« Il n’y a pas eu de tripatouillage ni de maquillage, …»
Me El Hadj Amadou Sall n’a pas épargné Ousmane Sonko. Ce dernier reste convaincu que le Premier ministre ne maîtrise pas les chiffres encore moins les techniques budgétaires. Il dit « Non » à la chasse aux sorcières dans le cadre de la reddition des comptes rappelant, dans la foulée, que le processus électoral est truffé de violations.
Invité de l’émission le Grand Oral sur Rewmi FM, Me El Hadj Amadou Sall a décortiqué la déclaration faite par Ousmane Sonko jeudi dernier lors de la conférence de presse organisée par le Gouvernement. Lors de cette rencontre, le Premier ministre avait peint un tableau sombre de la gestion du régime sortant avec une situation financière catastrophique qui résulte d’un « carnage financier ».
Ce dernier dit être déçu après la sortie d’Ousmane Sonko. « Il est dans ce qu’il sait faire basé sur l’ignorance, l’irresponsabilité et des contrevérités et sur la manipulation. On ne peut pas, quand on occupe des fonctions aussi importantes, avoir cette attitude. Il faut une gestion maîtrisée de nos relations avec les partenaires techniques et financiers et nos comptes. La conséquence de ses déclarations, avec la dette, c’est comme si on devait plus qu’on ne devrait. Les investisseurs sont découragés et aucun investisseur ne viendra. Il est dans la confusion », a-t-il fait remarquer. A l’en croire, ce n’est pas aux fonctionnaires de faire un audit. Mais, poursuit-t-il, on demande à la Cour des comptes de le faire. « Je le mets au défi car il n’y a pas d’audit. C’est un mensonge d’Etat. Il a souligné qu’on lui a présenté une situation des comptes et il ne comprend pas l’approche mais crie à la mauvaise gestion. Il n’y a aucune faute de gestion » a clamé l’invité.
A la question de savoir si l’image du pays est ternie avec ces chiffres annoncés par Ousmane Sonko, Me El hadj Sall a répondu qu’on ne peut pas bâtir une confiance sur la perception de l’appareil d’État. Car dit-il « venir à la face du monde pour dire sur quoi le régime sortant a menti, c’est faux. Le rapport de l’Inspection générale des finances est attendu car, la seule institution chargée de certifier les comptes c’est la Cour des comptes. Il y a des règles de gestion budgétaire mais il faut que cela soit avéré. Il existe des emprunts pour des projets et il existe des techniques budgétaires ».
Il a invité le régime actuel à avoir la compréhension des chiffres. Selon lui, on risque d’être dans une situation difficile avec le déficit présenté aux populations. Dans le même ordre d’idées, il dira que le Pm Sonko, depuis 6 mois, ne sait pas où il va ni ce qu’il doit faire. « Il s’énerve pour rien et n’a pas les réponses qu’il faut. Il est à la recherche d’une majorité » s’est-il défendu.
Interpellé sur les risques d’une récession, cet allié de Macky Sall a botté en touche. Sur les 605 milliards qui seraient introuvables dans les comptes, il s’agit selon lui de l’encours de la dette et que le Fmi a été informé de la situation d’année électorale avec une impossible hausse de certaines denrées, expliquant que cette somme est aussi utilisée à cette subvention et non au paiement de la dette et que tout est traçable. « Il n’y a pas de tripatouillages ni de maquillage ou de malversations. Il y a l’utilisation de techniques et de pratiques budgétaires. Mais étant novice face au Fmi, on risque d’être imposé par cette institution » s’est-il désolé.
Pour lui, si le Pm, par sa faute et sa responsabilité, arrive à mettre les sénégalais dans cette situation, il faut l’aider à se relever et à présenter la situation du pays autrement. « Il y a une différence d’appréciation entre le Pm et son ministre des Finances. Malgré tout, ce dernier pouvait dire que la situation est gérable et changer de discours face à la presse étrangère. Tous les jours on parle de cette situation catastrophique. Il faut l’aider à modérer son langage et il n’est pas un opposant », a regretté l’avocat à la cour.
Face à la différence d’approche avec Macky Sall, selon Me El Hadj Amadou Sall, quand Me Wade était arrivé au pouvoir, il disait avoir trouvé les caisses pleines. « C’était faux car en réalité il n’y avait pas de caisse. Mais pour le cas Diomaye qui disait qu’il n’y avait rien dans les caisses, il pensait trouver un coffre-fort plein d’argent. Mais Wade a cherché des sous en convaincant les bailleurs à investir. Sonko nous met dans une situation ingérable et il est coutumier des faits », a déploré l’invite.
Livre blanc de Macky : une crédibilité entachée ?
Récemment, le livre blanc de Macky Sall a été présenté en grandes pompes par les « aperistes ». Face aux attaques de leurs adversaires, il dit assumer ses positions. Mais il avoue que du point de vue des investissements, l’ancien Président du Sénégal a beaucoup travaillé et que le marché a été intégré. C’est le cas pour les produits en provenance du sud qui sont, aujourd’hui, accessibles partout. Mais, selon Me Sall, là où le Président Sall a pêché c’est dans le domaine de la gouvernance comme ce fut le cas pour Me Wade. « C’est une observation à faire et c’est le cas. Ils ont mis l’essentiel sur les réalisations comme Me Wade. Mais en vain sur la gouvernance », a-t-il lancé. A la question de savoir s’il sera possible de poursuivre Macky Sall pour haute trahison, Me Sall répond : «en parler, c’est accepter la responsabilité pénale de M. Sall. D’où le fait qu’il refuse ce débat et la réclamation de l’acte qui prouve qu’il a fait de la haute trahison. C’est inacceptable et c’est un un manque de dignité de sa part. Le dire c’est le châtier. Il (ndlr : Macky) ne le mérite pas vu tous les sacrifices qu’il a consentis entièrement pour ce pays. Macky n’a pas été sanctionné bien que n’étant pas candidat », a mis en avant Me Sall.
