Cette étrange demande, qui laisse les analystes dubitatifs et soulève des questions juridiques, a fait bondir le prix de la matière première. Après l’annonce ce mercredi par Vladimir Poutine que la Russie n’acceptera plus de paiements en dollars ou en euros pour les livraisons de gaz à aux entreprises européennes qui devront donc payer en roubles, l’Allemagne mais aussi des opérateurs européens comme le groupe autrichien OMV ou Engie ont expliqué qu’une facturation en roubles constituait une rupture contrat.
A quoi joue Vladimir Poutine autour des sanctions économiques ? Mercredi 23 mars, le président russe a annoncé une curieuse décision, qui, une nouvelle fois, a fait grimper les prix de l’énergie, quasiment un mois jour pour jour après le déclenchement de la guerre en Ukraine. « J’ai décidé de passer au paiement en roubles pour les exportations de gaz naturel aux pays dits “hostiles”. » Plus question de dollars ou d’euros, les paiements doivent désormais être effectués dans la monnaie russe.
M. Poutine donne une semaine à sa banque centrale fédérale pour organiser cela. La mesure vise en particulier l’Union européenne, ultradépendante des livraisons russes, qui représentent environ 40 % de sa consommation gazière. Après cette déclaration, le prix du gaz aux Pays-Bas, la référence en Europe, a bondi de 34 %, avant de terminer la journée en hausse de 9 %. Le baril de pétrole de brent a progressé de 5 %, à 121 dollars (110 euros), un niveau historiquement élevé. Pris au dépourvu, gouvernements, analystes et autres acheteurs de gaz se perdaient en conjectures pour expliquer ce geste. Contacté mercredi en fin de journée, le ministère français de l’économie indiquait expertiser son impact potentiel. En Allemagne, le ministre de l’économie, Robert Habeck, a estimé que cela revenait à ne pas respecter les contrats de livraison, dont la devise est spécifiée à l’avance.
La compagnie gazière française Engie soulève de même la question de la légalité d’une telle décision : « Nos contrats prévoient un paiement du gaz en euros, il n’y a pas de clauses qui permettent au vendeur de changer de devise », a déclaré sur Franceinfo son président, Jean-Pierre Clamadieu. « Nous allons essayer de comprendre ce que veut dire cette position qui pour l’instant ne nous a pas été notifiée par notre contrepartie, qui est Gazprom. »
Les contrats d’approvisionnement d’Engie auprès de Gazprom s’étalent de 2006 à 2030. S’ils changent en cours de route les modalités de paiement pour le gaz, « les Russes pourraient être peu à peu en train de creuser la tombe de leurs contrats de long terme », estime Marc-Antoine Eyl-Mazzega, chercheur à l’Institut français des relations internationales.