Le secrétaire général du syndicat national pour la refondation sociale des agents municipaux du Sénégal (SN-RESAMS) a indiqué ce jeudi que leur grève ne s’achèvera pas tant que l’État n’aura pas pris en compte leurs revendications. Alphousseyni Diatta qui encourage ses camarades à poursuivre le mot d’ordre est revenu sur les motifs de cette grève qu’ils observent depuis plusieurs mois.
Quels sont véritablement les motifs de votre grève ?
La grève est motivée par une récente augmentation généralisée des salaires appelée « indemnité spéciale par hiérarchie » octroyée par le président de la République à tous les agents de l’administration. Maintenant, la loi portant création de la fonction publique locale dit en son article 29 que toute augmentation ou revalorisation salariale dans la fonction publique de l’État l’est automatiquement dans la fonction publique locale et depuis 2022, nous courons derrière cette augmentation et ces rappels.
Depuis que vous avez entamé cette grève, est-ce que vous avez eu à rencontrer les autorités pour des négociations ?
Oui effectivement, nous les avons rencontrés. Mais, je tiens d’abord à rappeler qu’il y a une revendication bien antérieure à celle-là, c’est-à-dire la revendication de l’effectivité de la fonction publique locale. Nous courons derrière cette revendication depuis 2011. Depuis cette année-là, il y a eu de nombreuses rencontres qui ont eu lieu entre l’intersyndicale des collectivités locales et les autorités, mais rien n’a abouti jusque-là. Ces 10 dernières années, nous avons énormément parlé avec les autorités de l’État, mais ce qui a mis de l’huile sur le feu, c’est cette récente augmentation des salaires qui tarde à être concrétisée. C’est ce qui a fait que nous avons durci le ton mais la lutte a commencé depuis 2011.
Qu’est-ce qui bloque, selon vous, les négociations entre vous et l’État ?
L’État avait dit qu’il ne maîtrisait pas les effectifs des collectivités locales et qu’il fallait faire un recensement. Il a fait une collecte et chaque collectivité locale avait fourni sa liste et les dossiers y afférents et cela était déjà bouclé. Selon le dernier rapport dont nous avons connaissance, il y a 4021 agents qui ont vu leurs dossiers validés, 8858 qui restent à être validés et 3600 qui ne font pas partie des agents bénéficiaires de cette hausse salariale. Nous avons eu connaissance de ces données depuis le mois de juillet dernier. Il se peut qu’elles aient évolué car il y avait des collectivités locales qui n’avaient pas encore les informations demandées. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a toujours pas la publication d’une liste pour que les agents soient informés de leur situation. Il y a une rencontre avec le ministre de tutelle qui a promis une audience avec le premier ministre et là, nous courons derrière depuis juillet. Je pense que la rencontre avec le premier ministre n’est pas la plus importante dans la mesure où nous avons déjà dit tout ce que nous avions à dire. Tout ce qui devait être fait, est fait. Il ne reste que la concrétisation par un paiement d’abord des rappels par émission spéciale et l’alignement.
Vous ne craignez pas que cette rencontre avec le premier ministre n’ait pas lieu, d’autant plus qu’il est candidat à l’élection présidentielle avec un calendrier chargé ?
Nous avions prévu cette situation. Pour dire vrai, on l’a vu venir et c’est pour cette raison que nous avions directement saisi le président de la République qui nous avait mis en rapport avec un ministre conseiller, en l’occurrence Monsieur Assane Diop qui est également ancien ministre de la santé et syndicaliste comme nous. Nous avons traité la question avec lui et il avait prévu de rendre compte au président Macky Sall. C’est pour cette raison que nous pensons que c’est lui la clé de la situation.
Le Premier ministre est peut être occupé par autre chose, mais il aurait dû s’occuper de notre situation qui est une urgence. Malheureusement, l’État fonctionne avec un présidentialisme fort et c’est pour cela que nous interpellons directement le chef de l’État pour que la situation soit définitivement réglée et que les agents retournent à leurs postes.
Est-ce que les associations de maires ont eu à parler avec vous ?
Non, elles n’ont pas parlé directement avec nous. Elles avaient juste émis une correspondance demandant à leurs collègues de procéder aux paiements, mais tout le monde sait que c’est pas du sérieux. Quand on voit l’évolution de la situation, on sait que la plupart ne sont pas en mesure de payer ces sommes. C’est à l’État de le faire. C’est lui qui est responsable d’autant plus que c’est lui-même qui a initié cette réforme qui n’est pas achevée. Donc, c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités en tirant toutes les conséquences de cette situation et de la régler.
Avec la rentrée des classes qui arrive bientôt, il y aura une forte demande de papiers administratifs. Qu’est-ce que vous avez prévu de faire pour ne pas porter préjudice aux élèves ?
Il faut d’abord rappeler que nous qui menons cette grève, sommes aussi des parents d’élèves. Nous avions eu à faire plusieurs concessions. Ce dossier traîne depuis 2011 même s’il s’est aggravé l’année dernière. Nous avons eu à faire des pauses pour permettre à l’autorité de régler la question. On ne souhaitait pas en arriver là, mais nous sommes à un stade où le durcissement est de rigueur. C’est la demande générale des agents des collectivités locales et on ne va pas déroger à la règle. Nous estimons que l’État peut mettre fin à cette situation le plus rapidement possible. Il est le seul à avoir les capacités.
Quelle sera la suite de votre grève si l’État ne fait aucune réaction ?
S’il ne fait rien, la lutte va continuer. Nous allons multiplier les actions notamment l’organisation de marches de protestation ou même de sit-in, mais la grève en tant que telle, sera poursuivie. Mieux, nous allons la durcir si l’autorité ne réagit pas favorablement.
Quel bilan général faites-vous de votre grève ?
Pour le bilan général, je décerne un satisfecit à mes camarades. La grève a été largement suivie mais là, nous allons veiller à ce qu’elle soit observée à 100%. Au stade où nous sommes, je peux dire qu’elle est satisfaisante car, de plus en plus, les camarades montrent de la détermination contrairement au début. Ils sont donc de plus en plus conscients des enjeux et de la situation. Ils savent que la situation va évoluer. Il faudrait dire aussi que jamais dans l’histoire des collectivités locales, il y a une lutte menée de cette façon.
Vous ne craignez pas de sanctions venant de l’État si toutefois votre grève n’est pas interrompue ?
Nous nous attendons à tout. D’ailleurs, nous y préparons et nous attendons l’État de pied ferme.
EL HADJI MODY DIOP