Auditions tous azimuts : « une grave erreur et une bêtise »
En outre, le Ministre de la justice Ousmane Diagne avait souligné que les responsabilités seraient situées dans le cadre de la gestion de l’ancien régime. Une démarche qui n’est pas du tout étonnante pour Me Amadou Sall car, fait-il savoir, « le pouvoir tente de mettre la justice au pas. Et c’est ce pouvoir politique qui est dans cette démarche. Nous sommes entourés par une ceinture de feu avec le Mali qui vit une grande instabilité. On sanctionne des gens en les envoyant vers ces zones là comme à Tamba. On y envoie des magistrats et on vous demande de sauver ce pays. Mais ce sera un trou pour la menace terroriste », a-t-il dénoncé.
Sur les conclusions des assises nationales de la Justice et le maintien du président de la République au sein du conseil national de la magistrature, Me Sall dit avoir pris part à la cérémonie d’ouverture.
Il reste opposé à l’idée de départ du président. L’ancien Garde des Sceaux, sur cette question, a fait savoir qu’« il y a d’autres moyens de le faire si l’on veut sauvegarder l’indépendance des magistrats. Il s’agit d’abord d’en augmenter le nombre émis par leurs pairs, mettre les grands postes à compétition et limiter le temps de présence à un poste. Des mécanismes pour garder leur indépendance et éviter la République des juges. »
Le pool financier judiciaire a été récemment installé. Dans la foulée des auditions, on assiste ainsi à des arrestations dont celle de Lat Diop, ancien Dg de la Lonase sous le magistère de Macky Sall. « Une grave erreur et une bêtise », a qualifié Me Sall. Pour lui, la reddition des comptes ne se fait pas au tribunal mais il revient à l’inspection général d’état, à la cour des comptes même s’il reconnaît que tout le monde doit rendre des comptes mais pas au tribunal. « Quand on va au tribunal c’est parce qu’on est présumé coupable. C’est la première erreur. C’est normal si quelqu’un a commis une gestion fautive mais pas délictuelle. Et j’avoue que je fais partie de ceux qui ont plaidé pour un pool financier. Que les gens répondent mais de leur faute pénale. Mettre le curseur sur les chefs d’accusation. Les ministres ne sont pas ordonnateurs de crédits. Pour le cas Lat Diop on nous parle de détournement de biens publics mais c’est de la folie. Il faut des preuves de sa culpabilité. Il doit être blanchi, Lat Diop », a-t-il avancé. Et de poursuivre : « Il y a une violation grave relative à la perquisition notée chez lui et chez Farba Ngom. On ne doit pas procéder de la sorte. Quand Sonko a été emprisonné chez lui pendant 555 jours mais j’ai dit que c’était illégal. C’est illégal cette perquisition », s’est défendu l’avocat à la Cour.
Pour le pool financier judiciaire en remplacement de la Crei qui avait condamné Karim Wade, il a dénoncé le fait qu’on ait décidé d’exhumer un cadavre. « L’approche n’est pas bonne. Car on va regarder le train de vie des gens. Et ce n’est pas bon. Je l’ai dit sous Diouf, sous Macky et sous Diomaye aussi il faut l’enlever le délit d’enrichissement car on va vers des règlements de compte. Il n’est pas mauvais de gagner de l’argent », a indiqué l’avocat.
Législatives : « un processus électoral mal parti »
Sur le processus électoral, ATEL, une coalition de l’opposition, a été déboutée par le Conseil constitutionnel. Ce dernier dit avoir accueilli cette nouvelle avec beaucoup d’amertume car estimant que le Conseil s’est lourdement trompé. Parce que, selon lui, le Président de la République a outrepassé ses pouvoirs car dans le décret de convocation il a été clair. « Nous l’avons attaqué ce conseil qui est connu pour son rejet. S’il veut retrouver sa crédibilité comme ce fût le cas avec Macky Sall et conserver cette image positive il faut être juste et les décisions ne sont pas bonnes. On ne se faisait aucune illusion. On espère qu’à Abuja on va gagner », a pesté El Hadj Amadou Sall.
Il a souligné que le processus électoral est très mal parti. Il dénonce une violation manifeste du protocole de la Cedeao sur la gouvernance. « Tout a été fait mais à la va vite. Il y a une ruse avec une demande d’avis du Président qui n’est pas publiée. Il y a juste un exemplaire remis sous plis fermé au Président qu’il a gardé pendant 64 jours et il a préparé son parti à tout faire. Il a rusé et il a manqué à sa signature. Comment un processus peut être crédible. Il y a de la ruse et une volonté de surprendre. Mais les gens sont matures et l’opposition est assez crédible », a-t-il insisté.
Me El Hadj Amadou Sall se dit prêt pour les élections législatives et que l’opposition également est prête à assurer sa victoire. Car « l’objectif maximal c’est d’empêcher au régime d’avoir la majorité à l’assemblée. » L’avocat a toutefois refusé de reconnaître qu’il s’est éloigné du Pds, mais pas de Me Abdoulaye Wade. Leurs relations sont d’abord dit-il « intellectuelle mais politiquement il y avait le parti qu’il ne dirigeait plus d’ailleurs. ».
Il n’a pas manqué de rendre hommage à Amadou Mahtar Mbow, décédé la semaine dernière. Pour lui, il fut un patriarche avec une vision panafricaniste.
MOMAR CISSE