C’est le 27 février prochain que le tribunal d’Instance de Dakar va rendre son délibéré dans l’affaire des 31 manifestants supposés arrêtés dans la journée du 16 février 2023, après le renvoi du procès opposant le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang au maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko. La déléguée du procureur a sollicité six mois, dont trois mois ferme contre sept prévenus. Les avocats de la défense ont déversé leur bile sur les forces de l’ordre qu’ils ont taxé de forces de « désordre » et de « séquestration ».
31 personnes ont été jugées dans cette affaire qui a été plaidée hier, devant le tribunal d’Instance de Dakar. Poursuivis pour participation à une manifestation non déclarée, les prévenus ont été neutralisés à différents endroits de la capitale suite à des échauffourées qui ont opposé les forces de l’ordre à des individus qui occupaient la voie publique le 16 février dernier, le jour où le procès opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko a été reporté pour la deuxième fois à la demande des conseils du maire de Ziguinchor. À la barre, les prévenus ont, tour à tour, réfuté s’être affrontés aux hommes de tenue. Même si certains ont avoué avoir répondu à l’appel du leader du parti Pastef. Né en 1984, Ousmane Lopez a confié qu’il voulait assister à l’audience. Mais, les forces de l’ordre lui avaient signifié que la salle d’audience était pleine. « On était posté derrière les barrières érigées près de la station Total.
À un moment donné, les agents nous ont demandé de se disperser et on s’est exécutés », a argué le technicien de laboratoire et conseiller municipal. Âgé de 27 ans, le pompiste Amidou Badiane a informé avoir été interpellé sur la corniche. « Quand les forces de l’ordre nous ont refusé l’accès au tribunal, j’ai décidé de me rendre chez un ami à Gueule Tapée. En cours de route, j’ai vu le cortège de Sonko et j’ai pris mon téléphone pour filmer. C’est dans ces circonstances qu’un agent m’a arrêté », dit-il. Le biologiste El Hadji Malick Guèye a renseigné avoir été alpagué devant la porte du tribunal, après le renvoi du procès. « Certains patriotes étaient en train de jubiler. Lorsque les policiers ont commencé à lancer des grenades, je me suis rapproché d’un agent pour le dénoncer ».
« J’ai perdu tous mes bagages alors que la politique ne… »
Chef d’entreprise, marié et père d’un enfant, Serigne Guèye a expliqué qu’il avait rendez-vous avec le greffier Me Alioune Camara. Les forces de l’ordre l’ont appréhendé devant le tribunal alors qu’il rentrait vers les coups de 10h. Le commerçant Saliou Ndiaye a confessé qu’il était parti acheter du médicament au marché noir de Keur Serigne Bi. C’est sur ces entrefaites qu’il a vu des gens courir. Par curiosité, il s’est rapproché de la foule et les agents l’ont embarqué. Âgé de 33 ans, Modou Guèye a signalé qu’il est allé à Sandaga pour acquérir des accessoires de téléphone. « J’ai été interpellé près du garage Lat Dior. J’ai perdu tous mes bagages alors que la politique ne m’intéresse pas. Je subviens aux besoins de ma famille grâce à mon commerce », a asséné le jeune père de famille. Les cinq étudiants impliqués dans le dossier, ont allégué avoir été alpagué près de l’université Amadou Hampaté Bâ.
« La police est devenue une police politique… »
La représentante du parquet a sollicité six mois, dont trois mois ferme contre sept prévenus. D’après elle, ce groupe occupait la voie publique et scandait des slogans de Sonko. « Sous le prétexte de faire valoir leur liberté de manifester, ils ont entravé la liberté des citoyens d’aller et venir », s’est-elle insurgée. Concernant les 24 autres comparants, la déléguée du procureur s’est rapportée à la sagesse du tribunal. Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense n’ont pas râté les forces de l’ordre qu’ils ont taxé de forces de « désordre » et de « séquestration ». « J’ai le cœur meurtri. Ces jeunes ont été arbitrairement arrêtés. Ils ont été torturés, ils ont subi des coups, des bastonnades. Pour certains, leur seul tort c’est d’avoir voulu assister au procès de leur leader », s’est indigné Me Famara Faty. Pour son confrère Me Moussa Sarr, la police est devenue une police politique en posant des questions politiques. « Seul le tribunal peut mettre fin à cette dérive autoritaire pour un meilleur Sénégal », a soutenu Me Sarr. De l’avis de Me Baba Diop, le Ministère public s’est contenté d’indices pour asseoir la culpabilité des uns et des autres. Au terme des plaidoiries, le juge a rejeté la demande de liberté provisoire des prévenus et fixé son délibéré au 27 février prochain