Plaidoyer en faveur du droit au respect de la dignité en détention: étude de droit sénégalais à la lumière du système français
« Dernière les hauts murs, c’est un monde de souffrance, un lieu de douleur » Robert Badinter
Le droit au respect de la dignité en détention est l’une des pièces maîtresses du débat relatif à la réforme du système carcéral. En d’autres termes, la vie carcérale doit impérativement prendre en compte le droit au respect de la dignité des personnes détenues ou condamnées.
Il est vrai qu’il n’existe pas de prison heureuse dans le monde mais cela ne veut pas dire que l’organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires ne doivent nullement offrir aux détenus des conditions de vie minimum acceptables, pour ne pas dire conformes à la dignité humaine. L’existence d’un cadre matériel décent répondant aux besoins humains les plus élémentaires est un impératif.
Cela va de soi car la dignité correspond à l’idée que quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain. Il s’y ajoute même que le principe de dignité renvoyait à l’essence même de chaque homme.
Concrètement, le droit au respect de la dignité en détention est consacré par la convention des Nations unis du 20 août 1986 contre la tortue et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. L’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise que « toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine »
L’article 3 Convention EDH dispose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants »
Répondant aux multiples injonctions européennes, le législateur français a fini, après l’arrêt de la Cour de Strasbourg du 30 janvier 2020, par s’emparer de la très épineuse question de l’indignité des conditions de détention, des prévenus comme des condamnés.
Pour garantir le droit au respect de la dignité en détention, la loi numéro 2021-403 du 8 avril 2021 instaure, en dépit du recours indemnitaire, un recours juridictionnel préventif aux fins de conférer à toute personne détenue la faculté, lorsqu’elle considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité humaine, de saisir le juge des libertés et de la détention (si elle est en détention provisoire) ou le juge de l’application des peines ( si elle est condamnée et incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté).Ainsi, lorsque le caractère indigne des conditions de détention est constaté, le juge peut par exemple ordonner le transfèrement de la personne dans un autre établissement pénitentiaire. Il peut également, pour mettre fin au caractère indigne de la détention, ordonner la libération immédiate de la personne, le cas échéant son placement sous contrôle judiciaire ou sous le régime de l’assignation à résidence avec surveillance électronique.
Comment peut-on alors chez nous remédier le contentieux de l’indignité de la détention ?
Quelle réponse pénitentiaire pour garantir le droit au respect de la dignité en détention ?
Faudrait-il réhabiliter le parc immobilier de l’administration pénitentiaire ?
Faut-il, au-delà du bracelet électronique et du recours indemnitaire,instaurer un recours juridictionnel préventif, ne serait-ce que, pour permettre aux prévenus et condamnés de saisir,selon le cas, le juge d’instruction ou le juge de l’application des peines aux fins de faire cesser les conditions de détention contraires à la dignité humaine ? L’émergence du droit à des conditions de détention conformes à la dignité humaine pourrait améliorer les conditions de vie des détenus.
Quand est-il des pouvoirs particuliers du parquet? En clair, l’irrespect du principe de dignité des détenus résulte également de l’encombrement ou du repeuplement des prisons par la détention provisoire. C’est donc un frein à la politique pénitentiaire de réinsertion des détenus. La résolution de ce problème implique, d’une part, une réflexion sur l’utilité ou la nécessité de la détention provisoire, et d’autre part, la nature des réponses possibles et souhaitables pour certains crimes et délits.
Docteur Babacar Niass
Dr. en Droit privé et sciences criminelles à l’Ucad