Face aux accusations de corruption, Cheikh Tidiane Dièye contre-attaque. Il expose sa version des faits concernant le marché de curage de l’ONAS, listant une série de défauts, de la sélection des entreprises aux écarts de facturation alarmants.
Le ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement sort de sa réserve dans l’affaire du marché de curage de l’ONAS. Une note explicative publiée ci-dessous, retrace la chronologie d’un contrat qui a failli tourner au désastre. Entre urgence climatique et gestion hasardeuse, le document révèle les coulisses d’un dossier explosif. Cette mise au point intervient alors que le ministre Cheikh Tidiane Dièye fait face à des accusations de corruption de la part du désormais ex-DG de l’ONAS, Cheikh Dieng.
Lors du conseil interministériel sur la prévention et la gestion des inondations en perspective de l’hivernage 2024 tenu le 16 mai 2024 à Diamniadio, Monsieur le ministre avait demandé de veiller à la finalisation, au courant du mois de juin 2024, des opérations pré-hivernage, notamment le curage de canaux, le faucardage de bassins et réceptacles, l’entretien de lacs et marigots, l’entretien et la maintenance du matériel et équipements de pompage. A cet effet, il avait été recommandé au Ministre des Finances et du Budget (MFB) d’accélérer la passation des marchés d’opérations pré-hivernage dans les régions et pour les ouvrages de la première phase du Projet de Gestion des Eaux pluviales et d’Adaptation au Changement climatique (PROGEP), situés dans la banlieue dakaroise.
Toutefois lors de sa prise de service, Monsieur Cheikh Dieng avait constaté que son prédécesseur n’avait pas entrepris les diligences nécessaires à temps pour l’exécution des opérations pré-hivernage dans certaines zones de Dakar et dans les régions. Dès lors la seule issue était de recourir à des procédures d’urgences dérogatoires sur autorisations de la Direction centrale des Marchés publics (DCMP).
A ce titre, en appui à la démarche de l’ONAS de faire passer le marché de curage par appel d’offre restreint en procédure d’urgence, Monsieur le Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, avait saisi son homologue en charge des finances par lettre en date du 28 mai 2024 pour solliciter l’accompagnement de la DCMP.
Par la suite la DCMP a marqué son accord par lettre en date du 07 juin 2024 sur saisine de ONAS qui a ciblé 6 entreprises sur la liste restreinte (Gamma Construction et Travaux Publics, Entreprises KEBAS, Entreprise Mbeur Mi , Sénégalaise de l’Assainissement et de Transport, Entreprise Tawfekh Taysir et DELGAS. L’attribution des marchés par l’ONAS a été faite ainsi qu’il suit : Le lot 1 (région de Dakar) : TAWFEKH TAYSIR pour 649 413 000 FCFA TTC ; Le lot 2 (régions) : DELGAS pour 674 842 000 FCFA TTC.
Le montant total des deux marchés attribués étant de 1 324 255 000 FCFA TTC pour 720.000.000 FCFA TTC inscrits dans le Plan de passation de passation.
Constat de défaillances manifestes dans l’exécution des marchés
Près d’un mois après le début des travaux qui devaient durer 45 jours sur la base d’un planning défini de commun accord entre ONAS et les entreprises attributaires, des retards considérables ont été constatés à Dakar et pire une absence de démarrage des opérations dans plusieurs régions. Cette situation révélant l’incapacité des entreprises chargées des travaux a été mise en exergue par le dispositif de suivi rapproché mis en place par Monsieur le Ministre à travers : Les visites de terrain ; Les rapports des comités régionaux de gestion des inondations présidés par les gouverneurs ; Les réunions de suivi hebdomadaire de la gestion des inondations ; Les remontées des techniciens de l’ONAS sur le terrain. En effet, à la date du 26 juillet 2024, soit après consommation de 66% des délais convenus, il a été constaté un faible niveau d’exécution d’à peine 10 % à Dakar et un peu plus 30% dans les régions.
Les investigations menées ont révélé que sur les six (6) entreprises consultées, seule DELGAS avait une expérience connue dans le sous-secteur de l’assainissement. D’ailleurs, les entreprises ayant une expérience et une capacité avérée dans le domaine n’ont pas été consultées.
En plus il a été constaté des écarts de facturation élevés par rapport aux prix moyens des prestations effectuées ces dernières années. A titre illustratif : le curage du bassin de la zone de captage est indexé dans le marché de 2024 à 300 000 000 CFA HTV, alors que le montant global du marché de clientèle 2021-2023 le concernant, était de 83 000 000 CFA TTC. Le prix unitaire du mètre linéaire « curage des canaux fermés largeur inférieur à 1,5 m avec ventilation » du marché des régions qui était à 1500 FCFA dans le marché de clientèle 2021-2023, est indexée 18 000 FCFA, le prix unitaire du mètre linéaire « curage des canaux fermés largeur supérieur à 1,5 m avec ventilation » qui était de 3000 CFA dans le marché de clientèle 2021-2023 du marché des régions, est facturé à 23000 FCFA
Il a été aussi noté que le DAO transmis par la Direction de l’exploitation et de la maintenance (DEM) de ONAS été modifié à son insu. Cela a engendré un écart sur le quantitatif de la rubrique « curage des canaux fermés largeur inférieur à 1,5 m » du marché des régions. En effet dans le devis attribué il est à 6000 ml alors que celui transmis par la DEM est de 40 000 ml. Ce qui engendrerait un surplus de travaux de 34 000 ml avec un impact financier de 612 000 000 FCFA, lequel porterait le cout global des travaux à plus de 1 900 000 000 FCFA en 2024 en lieu et place des 1 324 255 000 FCFA TTC attribués.
Face aux risques élevés d’inondations liés à cet état de fait et aux conséquences graves pouvant en découler, Monsieur le Ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement a, dans un premier temps, interpellé le DG sortant de l’ONAS en l’invitant à trouver d’urgence une solution. Toutefois les analyses ultérieures des projets de contrats ont révélé l’ampleur des écarts de prix par rapport aux coûts moyens en cours. Ce qui appelle une remise en cause desdits projets de contrats pour des raisons d’intérêt général et de bonne utilisation des deniers publics.
Sur la base de ce qui précède, Monsieur le ministre a demandé au Dg de l’ONAS par lettre en date du 29 juillet 2024, d’arrêter la procédure avec les deux entreprises concernées et de ne surtout pas signer les projets de contrats. En outre, compte tenu de l’urgence impérieuse, Monsieur le ministre a saisi la DCMP le même jour pour solliciter l’autorisation de faire passer les marchés par une procédure dérogatoire prévue par le code des marchés publics avec les entreprises ayant la capacité requise et qui ont été proposées unanimement par les membres du groupe de travail.
A partir de ce moment, toutes les diligences devaient être entreprises par ONAS. Avec le changement intervenu à la tête de cette structure, Monsieur le ministre a écrit à la DCMP le 13 août 2024 pour lui signifier que c’est au nouveau DG de conduire la procédure. »