Deux mois après le début de la guerre, les habitants de Khartoum font face aux pénuries critiques de vivres et de médicaments essentiels. Des quartiers entiers de la capitale soudanaise n’ont plus l’eau courante, l’électricité n’est disponible que quelques heures par semaine, la plupart des hôpitaux des zones de combat sont detruits et les installations de secours ont été pillées.
Les civils qui n’ont pas fui n’ont plus « ni nourriture, ni eau, ni médicaments », raconte à l’AFP un habitant de Khartoum, Ahmed Taha. « Nous n’avons plus rien. Le pays est dévasté. Où que vous regardiez, vous voyez les impacts des bombes et des balles », selon ce témoin. La guerre entre généraux rivaux entre jeudi dans son troisième mois sans aucune issue en vue au Soudan, où des avions ont bombardé pour la première fois une ville du sud du pays et où l’armée régulière a accusé les paramilitaires d’avoir « enlevé et assassiné » un gouverneur au Darfour.
L’armée de l’air a mené « des frappes aériennes pour la première fois sur El-Obeid », une ville à 350 kilomètres au sud de la capitale Khartoum, « qui est encerclée par les forces paramilitaires depuis le début des combats », ont raconté à l’AFP plusieurs témoins. Parallèlement, l’armée soudanaise a accusé mercredi les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) d’avoir « enlevé et assassiné » le gouverneur de l’Etat du Darfour-Ouest, Khamis Abdallah Abakar, qualifiant les faits d' »acte brutal ».
Cet assassinat présumé signifie que les Forces de soutien rapide ont ajouté une « nouvelle ligne à leur liste de crimes barbares commis contre l’ensemble du peuple soudanais », a déclaré l’armée sur Facebook. La mort du gouverneur n’a pu être confirmée de source indépendante par l’AFP.
Les combats, qui ont commencé le 15 avril, se sont jusqu’à présent essentiellement concentrés à Khartoum, la capitale de cinq millions d’habitants, et dans la vaste région du Darfour, dans l’Ouest. Cette guerre entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide, du général Mohamed Hamdane Daglo a fait plus de 1.800 morts selon l’ONG ACLED.
Plus de 2,2 millions de personnes ont fui leurs domiciles à travers le pays, dont plus d’un million ont quitté la capitale Khartoum, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Plus de 528.000 de ces déplacés se sont réfugiés dans les pays voisins, a indiqué cette agence des Nations unies.
Conférence d’aide au Soudan
Pendant plusieurs semaines, l’Arabie saoudite et les Etats-Unis ont servi de médiateurs à des négociations entre les deux camps dans la ville saoudienne de Jeddah, en vue d’obtenir un cessez-le-feu. Mais les nombreuses trêves annoncées n’ont été quasiment jamais respectées, et l’aide humanitaire est restée bloquée ou est parvenue aux civils en quantité très insuffisante.
Vingt-cinq millions des 45 millions d’habitants du Soudan, l’un des pays les plus pauvres du monde, dépendent désormais de l’aide humanitaire pour survivre, selon l’ONU.
L’Arabie saoudite a ainsi annoncé mardi la tenue le 19 juin d’une conférence internationale consacrée à l’aide au Soudan. De son côté, le chef de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Soudan, Alfonso Verdu Perez, a déploré vendredi que « seuls 20% des établissements de santé fonctionnent encore à Khartoum ».
Des quartiers entiers sont privés d’eau courante et l’électricité ne fonctionne que quelques heures par semaine.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a « condamné fermement » mercredi « les attaques croissantes contre des installations de santé », affirmant qu’entre le 15 avril et le 8 juin, 46 de ces attaques ont fait huit morts et 18 blessés. « Nous souffrons et souffrons encore de cette guerre depuis deux mois », témoigne Soha Abdelrahmane, une habitante de Khartoum, ajoutant que plusieurs villes du Darfour, comme El-Geneina et Nyala, sont en « état de siège ».