Selon les jeunes du quartier, pour une fois, l’Imam Mademba Ndoye pensait que le régime de Macky Sall avait tort de mettre un homme en prison. Il s’agit du journaliste Pape Alé Niang, un de ses lointains neveux dont il n’appréciait pas particulièrement les chroniques, mais qu’il chérissait pour leur lien de parenté.
Ce qui le choquait le plus, c’est que le journaliste a été emprisonné à Sébikotane. Pa’ Ngagne n’avait guère apprécié que cet ancien haut lieu de savoir devienne le bagne où l’on envoie son neveu, quel que soit son tort. Il s’est souvenu que son propre frère avait fréquenté la fameuse Ecole Normale William Ponty, alors située à Sébi avant d’être incorporé dans l’armée française.
Après son service militaire, son frère était devenu un enseignant affecté quelque part au Mali où il prit une épouse. Or, ce dernier, décédé depuis quelques années, portait le même nom que ce lointain neveu car il s’appelait Pape Alé Ndoye. Aussi, en souvenir de l’homonyme du journaliste, il décida d’aller rendre visite à ce dernier à la prison de Sébikhotane.
Il enfila donc un de ses plus beaux boubous et, avec la voiture neuve qu’il venait d’acheter grâce à l’argent de Macky Sall, il se rendit à Sébi. Mais quelle ne fut sa surprise lorsque, malgré sa prestance et sa qualité d’imam, on lui refusa de voir le journaliste. Car, non seulement il n’était pas muni d’un permis de visite mais, en plus, on lui rétorqua que le détenu en question ne souhaitait recevoir personne car il ne voulait pas rendre ses visiteurs tristes et malheureux. Pa’ Ngagne était fier de l’altruisme de son neveu mais il était déçu.
Il remonta alors dans sa voiture et entreprit de revenir à la maison. Mais, dès son retour, il trouva des gendarmes à son domicile qui l’attendaient. Avec déférence mais non sans fermeté, ils lui apprirent qu’il devait rendre la voiture chez le concessionnaire. Ce dernier prétendait qu’il s’était trompé sur le prix auquel il lui avait vendu le véhicule, et qu’à la place, il lui en céderait un autre plus âgé, moins rutilant et dont le prix correspondait. Il n’en revenait pas !
Furieux, il se défoula sur les gendarmes qui restèrent intransigeants et lui réclamèrent la clé du bolide. Dépité, il leur lança tout de go : « Je sais que c’est Macky qui est derrière tout ça parce qu’il n’a pas apprécié que j’aille voir mon cher neveu. Mais dites-lui seulement que je préfère mes parents à ceux qui donnent d’une main pour reprendre de l’autre. Ce sera d’ailleurs le thème de mon prochain khoutba.
Et quand au tacot que me propose le concessionnaire, qu’il aille le donner à des miskines ! ». Les jeunes ne l’avaient jamais vu dans une pareille colère, aussi s’esquivèrent-ils promptement, non sans rire sous cape. Politique et parenté ne vont pas de pair, se dirent-ils, et d’ajouter un « Niaw ! » bien appuyé.