Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), le Tchadien Moussa Faki Mahamat, a condamné samedi 1er octobre «le changement inconstitutionnel de gouvernement» au Burkina Faso après le putsch militaire qui a chassé du pouvoir le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. «Le président appelle les militaires à stopper immédiatement et totalement tout acte de violences ou menaces contre la population civile, les libertés publiques, les droits humains», affirme l’UA dans un communiqué qui appelle à une restauration de l’ordre constitutionnel au plus tard en juillet 2023.
L’Union européenne dénonce le nouveau coup de force au Burkina Faso et appelle au respect des engagements pris pour un retour à l’ordre constitutionnel, a déclaré samedi le chef de la diplomatie européenne Josep Borell. Le coup de force «met en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois, notamment de la part de la Cédéao, afin d’encadrer la Transition», déplore Josep Borrell dans un communiqué.
Huit mois après avoir renversé le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a été à son tour renversé vendredi, par un groupe de militaires de son propre camp, conduit par le capitaine Ibrahim Traoré, âgé de 34 ans. Le capitaine Traoré et ses hommes accusent Damiba d’avoir opéré des choix « hasardeux » qui « ont progressivement affaibli » le système sécuritaire du pays.
Membre du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), le groupe de militaires qui avait renversé le 24 janvier dernier Kaboré, au profit du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le capitaine Ibrahim Traoré, était jusque-là le commandant du régiment d’artillerie de Kaya, la première région militaire, située à une centaine de kilomètres au nord de la capitale burkinabè.
En janvier 2022, alors que Roch Marc Christian Kaboré entame la deuxième année de son deuxième mandat suite à des élections remportées avec 57,87% de voix, en novembre 2020, la situation sécuritaire n’a cessé de se dégrader. C’est ainsi que de jeunes officiers militaires burkinabè dont le capitaine Traoré, procèdent à son arrestation, obligeant Kaboré à rendre sa démission le 24 janvier. Ils mettent en place le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) dirigé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba qui devient plus tard président du Burkina Faso suite à la signature de la charte de la Transition. Cependant, la situation sécuritaire qui avait été évoquée comme motif pour renverser le régime de Kaboré, ne s’est pas améliorée après huit mois de gestion par les militaires. Les attaques terroristes sont quasi-quotidiennes, avec de pertes considérables en vies humaines tant du côté de l’armée que des civils.
Plusieurs centaines d’écoles et d’infrastructures sanitaires sont fermées alors que des milliers de personnes continuent de fuir leurs villages à cause des violences. La dernière manifestation en date a eu lieu jeudi, à Bobo-Dioulasso dans la capitale économique (Ouest), pour protester contre une embuscade qui a visé lundi dernier, un convoi humanitaire au profit des populations de la ville de Djibo (Sahel). Le bilan toujours provisoire est de 11 soldats tués et une cinquantaine de civils portés disparus.
C’est dans ce contexte que des militaires ont entamé dans la nuit de jeudi à vendredi, un « mouvement d’humeur » qui a abouti à la chute de Damiba. Les nouvelles autorités conduites par le capitaine Ibrahim Traoré, disent engager l’ensemble des forces combattantes à se recentrer sur la situation sécuritaire. Ils ont, entre autres, annoncé la dissolution du gouvernement, la suspension de la constitution, de toute activité politique et de la société civile et la convocation prochaine des forces vives de la nation pour écrire une nouvelle charte et désigner un président civil ou militaire.
Dans sa déclaration lue à la télévision publique (RTB) vendredi soir, le groupe de militaires a tenté de rassurer la communauté internationale en affirmant que le Burkina Faso continuera de respecter ses engagements internationaux notamment les droits humains.
La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a quant à elle jugé « inopportun » ce coup de force qu’elle a condamné dans un communiqué, avant d’exiger « le respect scrupuleux du chronogramme déjà retenu avec les Autorités de la Transition pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024 ».