Le mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS) a tenu hier la 23e session de ses assises économiques annuelles sous le thème : « Le développement économique endogène ». Occasion saisie par le patron du MEDS, Mbagnick Diop pour plaider en faveur d’un secteur privé national soutenu par une banque puissante.
L’économie endogène a été au cœur des débats lors de la 23e session des assises économiques annuelles du mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS). Selon Mbagnick Diop, l’édition 2024 s’est déroulée dans un contexte international marqué par une endogénéisation généralisée des économies du monde, la résurgence d’un protectionnisme sournois de grandes puissances économiques et la stratégie de développement économique de la majorité des Nations désormais axée sur la souveraineté. « Ce rendez-vous économique coïncide cette année avec l’avènement d’une nouvelle gouvernance survenue au mois de mars 2024 et qui se traduit par une nouvelle vision du chef de l’Etat et un nouveau programme de développement économique et social.
Par ce thème de l’économie endogène, le MEDS propose une nécessité de « réinventer la croissance, de tropicaliser les standards internationaux, de trouver de nouvelles stratégies de développement et de politiques commerciales eu égard du contexte économique et la situation géopolitique de l’heure et enfin mettre en place de nouveaux mécanismes de financement de notre développement ». Et de poursuivre : » Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye est venu au pouvoir avec un concept fort intéressant pour le secteur privé qu’est l’économie endogène. Elle est un phénomène auto-entretenu qui met l’accent sur quatre facteurs qui influent sur le taux de croissance économique à savoir les rendements croissants grâce aux économies d’échelle, l’intervention judicieuse de l’État, notamment par l’investissement dans des infrastructures économiques, l’innovation, pour une activité à rendement croissant avec un coût d’appropriation minimal et l’investissement sur l’économie du savoir, le capital humain ».
A l’en croire, la vision du Président de la République sur le secteur privé est claire et se révèle par son caractère mobilisateur et motivateur. « Elle est une image nette du futur. Elle définit la direction et les objectifs que nous voulons atteindre. Le secteur privé Sénégalais a toujours été le parent pauvre des politiques publiques au Sénégal, son apport est difficilement quantifiable. Les sous-secteurs qui tirent la croissance dans notre économie, sont les banques, les télécommunications et sous peu l’exploitation du pétrole va prendre le relais. Et sur tous ces sous-secteurs, la présence du privé national est très faible voire inexistante. Alors s’il n’y pas de changement politique, difficile de trouver les beaux jours du secteur privé national sinon un rôle de sous-traitance avec les majors qui vont contrôler la production à l’intérieur du Sénégal », tient-il à préciser.
Et de marteler: » Il y a un décalage entre la politique de l’État qui cherche à faire des investissements lourds et sophistiqués et la capacité de notre secteur privé dont les 0.4% sont des Petites moyennes entreprises. L’État aussi, sur beaucoup de marché, paie après service fait, ce qui veut dire que si l’entreprise n’a pas d’accompagnement bancaire, ce serait très difficile d’être en compétition sur un marché public qui dépasse 50 milliards FCFA. Les entreprises étrangères sont accompagnées par leurs banques ou leurs pays ». Le président du MEDS corrobore ses propos par les projets structurants de la phase 1 du PSE avec le TER, l’autoroute lla Touba, l’AIBD. « C’est combien de milliards? Vous voyez que si le secteur privé national n’est pas soutenu par une banque nationale puissante, qui va l’accompagner dans les grands projets structurants, ça va être très compliqué de concurrencer les entreprises internationales. Donc les autorités gouvernementales doivent faire au préalable une évaluation exhaustive de la phase 1 PSE et orienter l’investissement vers des secteurs à haute intensité de main d’œuvre dans des zones qui ne contribuent pas beaucoup à la création de richesses au Sénégal et cela peut impacter positivement sur les PME. Car la finalité de toute politique est l’amélioration de la qualité de vie des citoyens », plaide-t-il.
Le MEDS suggère la fusion du FONSIS, du FONGIP et de la BNDE pour en faire un seul instrument financier très puissant pour accompagner le secteur privé national. « C’est dans un esprit orienté vers le développement, la croissance et l’emploi qu’il faut coacher un secteur privé national fort. L’objectif, est de mettre en œuvre un dispositif de régulation et d’encouragement de l’activité économique qui permette d’assurer à la nation sénégalaise des retombées positives du développement des entreprises en termes de croissance et d’emplois, ainsi que de conserver sur le sol national des centres de décision majeurs et de garantir la maîtrise d’activités et d’entreprises sensibles, indispensables à la préservation de la capacité de décision de l’État. Ce qui implique deux choses : Premièrement, qu’il ne s’agit aucunement de prendre des mesures d’interdiction, de blocages des flux (de marchandises, de capitaux) ni le protectionnisme, ni la limitation rigide de l’investissement ne constituent des options envisageables et sérieuses. Les échanges de produits et le placement des capitaux doivent en revanche obéir à des règles de réciprocité permettant une lutte commerciale à armes égales », laisse-t-il entendre.
« La croissance économique ces dernières décennies n’a pas été endogène «
Mbagnick Diop reste convaincu que le PIB par habitant, l’espérance de vie des citoyens et le niveau d’éducation pourraient être une base de travail fiable pour les panélistes du fait qu’il est étroitement corrélé au niveau de développement d’un pays. « Or, les résultats obtenus par le Sénégal sur ces dix dernières années, révèlent un IDH moyen de 0,500 à l’échelle de 0 à 1 et synonyme d’un score faible, le plaçant dans la catégorie des pays alignés au bas de la pyramide de développement. Pendant ce temps, la Côte d’ivoire, après avoir connu des périodes troubles au début des années 2000 avec un score IDH moyen de 0,4, se place depuis 2021 dans la catégorie des scores moyens avec un résultat de 0,550.
Enfin, les paye d’Europe tels que la Suisse, la Norvège, l’Allemagne et la France enregistrent de scores élevés avec une moyenne de 0.91″, argumente-t-il. Il poursuit : « Considérant ainsi la forte corrélation entre l’IDH et le développement économique endogène d’un pays, nous pouvons ainsi orienter le Sénégal vers l’atteinte d’un score de 0,6 à l’horizon 2029, avec un taux moyen de croissance annuelle d’IDH de 4%. Un tel résultat acquis sur la base d’un modèle de développement endogène garantirait une nouvelle voie vers la souveraineté économique et sociale du Sénégal ».
En ce sens, il faut noter que la croissance des dernières décennies n’a pas été endogène. « De nombreux chefs d’entreprise ont compris depuis des années qu’une croissance non endogène n’est pas durable, mais l’augmentation de la pauvreté dans le pays, l’accélération des inégalités accrue par la crise sanitaire, politique et économique actuelle, et l’apparition de la colère sociale ont poussé les Sénégalais à un nouveau stade de prise de conscience et accéléré les appels à l’action des entreprises. Le secteur privé sera là et jouera sa partition », soutient-il.
NGOYA NDIAYE