L’ONG critique le traitement différencié des réfugiés selon leurs origines ainsi que les multiples lois restrictives ou pouvant « ouvrir la voie à des pratiques discriminatoires ».
La France est « très loin de l’exemplarité qu’on pourrait attendre d’elle » en matière de respect des libertés publiques et des droits humains, dénonce Amnesty International dans son rapport 2021, publié mardi 29 mars. L’organisation critique notamment une politique d’accueil des migrants différente selon qu’ils soient ukrainiens ou d’autres nationalités. « Ce qu’on a vu depuis quelques semaines tranche singulièrement avec la manière dont, l’année dernière, les pouvoirs publics ont parlé de l’accueil des Afghans » fuyant leur pays après la reprise du pouvoir des talibans à la mi-août, a rappelé devant la presse Nathalie Godard, directrice de l’action pour Amnesty International France.
L’Etat a mis sur pied un schéma d’accueil et d’hébergement proposant « au moins 100 000 places », selon le premier ministre, Jean Castex, pour les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine. Le 16 août, dans son intervention sur l’Afghanistan, Emmanuel Macron avait appelé à « anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants », grince Amnesty International. Mme Godard évoque aussi la protection temporaire accordée par les ministres européens de l’UE aux réfugiés d’Ukraine qui avait « aussi été demandée pour les Afghans, sans succès ». « C’est une illustration du “deux poids, deux mesures” aujourd’hui très dénoncé », a-t-elle ajouté.
La protection temporaire permettra aux réfugiés ukrainiens de séjourner jusqu’à trois ans dans l’Union européenne, d’y travailler, d’accéder au système scolaire et d’y recevoir des soins médicaux. Amnesty International stigmatise également les « traitements dégradants » subis par les exilés, notamment à Calais (Pas-de-Calais) : « La police et les autorités locales ont limité leur accès à l’aide humanitaire et les ont soumis à des manœuvres de harcèlement. »
Les critiques sur le sort des migrants à Calais et Grande-Synthe (Nord) ont été relancées après le naufrage fatal à 27 d’entre eux qui tentaient de traverser la Manche, le 24 novembre, des organisations non gouvernementales (ONG) dénonçant notamment des lacérations de tentes lors des évacuations, avec l’aval des autorités. Ces dernières ont récusé les accusations.
Dans son rapport annuel, Amnesty International conclut également que la France « fait partie » des 67 pays au monde qui ont « adopté en 2021 des lois qui restreignent la liberté d’expression, d’association et de réunion ». L’ONG cite la promulgation à la fin de juillet 2021 de la loi sur la prévention du terrorisme, qui entérine notamment les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas).
La loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure du 24 janvier 2022, autorisant les captations d’images de manifestations par les drones, constitue, elle, selon Amnesty, « un pas de plus vers la surveillance de masse ». Enfin, la loi dite « séparatismes » du 24 août « risque d’ouvrir la voie à des pratiques discriminatoires » sous couvert de lutte contre l’islamisme radical, estime l’organisation.