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BASS DIAKHATE
BASS DIAKHATE

HOMMAGES POSTHUME A BASS DIAKHATE Adieu l’artiste !

Bass Diakhaté, artiste éternel Drôle, joyeux drille, pince-sans-rire, Bass Diakhaté était plus qu’un comédien, un thérapeute des âmes tristes. Impossible de ne pas pouffer de rire face à ses délires, ses mimiques, son timbre de voix assorti à ses humours et humeurs scéniques. L’acting de Bass était inimitable, tant l’homme qu’il était et l’artiste qu’il incarnait étaient une fusion de complicité et d’interactivité. Homme de l’art ou artiste de l’humanité, Bass était un pluriel dans un singulier. Original, Bass était le produit des origines dans un Sénégal de valeurs et de vertus, desquelles il a su s’abreuver quand son parcours soldat a failli le perdre dans la modernité gourmande de jeunes vigoureux, pour retrouver dans la scolastique coranique ses repères d’homme intègre. C’est ce mélange savant et valeureux d’expériences humaines que le monde a perdu, mais puisque vivre, c’est marcher vers la mort, comme disent les absurdes, on le savait en sursis. Puisse son âme reposer en paix, car sûrement les anges sont en train de jouir de son art dans l’Au-delà qu’on lui souhaite paradisiaque.

 

Adieu l’artiste… Quarante ans que l’artiste comédien Bass Diakhaté illumine la scène artistique sénégalaise. De soldat à comédien, après la case école coranique, son parcours reste marqué par les turbulences d’une quête de soi pleine d’enseignements sur la vie et les vicissitudes du destin. Bassirou Diakhaté, de son nom à l’état civil, est passé des rigueurs d’une vie militaire peu adaptée à son cas pour se forger un destin de comédien par le théâtre populaire. Un parcours atypique qui lui a inoculé humilité et réalisme sur ce qu’il faut attendre de son métier et de sa vie.

COURS DE VIE D’UN SOLDAT «TURBULENT»

Un soldat turbulent, se définissait-il. Membre du contingent 72-2 du centre d’instruction militaire Dakar-Bango de Saint-Louis (nord) en 1972, avant de compléter sa formation de base à l’Ecole nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) de Kaolack (centre), Bass confiait drôlement : «On m’a ensuite affecté au neuvième CFB à Tambacounda (est) parce que j’étais très turbulent. Et là-bas, j’ai fait toutes les bêtises imaginables. Un jour, en plein rassemblement, je suis sorti nu, on m’a collé une punition.» Punition qui l’a d’ailleurs fait côtoyer à la prison de Kédougou le défunt président du Conseil du gouvernement sénégalais, Mamadou Dia. “Mamadou Dia, je le voyais faire des va-et-vient dans sa cellule. Il y avait tout près un citronnier duquel il cueillait des fruits par moments. Je ne connaissais rien de l’actualité politique de cette époque. C’est à ma libération, fin 1973, que j’ai su que j’étais tout près des événements politiques de 1962”, contait le comédien qui n’a pu, comme il l’escomptait, intégrer le corps des blindés – Et pour cause, son nom a été rayé de la liste, disait-il -, un échec qu’il impute au système du « bras long », consistant à pistonner des proches dans l’administration et les structures publiques. « Je me suis dit que mon parcours dans l’armée était fini. Je voulais vraiment être militaire et avoir des grades. Mes parents m’ont demandé de me présenter au concours de la police, mais j’étais attiré par l’effervescence artistique de la Médina », expliquait-il. Exit l’Armée, entré sur scène, celle du théâtre. Et depuis 1979, Bass tient en haleine son public par le théâtre populaire où il a fait ses premiers rôles à la Médina. « La Médina était un nid d’artistes à cette époque-là. Si on n’était pas dans le football ou le basketball, on était dans l’art ou les chants khadre qui étaient en vogue. Il y avait des +dahira+ (associations de fidèles) célèbres, +Les bonnets rouges+ par exemple. Youssou Ndour et son oncle Doudou Sow, le père de Thione Seck, parmi d’autres. On y rencontrait beaucoup de monde », se souvenait celui qui intègre la troupe « Sine dramatique »; regroupant des natifs de la région éponyme, actuelle Fatick.

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QUETE DE LIBERTE ET DE REPERES

A l’époque, dans les années 70-80, «Sine dramatique» assurait, avec « Les Canadiens », l’animation culturelle à la Médina. Le succès au rendez-vous, Bass décide de quitter la troupe artistique pour l’école coranique de Soum Nane, « Le théâtre, c’était nous, le milieu théâtral et la population. Alors que le daara, c’était moi, ma personne. J’avais besoin de repères, d’éducation. Cela me sert jusqu’à présent, car dans le théâtre, il faut de l’endurance », expliquait-il. Bass Diakhaté devint même « Baye Fall » imprégné de la philosophie mouride. « Si je vous ouvre mon album photos souvenirs, vous n’allez pas me reconnaître», disait-il, se rappelant ses dreadlocks. Mais l’appel de la scène le ramène devant la caméra. Il revient donc à l’art en 1994 en intégrant la troupe « Daaray Kocc », introduit par son ami, Djibril Samb et le comédien Baye Ely. C’est alors la valse entre théâtre et cinéma, au rythme des productions destinées à la scène ou à la télévision. Figurant ou acteur principal, il éclabousse de son talent plusieurs sketches, dont « Diangue yi tass na » – sa première production avec la troupe « Daaray Kocc », « Les quatre vieillards dans le vent », « Rée ba tass », « Bicho Ballo » (pièce tournée avec « Sine Dramatique »). Bass Diakhaté passe cinq ans à « Daaray Kocc » avant de s’engager dans une carrière solo, se produisant à la demande. « Un artiste a besoin de liberté », se convainquait-il. Ses rôles au grand écran sont de référence dans « Atlantique » de Mati Diop, « La Pirogue » de Moussa Touré, « Madame Brouette » de Moussa Sène Absa, « Faat Kiné » de Ousmane Sembène et « Almodou » (2002) du réalisateur Amadou Thior. Pour le comédien, être bien assis dans ce métier suppose une bonne formation. «L’art ne nourrit pas son homme. Il est rare d’y voir un millionnaire, mais si tu fais correctement ton travail, tu peux en vivre », confiait-il, riche de son expérience du milieu.

RAPPORTS PAS CATHOLIQUES

De ce qu’il déplore dans son métier, il a évoqué « les rapports pas catholiques entre professionnels du théâtre dont certains sont obnubilés par les intérêts crypto-personnels. Mais grâce à Dieu, les choses changent avec la nouvelle génération et le métier est plus dynamique », disait-il, lors de la célébration de ses 40 ans de carrière. Occasion pour lui de saluer les changements survenus dans la gestion du Théâtre national Daniel-Sorano, une institution qui intègre désormais le théâtre dit populaire. « C’était ce cloisonnement entre théâtre professionnel et populaire qui a beaucoup retardé notre théâtre. C’est heureux aujourd’hui que l’on efface cette frontière », se réjouissait celui qui est décédé mercredi dernier, vers 4h30, après une hospitalisation de quelques jours.

 


ANNA THIAW

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