes est souvent tendue. Nombreuses sont les dames de maison qui ne font pas confiance à leurs travailleuses pour leur confier leur progéniture ou tout simplement la maison. Un reportage sur ce sujet a permis de se renseigner sur les maltraitances dont sont victimes les enfants de la part des travailleuses de maison.

Les femmes qui travaillent rencontrent d’énormes difficultés pour trouver une travailleuse domestique. Les patronnes accusent souvent les bonnes de maltraitance envers leurs enfants. Une situation qui fait que beaucoup préfèrent amener leurs enfants à la crèche. Les témoignages de ces maltraitances font froid dans le dos.

« Ma bonne scotchait le pé….s et l’anus de mon mon fils »

« J’avais décidé de ne plus mettre de couches pour mon fils afin qu’il s’adapter à aller aux toilettes quand le besoin se fait sentir. Mais malheureusement pour moi, ma bonne lui faisait vivre l’enfer quand j’étais absente. Elle ne supportait pas qu’il fasse ses besoins hors des toilettes et n’a pas trouvé mieux que de coller du scotch sur son zizi et son anus. Dès qu’il a envie d’aller aux toilettes, il pleure et elle enlève le scotch », raconte cette mère de famille qui a finalement été avisée par une voisine. « Je suis revenue le lendemain et je l’ai prise par flagrant délit, je l’ai aussitôt renvoyée avant de porter plainte pour maltraitance », martèle-t-elle.

« Ma bonne traînait mon fils sur le sol pour l’amener à l’école »

Mme Diop en a pâti. Cette jeune dame qui travaille dans une banque a également vécu cette mésaventure avec une de ses bonnes. « C’est elle qui amenait mon fils à l’école, et comme en cours de route, il refusait de marcher vite, ma bonne le tirait sur le sol pour le déposer avec force », déplore-t-elle la mort dans l’âme. Elle a été informée par une voisine qui a reconnu son enfant. « Je lui ai aussitôt dit d’arrêter», narre-t-elle. Depuis, me Diop préfère déposer son enfant avant d’aller au bureau, même si son enfant est le premier à être dans l’école.

« Ma bonne molestait ma fille »

Embouchant la même trompette, F L, comptable dans une entreprise de la place, a vécu une situation similaire. En effet, sa bonne tapait sa fille qu’elle accusait d’être impolie. « Elle n’arrêtait pas de la gronder et de la taper. Un jour en revenant du boulot, ma fille a prononcé un gros mot alors qu’elle ne savait même pas insulter quand je lui ai demandé où elle a appris cela, elle m’a dit que c’est la bonne qui le lui dit tous les jours », raconte-t-elle. Et de poursuivre : « J’ai demandé à ma voisine de palier, elle m’a dit l’entendre souvent insulter ma fille. Et elle la battait aussi. Je l’ai renvoyée et depuis, je l’amène chez ma mère jusqu’à je termine mon boulot ».

 « Quand, elle cuisinait du poulet, elle le mangeait sans le donner aux enfants »

Mme Fall, elle, est dépassée par la situation. « Un jour je lui ai dit de préparer du riz au poulet, mais à l’heure du repas elle n’a même déposé le poulet dans le bol, elle l’a mangé seule », dit-elle. Elle soutient qu’en revenant du travail, son fils pleurait, disant vouloir manger du poulet. « Quand je lui ai dit qu’ils en ont mangé au déjeuner il m’a dit que la bonne était la seule à l’avoir et lui et ses frères se sont contentés du riz », j’étais dépassée et je lui ai dit de ranger ses affaires et de partir.

BAYE DIENG, PSYCHO-SOCIOLOGUE

« Les travailleuses domestiques n’ont pas été préparées à s’occuper convenablement des enfants »  Le psycho-sociologue, Baye Dieng s’est prononcé sur la relation entre travailleuses domestiques et patronnes. Selon lui, cette relation conflictuelle est liée à la maltraitance des enfants de ces dernières.  Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le psychosociologue Baye Dieng explique ce fait par le défaut d’une préparation professionnelle adéquate de l’employée quant à la manière de s’occuper des enfants.

Pourquoi les relations entre les bonnes et les patronnes ne sont-elles plus des meilleures ?

