Dans le rapport de la Cour des comptes du contrôle de la gestion du Prodac de 2018 à 2021 révèle plusieurs manquements. L’Etat qui paie plus qu’il ne devait à Locafrique, le Prodac qui paie deux avances de démarrage pour Dac délocalisé, en plus de prendre en charge des dépenses qui incombent à l’entreprise Green 2000, etc.une
Sur instruction du président de la République, les rapports des corps de contrôle sont en train d’être publiés. Après l’Ofnac, la Cour des comptes a procédé à son tour à la publication de ses rapports d’activités 2021, 2022 et 2023. Dans le rapport définitif du contrôle de la gestion du Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac) de 2018 à 2021, des insuffisances et des manquements ont été relevés dans le cadre de la mise en œuvre de ce programme, notamment en termes de création d’emplois ; pour ce programme qui a mobilisé un budget total de 100 milliards pour la réalisation de 11 Domaines agricoles communautaires (Dac), dont 29,6 milliards mobilisés en 2016 pour la première phase relative à la construction des Dac de Séfa, Itato, Keur Samba Kane et Keur Momar Sarr et 59,5 milliards mobilisés en 2017 pour les autres Dac. En effet, le Prodac devait favoriser entre autres la création de 120.000 emplois directs avant la fin de l’année 3 du programme ; la création de 180.000 nouveaux emplois directs générés par la mise en place, hors Dac, de 90.000 fermes villageoises entre le début de l’année 4 et la fin de l’année 5 ; la formation, au terme des 3 années, de plus de 90.000 jeunes ruraux aux techniques de production et de transformation des produits agricoles. Mais, les enquêteurs se désolent de constater qu’au bout de sept années de mise en œuvre, les objectifs n’ont pas été atteints par le Prodac.
Un surplus de 2,7 milliards par rapport à ce que l’Etat devait payer à Locafrique
S’agissant de la gestion financière, les enquêteurs ont relevé de nombreux dysfonctionnements qui affectent le mécanisme de financement et de remboursement de la dette envers Locafrique, chargé de la réalisation des infrastructures des Dac de la première phase. Le cumul entre les montants reçus par Locafrique et les billets cédés s’élève à 38.455.645.642 francs Cfa alors que le total des billets émis en 2016 est de 35.716.732.805 francs Cfa. Il apparait un surplus de 2.738.912.837 francs que l’État devra payer par rapport à ce qu’il aurait dû. L’analyse des relevés du compte de dépôt du Prodac a permis de constater que certaines sommes payées en contrepartie des billets à ordre détenus ne figurent pas sur lesdits relevés. Il en est ainsi des paiements effectués par le Trésor au profit de la Banque de Dakar (Bdk), Coris Bank International et la Nsia Banque.
Le Prodac valide deux avances de démarrage payées pour les Dac de Itato et Sangalkam alors que Itato a été délocalisé à Sangalkam
Le 14 avril 2017, Locafrique a versé à Green 2000 un montant de 1.254.177.977 francs Cfa représentant 20% d’avance de démarrage pour le Dac de Itato. Trois ans plus tard, le 14 avril 2020, Green 2000 a reçu via Locafrique la somme de 1.273.868.494 francs en guise d’avance de démarrage pour Sangalkam validée par le Prodac. En effet, l’avance de démarrage pour Itato n’ayant pas servi puisqu’aucun début d’exécution n’a été constaté, la coordination aurait dû prendre les dispositions nécessaires afin que l’avance de démarrage soit transférée sans décaissement, pour le compte du Dac de Sangalkam. Un double décaissement justifié par l’ancien coordonnateur du Prodac Pape Malick Ndour par le paiement d’études préalables menées au Dac de Sangalkam. Les enquêteurs ont aussi relevé un paiement dépourvu de base légale et défaut de précompte de la Tva effectué le 19 mars 2021 sur ordre du coordonnateur du Prodac au Trésor de virer 1.613.527.486 francs au profit de la société Green 2000. Un paiement que le coordonnateur justifie par une pièce justificative d’un montant de 1,7 milliard pour des travaux qu’auraient effectués Green 2000 sur le Dac de Sangalkam.
