Un ami bien-aimé, au téléphone, le 16 juillet au petit matin, me parle : « Vois-tu Amadou, je suis de ceux qui croient que c’est sur l’épaule de notre pays le Sénégal, que repose la paix de l’Afrique ! Ce pays est un exemple. Il est inspirateur. Il doit le rester. Vois-tu Amadou, quand de grands malheurs apparaissent chez un peuple, seule la parole vêtue de grâce et de vérité peut extirper ce peuple de la peur et de l’angoisse, le galvaniser, le faire avancer, le faire croire à un avenir possible. Et cette parole de grâce n’est rien d’autre que Celle de Dieu. Toujours retourner à LUI, à Sa Parole. Non à la promesse, l’évocation ou l’acquisition de biens matériels salvateurs. L’économie et tout ce qu’elle peut faire croire de richesses immédiates, n’y a pas sa place. Le prophète Mohamed nous le démontre dans sa conquête de foi ! De cœurs enfouis et scellés, il a par sa parole introduit la certitude de la Promesse d’Allah !
De même, quand un grand bien et un grand confort de paix et de vivre-ensemble arrivent à un peuple, il faut interroger la Parole de Dieu et non le bonheur ou l’acquisition des biens matériels qui ont pu conduire prétentieusement à cette paix et ce bien-vivre ensemble. Dieu est Fier de Sa créature. Elle est la plus accomplie de tout ce qu’IL a créé ! Et pour sauver le vivre ensemble de cette créature, il faut une parole forte, qui dure, transcende, nourrit, fortifie, et non un bol de riz qui ne dure que le temps d’une faim. Ce que les Sénégalais empêtrés dans la pauvreté, le dénuement, le mal-vivre, le mal-être, le désordre, le dérèglement, attendent aujourd’hui après tout ce qui vient de se passer d’inattendu, de moche et de cruel dans leur pays, c’est UNE PAROLE TENUE, DÉMONSTRATIVE, FORTE, NOBLE, NOURRICIÈRE, CONVAINCANTE, VÉRIDIQUE, INSPIRATRICE, ÉMULATIVE, JUSTE, ÉQUITABLE, RASSEMBLEUSE qui conduit à une vie meilleure. Et non l’évocation superficielle de programmes économiques et sociaux dont on sait qu’ils ne sont jamais appliqués. En plus, notre peuple est en majorité « analphabète », « ignorant » -les guillemets sont à considérer, elles relativisent- avec désormais une majorité de jeunes sans éducation, sans formation, sans culture des livres et qui attendent tout d’un État providentiel qui ne l’est, en vérité, que pour l’élite politique gouvernante seule. »
Je lui réponds : « Ce que vous me dites, cher ami, mérite d’être entendu. Tout ce à quoi je crois -mais je peux me tromper-, c’est que l’avenir du Sénégal laissé aux éternels et fatigants hommes politiques dont les noms et les visages sont connus des Sénégalais depuis 53 ans, ne feront pas sortir notre pays de son enfermement, de sa pauvreté, de l’injustice, de l’inéquitable. Ils sont incapables d’émerveillement ! Alors, si nous n’y prenons pas garde, ce qui doit arriver va arriver. Méfions-nous des tartuffes bien habillés. On évoque beaucoup également, à tort ou à raison, la sécheresse et l’inculture de la majorité des élites politiques. L’inculture est terrifiante ! Elle est un naufrage !