Un des facteurs qui expliquent les tensions ou conflits entre les travailleuses domestiques et employeuses est à chercher dans les termes du contrat qui ne sont pas toujours clairs. Les contrats sont en général tacites, et cela laisse place à beaucoup d’interprétations de part et d’autre. Les attentes ne sont pas clairement exprimées et les rôles pas suffisamment clarifiés. Je pense que c’est à l’employeuse de préciser les différentes tâches attendues de la travailleuse domestique : est-ce une femme de ménage simplement, une baby-sitter, une garde d’enfants, une aide-ménagère, une nounou, une éducatrice, etc. Ces précisions sont importantes, car elles vont déterminer le nombre d’heures de travail par jour et le nombre de jours de travail par semaine ; ce qui est rarement débattu. Il y a une dimension culturelle à prendre en compte aussi : il n’est pas toujours facile pour une femme d’accepter l’autorité de sa patronne et d’obéir à ses ordres sans les discuter comme elle le ferait avec un homme, par exemple. On connaît les relations entre femmes qui peuvent facilement verser dans la compétition ou la concurrence. Ainsi, un petit rappel à l’ordre émanant de l’employeuse peut facilement toucher l’orgueil de la travailleuse domestique, provoquant ainsi des réactions inappropriées et exagérées ; et vice versa. S’y ajoute la précarité du travail qui est – de toute façon – un facteur de stress qui place la travailleuse domestique en mode défensif, prête à contre-attaquer – excessivement parfois – pour la plus petite blague. Les antécédents scolaires (échec scolaire) ou familiaux (rupture familiale ou conjugale) peuvent constituer des facteurs aggravants, concernant le caractère impulsif ou agressif de certaines travailleuses. Mais il ne faut pas généraliser, il y a des relations travailleuse domestique/employeuse qui fonctionnent à merveille.

A qui la faute ?

Il faut éviter de tomber dans la stigmatisation, en accusant systématiquement une partie. Je pense que chacune des parties a sa part de responsabilité. Par exemple, il peut arriver que la patronne ne considère pas la travailleuse domestique comme un membre à part entière de la famille, ou comme un « être humain » tout court, avec des besoins à combler, en tant qu’être humain. Et ce manque de reconnaissance peut être mal vécu. Mais le risque, quelquefois, avec une travailleuse domestique trop bien intégrée, est qu’elle peut oublier qu’elle a une charge de travail quotidienne à accomplir. Qu’elle est dans la maison pour travailler d’abord, qu’elle à un contrat à honorer (même si c’est un contrat tacite).

Pourquoi les bonnes maltraitent-elles les enfants ?

Vous savez, notre rapport à l’enfant est déterminé, en grande partie, par notre culture et l’éducation qu’on a reçue. Chaque travailleuse domestique provient d’un groupe social qui lui dicte – d’une certaine façon – ce que doit être une relation normale avec un enfant. Les travailleuses domestiques n’ont pas été préparées à s’occuper convenablement des enfants, comme le ferait une professionnelle. Elles ne mesurent pas toujours l’ampleur des actes qu’elles posent, aussi anodins soient-ils, la bonne conduite à tenir et comment satisfaire adéquatement les besoins des enfants. Les métiers de la petite enfance, cela s’apprend. Cela ne s’improvise pas. Alors, si vous avez une travailleuse domestique qui se comporte de manière inappropriée avec vos enfants, il faut chercher à en comprendre les raisons d’abord : est-ce par ignorance, par négligence ou par « vengeance ». Cette dernière hypothèse n’est pas à écarter. Les employeuses doivent prendre le temps nécessaire pour discuter avec leurs travailleuses domestiques, pour mieux les connaître d’abord, ensuite avoir une idée de la compréhension qu’elles ont des enfants qu’elles sont censés prendre en charge, les valeurs importantes pour elles et les sensibiliser sur certains aspects liés à la maltraitance des enfants.

Accompagner un enfant, c’est un métier. Cela s’apprend.

 

 Certaines patronnes préfèrent amener leurs enfants à la crèche. Est-ce normal ?

Oui, vous avez raison. Il y a certains parents qui estiment que la solution, c’est l’internat à la crèche. Mais la réalité est que la plupart des crèches peuvent s’occuper de l’hygiène de l’enfant, de son alimentation, dans une certaine mesure ; par contre ce qui est moins évident pour ces crèches, c’est d’assurer le développement psychoaffectif de l’enfant. En fait, pour la plupart de ces structures, ce sont plus des garderies d’enfants, que des écoles pour enfants à proprement parler. A mon avis, c’est la politique de l’enfance qu’il faut revoir dans sa globalité, aussi bien les structures formelles d’éducation que les espaces non formels, les familles et communautés. On parle de travailleuses domestiques certes, mais les enjeux sociétaux, psychologiques et économiques sont énormes à tout point de vue, pour être négligés à ce point.

 

NGOYA NDIAYE

 


 

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