Le Prodac prend en charge des dépenses incombant à Green 2000
L’analyse des paiements effectués en 2021 au Dac de Keur Momar Sarr (Kms) a permis aux enquêteurs de constater que le Prodac a payé des dépenses relatives à des prestations ou fournitures qui incombaient normalement à la société Green 2000 en vertu des dispositions contractuelles. Il s’agit du paiement des frais de réparations du pivot central de Kms pour 12 millions et le paiement de 17.316.860 francs au profit de Green 2000 pour l’acquisition de pièces de rechange fournies au Dac de Kms. La Coordination du Prodac a aussi consenti des prêts au Programme de développement de l’entreprenariat agricole au Sénégal (Pdeas) pour un montant de 261,9 millions. Ces sommes ont été notamment prêtées pour favoriser le démarrage du projet et couvrir certaines dépenses dans l’attente de sa dotation pour procéder au remboursement des montants reçus. Au total, 107.526.075 francs ont été remboursés, ce qui représente 41% du montant de la dette. Au 31 décembre 2021, le Pdeas restait devoir au Prodac la somme de 154.471.925 francs Cfa. Une situation d’autant plus incohérente qu’au même moment le Pdeas était à jour sur certains de ses engagements tels que les reversements des cotisations sociales de ses agents et prélèvements fiscaux opérés sur les salaires ; le Prodac, pour sa part, se trouvait dans une situation débitrice vis-à-vis de la Caisse de sécurité sociale, l’Ipres et la Dgid.
Des agents qui émargent au Prodac et attributaires d’indemnités d’un montant total de 48 millions au Pdeas
Le rapport de la Cour des comptes a également relevé une inadéquation entre certains profils et certains postes. Pour certains postes, comme le chef de Dac, la connaissance de la matière agronomique constitue un atout en raison de la spécificité de l’activité pratiquée or les chefs de Dac recrutés sont des diplômés en philosophie, en sociologie ou encore en citoyenneté et droit de l’homme. Outre les recrutements, certains agents du Prodac ont bénéficié d’indemnités payées sur le budget du Pdeas. Il s’agit, entre autres, des Coordonnateurs et du Spécialiste en passation des marchés et approvisionnement (Spma) qui perçoivent, en plus de leur salaire, une indemnité mensuelle de 500.000 francs. Ainsi, durant son passage à la tête du Prodac, Mamina Daffé a empoché 8,7 millions en 17,5 mois. Pape Malick Ndour, durant ses 30 mois à la tête du Prodac, a encaissé 15,2 millions de francs. Compte non tenu de leurs salaires de 500.000 francs. Le Spma Ibrahima Cissokho, en plus de son salaire de deux millions a vu ses indemnités culminer à 24 millions sur 48 mois de gestion. Soit un montant total de 48 millions pour ces deux coordonnateurs et le Spma tirés sur le budget du Pdeas.
Le Prodac passait des marchés pour le ministère de la Jeunesse qui était une autorité contractante
Il a aussi été constaté que le Prodac passait des marchés pour le compte du ministère de la Jeunesse alors que ce dernier était une autorité contractante et disposait d’une cellule de passation des marchés. En procédant de la sorte, le Prodac a violé les dispositions du Code des marchés publics. Par ailleurs, il a été noté que des paiements irréguliers d’indemnités ont été effectués au profit des membres de la commission de marchés. Au total, 600.000 francs payés au titre d’indemnités de commission de marchés ont été irrégulièrement imputés sur le budget du Prodac.
Seuls deux Dac sur 11 livrés
Il s’y ajoute le non-respect des délais de mise en place des Domaines agricoles communautaires (Dac), de retards dans la réalisation des Dac de la première phase par des délais d’exécution des travaux anormalement longs. L’équipe de vérification a relevé que sur les quatre Dac prévus, seul celui de Séfa a fait l’objet d’une réception définitive en date du 13 décembre 2018. Le Dac de Keur Momar Sarr a fait l’objet d’une réception provisoire en date du 19 juin 2020. Les Dac d’Itato et de Keur Samba Kane n’ont pas encore fait l’objet de réception. L’arrêt des travaux a également contribué de manière significative au dépassement des délais d’exécution du contrat. 7 ans après sa conclusion, le contrat liant Green 2000 à l’Etat du Sénégal n’est toujours pas achevé. Pire, aucune disposition n’est prévue par la législation en vigueur telle que la saisine des instances compétentes, la mise en demeure, l’application de pénalités de retard ou la résiliation du contrat, n’a été mise en œuvre par l’autorité contractante. En plus d’un défaut de transfert de compétences conformément aux termes du contrat pour relancer certaines infrastructures en panne depuis le départ de l’entreprise Green 2000.