Une juge du tribunal judiciaire de Paris a jugé vendredi «nécessaire» un procès pour des faits notamment de corruption au Togo reprochés au milliardaire Vincent Bolloré.
Bolloré à la barre ? Stupeur et tremblement dans le microcosme médiatico-financier : l’un des hommes d’affaires les plus puissants de France pourrait avoir à rendre des comptes devant un tribunal correctionnel. La juge Isabelle Prévost-Desprez, du tribunal judiciaire de Paris, a en effet estimé ce vendredi «nécessaire» un procès pour des faits notamment de corruption au Togo reprochés à Vincent Bolloré.
Vincent Bolloré, Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré et Jean-Philippe Dorent, directeur international de l’agence Havas, filiale de Bolloré, avaient pourtant accepté une sorte de plaider-coupable à la française dans ce dossier. Soit une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et le paiement d’une amende de 375 000 euros.
Mais lors de l’audience, la juge a refusé d’homologuer cette CRPC, estimant que les peines étaient «inadaptées au regard de la gravité des faits reprochés» et considérant qu’il était «nécessaire qu’ils soient jugés» par un tribunal correctionnel. Les faits ont «gravement porté atteinte à l’ordre public économique» et «à la souveraineté du Togo», a tranché la juge. Il appartient désormais à un juge d’instruction d’ordonner ou non un procès pour le trio Bolloré, Alix et Dorente.
Une amende de 12 millions d’euros
En revanche, la juge a validé la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) visant le groupe Bolloré, qui prévoit une amende de 12 millions d’euros. La société s’est engagée à verser cette amende «au trésor public sous dix jours», a précisé le Parquet national financier dans un communiqué. A cette amende s’ajoute le provisionnement de 4 millions d’euros pour assumer le coût d’un programme de mise en conformité aux règles de l’agence française anticorruption (AFA), qui réalisera un suivi pendant deux ans, selon les termes de la CJIP. Si les conditions sont remplies, la fin des poursuites sera définitive pour le groupe. Mais pas pour son patron et ses deux acolytes.
Ce dossier, vieux de onze ans, colle aux semelles du patron de Canal plus C8 et CNews depuis 2009. Il concerne la prolongation et l’extension de la concession du port de Lomé, au Togo, porte d’entrée stratégique sur un continent, l’Afrique, à l’origine de la fortune du magnat breton, estimée à 5,7 milliards d’euros. Au terme de son instruction, la juge Aude Buresi, longtemps épaulée dans ce dossier par Serge Tournaire, a estimé qu’un pacte de corruption a été scellé entre la direction du groupe Bolloré et le président du Togo avant sa réélection en mars 2010.
Prescription
Or lors de l’audience ce vendredi, la holding et Bolloré, Alix et Dorente ont reconnu avoir utilisé les activités de conseil politique de la filiale Havas afin de décrocher la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.
SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l’élection à la présidence de la Guinée d’Alpha Condé, fin 2010, et avait remporté la concession à Lomé peu avant la réélection, en 2010 au Togo, de Faure Gnassingbé, qui étaient alors tous deux conseillés par Havas.
Une information judiciaire avait été ouverte fin 2013 pour «corruption d’agent public étranger, abus de confiance et complicité d’abus de confiance» commis entre 2009 et 2011. La mise en examen des protagonistes pour une partie des infractions concernant la Guinée avait été annulée par la cour d’appel de Paris en juin 2019, pour cause de prescription.