Les transporteurs du Sénégal sont en grève. Un mouvement d’humeur bien suivi parce que c’est l’intersyndicale du transport réuni au sein du cadre unitaire des transporteurs du Sénégal (CUSTR) qui s’en est chargé. Alassane Ndoye et Gora Khouma se sont donné la main pour réussir à paralyser tout le secteur.
Les sénégalais, à Dakar et un peu partout dans le pays, souffrent de ce manque de voitures de transport routier public de personnes et de biens. Et pour paraphraser un prêcheur d’une radio de la place, ce sont en réalité les populations qui devraient être en grève à cause de la désorganisation du secteur du transport et de ses conséquences fâcheuses sur leurs modes de vie. En réalité, le transport est un secteur à problème. Ce qui fait que tous les usagers en souffrent.
Les chauffeurs d’abord : Ils vivent des conditions précaires de travail avec de maigres salaires qui dépassent à peine le Smig. Ils n’ont pas de contrats écrits et ne bénéficient pas donc des services d’allocation familiale. Ils n’ont pas de congés payés et sont souvent licenciés ad nutum (sur un coup de tête). Ces mêmes chauffeurs subissent des tracasseries policières permanentes avec beaucoup d’abus de la part de forces de sécurité.
Les transporteurs ensuite : Ils exploitent certes les chauffeurs, ce qui est détestable, mais eux aussi subissent une concurrence déloyale sauvage de la part de beaucoup de promoteurs du secteur qui ne sont pas du tout en règle. Les transports ‘’clandos’’ sont légion dans un secteur où tout est confus. Les clients ensuite : ces derniers souffrent le plus des impondérables du secteur avec un lourd tribut payé du fait de nombreux accidents. Pis, l’état des parcs automobiles est souvent des plus désuets avec des cars qui datent de plus de 30 ans et un personnel technique qui n’a reçu aucune formation digne de ce nom.
A cela s’ajoute le fait qu’à partir de 21 heures, les usagers sont livrés à la merci de ‘’super’’ qu’ils sont obligés d’emprunter surtout en banlieue avec des risques pour leur sécurité (agressions, pickpocket, etc.).
Des voitures de transport de marchandises qui sont modifiés pour le transport public de personnes. Un inconfort digne d’une période de guerre.
L’arrivée des cars Tata n’a pas créé la révolution attendue. Fabriquée par l’Inde, ces bus non seulement vieillissent, mais sont bondés à certaines heures et narguent les clients en refusant de rouler quand ils quittent leurs lieus de stationnement, histoire de laisser le temps aux autres potentiels clients de sortir de chez eux. A tout cela s’ajoute le nombre incalculable de camions sur les routes qui, par centaines commencent à se déplacer dès 5 heures du matin sur des routes que de nombreux élèves empruntent pour aller à l’école. Deux exemples : route de Mbour et route de Sangalkam. Ces routes sont absolument à éviter du fait du diktat de camionneurs à qui aucune réglementation n’est imposée pour commencer leurs trafics.
Le comble du comble, c’est le nombre d’accidents de la circulation et de gens qui y perdent la vie. Plus de 600 morts par an sur route, c’est à croire que nous sommes en guerre. Même le coronavirus ne tue pas autant. Et tout cela à cause de l’irresponsabilité d’acteurs pour lesquels seul le profit compte. Toutefois, il est clair que la faute originelle incombe à l’Etat. Le laisser-aller dans le secteur a engendré de mauvaises pratiques pour lesquelles tout le monde est coupable.
Malheureusement, ce sont les citoyens qui en pâtissent eux dont la sécurité est souvent mise à rude épreuve du fait de l’anarchie notée dans le secteur du transport. Ce sont donc plutôt les citoyens sénégalais qui devraient être en grève. Transporteurs et chauffeurs sont certes des victimes mais aussi des acteurs actifs des nombreux manquements constatés.
C’est pourquoi tous les acteurs devraient pouvoir discuter pour soulager la souffrance subitement accélérée par une grève qui peut changer certaines conditions mais pas une mentalité et un mode d’action encrées depuis de nombreuses décennies.
Assane Samb