Djibril Ngom au Palais: Macky s’est tiré une balle dans le pied

Les erreurs de communication, on en fait dans tous les camps politiques, par tous les leaders. Mais, en ces temps de pré-campagne, il est contre-productif de les multiplier à loisir.  Le Président Sall, en recevant Djibril Ngom, celui qui avait disparu avec les listes de la coalition Yewwi Askan wi, s’est tiré une balle dans le pied.

Sa démarche a été d’autant plus maladroite que ce sont les jeunes de son propre parti, l’Alliance pour la république (Apr), qui ont fait une sortie, pour fustiger cela. Et c’est sans doute la première fois que ces jeunes apéristes s’expriment ainsi publiquement sur un sujet et contre leur leader qu’ils sont toujours prompts à défendre.

La réalité est qu’en recevant cet ex-mandataire défaitiste, le Président de la République vient de poser un acte qui signifie qu’il ne condamne pas les coups bas, la forfaiture, la trahison, surtout en politique.

Que la personne ait rejoint l’Apr comme il l’annonce, c’est son droit. Qu’il change de camp, on peut le comprendre, mais qu’il disparaisse avec des listes, ce n’est pas acceptable. Car, l’acte posé est de la dissimulation de documents qui est assimilable à son trafic, d’autant plus qu’il aurait, d’après certains responsables de la localité, procédé à des changements de noms de personnes sur beaucoup de listes, ce qui est manifestement constitutif du délit de faux et usage de faux.

En clair, il n’est pas difficile de démontrer que le sieur Ngom est en contradiction avec la loi et surtout avec la morale, celle-là la plus élémentaire. Et son audience sonne comme une félicitation, pis un encouragement à se comporter de la sorte, au moment où, au Sénégal, tout le monde s’accorde à dire qu’il y a une crise de valeurs. Du reste, les explications de Djibril Ngom sur le fait que l’enveloppe qu’il avait sur lui ne contenait pas de l’argent et qu’il n’a été reçu que pendant 15 mn, n’y changent rien. Le mal est fait. Et il est profond. Les Sénégalais, y compris dans les rangs du Président, ont été vraiment choqués. Et beaucoup l’ont exprimé à travers les réseaux sociaux ou les médias.

Or, Macky disait qu’il n’est plus dans les combines. Mais on se rend compte, aujourd’hui, qu’il est resté calculateur, encourage la transhumance et a, toujours, pour préoccupation, de neutraliser ses adversaires, par tous les moyens. Ce qui est dommage, dans tout cela, ce sont les effets collatéraux.

En effet, il sera difficile, face à la manière dont les acteurs politiques, au plus haut niveau, mènent les batailles politiques, de faire entendre raison à la jeunesse sur le fait qu’il faille mettre au premier plan des priorités le respect de nos valeurs cardinales de courage, de pudeur, d’honnêteté et de générosité. Les politiques ont fini de semer une très mauvaise graine dans une société en pleine mutation traversée par des crises graves de toutes sortes. Au lieu de s’ériger en référence en cultivant l’excellence, ils sont tellement concentrés sur les batailles politiques, qu’ils en arrivent à oublier les populations pour lesquelles ils sont censés s’engager.
Du coup, la multiplication des contre-exemples n’a fait qu’aggraver la crise des valeurs.

Djibril Ngom n’est sans doute pas un exemple et il doit répondre devant la justice qui doit avoir les coudées franches pour agir en toute indépendance.  Malheureusement, son audience au Palais de la République où on est censé recevoir les héros, sème un doute sur une quelconque sanction qu’il pourrait écoper de son acte inqualifiable et qui a été suivi par d’autres.

Si on continue à promouvoir les contre-valeurs, il arrivera un moment où les défiances morales vont faire basculer la société dans des excès de toutes sortes.

Assane Samb