La gestion du pouvoir n’est sans doute pas ce que l’on croit. Ousmane Sonko de Pastef vient de l’apprendre à ses dépens lui qui vient d’essuyer sa première manifestation de protestation depuis qu’il est Maire de Ziguinchor.
En effet, ses étudiants du Sud qui sont à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar protestent vivement contre la non-prise en charge par la Mairie de leurs charges de logement. Des jeunes qui ont poussé très haut le sens de la responsabilité et du comportement républicain allant jusqu’à préciser qu’ils ne roulent pour aucun politicien mais s’adressent aux autorités de Ziguinchor. Belle leçon de civisme et de patriotisme même si l’engagement partisan est une expression de liberté.
Sonko vient ainsi d’expérimenter le fait que dès que l’on a le pouvoir ou une parcelle de pouvoir, qu’il soit déconcentré ou décentralisé, on est toujours exposé, face à de profondes frustrations, à des critiques, des protestations, et parfois à une diabolisation constante. Cela ne veut pas dire que ces critiques ne sont pas toujours fondées ou que le contrôle direct de l’action gouvernementale ne peut se faire dans la rue. Mais, cela signifie qu’il est très commode de s’opposer et très difficile de gouverner.
En effet, tant que l‘on est dans l’opposition, c’est-à-dire dans la posture de contre-pouvoir, il est facile d’être en phase avec les masses défavorisées, les protestataires, les indignés, etc. Mais dès que l’on est élu, même à la tête d’une Mairie, cela devient moins facile. Et Sonko n’est pas le seul. Ahmeth Aïdara et pratiquement tous les Maires de Yewwi Askan Wi nouvellement élus, se trouvent de plus confrontés à des critiques acerbes de leurs administrés, à peine installés. Car, la gestion du pouvoir, c’est du concret, du sérieux. Il s’agit de réalités souvent contradictoires auxquelles on était peu préparés et dont on ne mesure pas toujours l’ampleur et la portée.
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 80 n’a jamais été reformé au Sénégal, que Obama n’a pas fermé la prison de Guantanamo, que Macky n’exclut pas de faire un troisième mandat avec son ‘’ni oui ni non’’, etc. C’est d’ailleurs pour cette raison que les promesses formulées sous le statut d’opposant sont rarement respectées. Car, de la station d’opposant, on peut même promettre la lune. Ce qui explique davantage les décalages entre les promesses donc les rêves et la réalité, c’est que les ressources dont on dispose sont rares et qu’il est difficile voire impossible de satisfaire tout le monde. Il faudra ainsi prioriser en hiérarchisant, à tout instant, les besoins et les solutions à apporter. C’est une exigence élémentaire de politique publique dans une société dite complexe ou autoréférentielle.
Le problème, c’est que chaque segment de la société ne voit que ses propres difficultés et exige des solutions immédiates alors que les gouvernants, eux, en ont une vision globale et sont obligés de procéder à des choix du fait du caractère limité des ressources dont ils disposent. C’est pourquoi, il est nécessaire, pour tout gouvernant, au niveau central ou local, de mettre en place une bonne stratégie d’organisation et de méthode. C’est seulement à ce prix que l’on arrivera à rationaliser les ripostes apportées à différents segments de la société et à limiter, le maximum possible, les frustrations et les récriminations subséquentes.
Nous déduisons de cette analyse que les frustrations ne sauraient manquer pour n’importe quel gouvernant mais qu’elles sont impérativement à limiter surtout si l’on est dans l’opposition et que l’on aspire à diriger le pays. Comme quoi, Sonko doit immédiatement trouver une solution à ce problème des étudiants de Ziguinchor.
Assane Samb