Pour dire, tout court, que ces étranges acteurs politiques, tels qu’ils nous apparaissent à la fois sous le servage et sur la scène politique sénégalaise, ne portent pas le vrai changement de notre pays. Nous devons tourner la page des antiquaires, des éternels revenants, et comme le dit si bien Modou-Toumi, « des gouvernants souffrant de démesure, de phobie sévère du pouvoir et d’accaparement des biens publics. » Ceux-là ont l’esprit asséché, ne rêvent que de confort, d’or et de châteaux, aveugles devant la misère du petit peuple et fuyant encrier, plume et livre. L’éthique en perfusion continue s’avérerait même inapte à faire baisser la fièvre de leur avidité. La politique est devenue un terrain d’impunité et de subversion autorisée. N’y vivent et n’y prospèrent que des revanchards, des « carnassiers qui se reniflent avant de s’entretuer ». Il nous faut un jour nous intéresser vraiment à la politique si nous ne trouvons rien d’autre à lui substituer. Pour le moment, ils sont les seuls dieux de la terre ! Il serait temps de céder la place par égard au peuple sénégalais, par égard à soi-même, à autre chose de neuf mais préalablement solide moralement, intellectuellement et culturellement, s’entend. La politique seule ne suffit plus. On réclame du pain, elle sert des cadavres. Elle fait très mal. Elle fait même honte. Il y faut une touche salvatrice de l’esprit, de l’humilité pour élever ceux qui sont appelés à gouverner ! Cela fait désordre et humiliation pour un pays qui a grandi sous la pensée et le respect du savoir ! L’école sénégalaise a été la première victime. L’héritage dans ce sens a été humiliée, déchiré, piétiné, enseveli. L’histoire l’a déjà retenu !
On attendait un héritage noble, une transmission puissante et saine des anciens qui aideraient les générations futures à être plus conscientes et plus savantes. Ce n’est pas le cas, et c’est triste, bien triste comme constat final. Regardons notre jeunesse ! Elle est à l’aboi ! Ils ont vingt ans mais en paraissent cinquante ! Par ailleurs, la majorité des partis politiques sont dans des conspirations interminables. Ils ont l’esprit court. L’enfermement les isole. Ils se pomponnent à huit clos entre eux. A défaut d’être aveugles, ils sont tous borgnes. « Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent responsable ». Ces partis n’ont pas réussi à asseoir une démocratie interne, une liberté interne, une école de parti élevée, brillante, performante, dynamique, innovante, pour ainsi créer une relève digne de ce nom, formée, instruite, prête à gouverner sans faire peur, à mettre les verbes, les sujets, les ponctuations là où il faut. Il nous faut une nouvelle lune pour tout recommencer et pas n’importe quelle lune ! Les prochaines présidentielles de 2024 sont déterminantes ! Ce qui nous arrive me fait penser ici aux partis Démocrate et Républicain Américains qui ont créé des écoles où des jeunes, dès 15-18 ans, sont initiés à la doctrine du parti, se rassemblent, lisent, réfléchissent, discutent, commentent, écrivent, autour de thématiques modernes sur la culture, la politique, les idéaux, l’environnement, la démocratie, la justice, l’école, l’écologie, l’économie, la diplomatie, l’avancée des technologies, la croissance, les peuplements, l’immigration. Ils proposent idées et solutions, avancent des propositions et vont eux-mêmes les déposer et les présenter auprès des Sénateurs de leur parti pour exploitation et mise éventuelle en œuvre.
Seul Senghor, homme d’État, nous a séduits avec son club de réflexion socialiste qui rassemblaient hommes politiques et intellectuels d’horizons divers autour de réflexions intellectuelles et politiques fortes. Le « Club Nation et Développement », de son nom légendaire, est entré dans l’histoire. Qu’elle est bien loin cette époque ! Depuis, la politique, la mauvaise politique, avide, sectaire, dure, jalouse, famélique, cloitrée, venimeuse, dictatoriale, carnivore, a pris le dessus sur tout. Pitoyable, elle a tout assombri, tout flétri, tout souillé ! Une sœur ingénieure en pétrole, me faisait part de sa tristesse de voir autour du Président Sall de solides, admirables, brillants et redoutables penseurs qui auraient pu animer la vie intellectuelle de notre espace politique si chétif en idées. A leur place, des accaparants, toujours des orateurs de foire, sans épaisseur, et qui font rire !
Si Macky Sall laissait une nouvelle Constitution et de nouvelles institutions qui ouvraient la voie à un nouveau pays que le prochain président de la République dont le nom n’est connu que d’Allah et Lui Seul, ce dernier hériterait et gouvernerait tout autrement à partir de ce que le Président Sall aura posé comme nouveau fondement démocratique. Alors, alors seulement, quelque chose de nouveau commencera à naître au pays des Grands saints dont les préceptes semblent être oubliés, à tort. Il faut retourner à eux, retourner au savoir, à la paix, la tolérance, la justice, l’équité, la vraie fraternité. Macky Sall sera alors Macky Sall, pour dire que pour très longtemps il occupera la place, toute la place de notre histoire politique et démocratique. Il n’a rien à perdre pour le faire. C’est une occasion inédite offerte à un homme politique qui a tout a gagné et rien à perdre.
Le gigantesque et historique travail accompli par les Assises nationales pour donner une nouvelle vie et une nouvelle respiration politique et démocratique à notre pays, est offert au Président Macky Sall qui n’a plus rien à perdre. L’opposition lui serait favorable et validerait sa décision s’il faisait adopter les conclusions des Assises nationales par l’Assemblée nationale, avant de passer le pouvoir. Si nous vainquons pour le plus grand nombre la monarchie républicaine ou la République de droit divin, un nouveau soleil se lèverait qui éclairerait toute l’Afrique. Nous serions en avance pour un siècle et Macky Sall fêté et honoré pour cent siècles ! A vous de jouer et tout de suite, Monsieur le Président ! Et puis, écoutez Modou-Toumi : « Surtout pas vous, Monsieur le Président ! Laissez plutôt votre parti comme votre coalition, choisir seul, à la majorité, selon ses propres critères, son propre candidat pour vous succéder ! Après vous, éloignez-vous de l’échafaud ou du nouveau trône ! Ne vous retournez pas ! »
Pour le prochain président de la République, antique, vieillot, périmé ou jeune -que tous y aillent sans haie-, seul le peuple Sénégalais décidera. Nos choix ou critiques personnelles ne comptent et n’engagent que nous. Aujourd’hui, la configuration politique et sociale de notre pays est unique dans son histoire. Mais nous gagnerons ensemble. Prions, brûlons de l’encens, mais agissons surtout. Avant le peuple Sénégalais, puisse l’actuel Président sortant, nous étonner et nous surprendre en parrainant la naissance d’un nouveau pays démocratiquement gagnant, ouvert sur le futur par des institutions nouvelles, révolutionnaires et fortes, un peuple réconcilié avec lui-même, des responsabilités partenaires, une éthique partagée, des libertés ouvertes mais respectueuses de chacun au profit d’un vivre ensemble apaisant et constructif. »
Au téléphone, mon ami reprend la parole : « Oui Amadou Lamine, prions mais agissons surtout. Puisse le Président Macky Sall, une fois encore, avoir le temps de vous lire par lui-même et de vous entendre par lui-même. Le temps de la lecture lui a beaucoup manqué. » « Bonne continuation cher frère et ami, lui dis-je, en guise d’aurevoir. Merci de m’avoir appelé. Prenez surtout grand soin de vous. » Je raccrochais. Épuisé et soucieux. A côté de moi, une femme bien-aimée se moque de moi : « Amadou, tu rêves encore ? » – « Dans ce pays, je n’ai pas le temps de dormir assez pour rêver ! » Elle me fit sourire quand, inspirée, elle ajouta : « De toutes façons, dans la tombe, nous finirons tous de la même manière en faisant des vers ! » Je pensais à cet homme qui venait de passer douze années au pouvoir, soit quatre mille trois cent quatre-vingt jours, et qui avait conduit son pays avec audace et autorité bien loin dans la modernité et le développement des infrastructures. Mon intime conviction était cependant que la plus fondamentale et la plus élevée de toutes les infrastructures était d’abord l’homme sénégalais, en premier. Ensemble avec le Président, avons-nous réussi ? Ensemble avec lui, avons-nous échoué ? Ou bien Macky Sall a-t-il gouverné et réussi seul ou gouverné et échoué seul ? Faudrait-il, également, que « le peuple soit tiré au sort ? » Je crains de ne pouvoir répondre seul à ces questions. Une autre question me taraudait : l’échec d’un président de la République ne serait-elle pas en même temps l’échec du peuple qui l’a élu ? L’échéance des présidentielles prochaines nous interroge tous ! Gagnons ensemble ! Ce pays le mérite ! Ne jouons plus à faire du Sénégal un Vésuve !
Amadou Lamine Sall, Poète
Lauréat des Grands Prix de l’Académie française
Lauréat 2023 du Grand Prix de Poésie Africaine, Rabat, Maroc.