Aucun autre pays ne s’engage en Afrique aussi profondément et largement que la Chine. Elle est le premier partenaire commercial de l’Afrique, son premier créancier bilatéral et une source cruciale d’investissements dans les infrastructures. On estime que les entreprises chinoises représentent un huitième de la production industrielle du continent. Les infrastructures numériques construites par la Chine sont essentielles pour les plateformes sur lesquelles les Africains communiquent. Les liens politiques, militaires et sécuritaires se resserrent. Comprendre la relation Chine-Afrique est essentiel pour comprendre le continent et les ambitions mondiales de Xi Jinping.
L’histoire moderne de cette relation comporte trois phases. Pendant la guerre froide, la Chine a fourni de l’aide, construit quelques lignes de chemin de fer ou bâtiments parlementaires et tenté, le plus souvent sans succès, d’exporter le maoïsme. Mais l’axe principal de cette relation était politique. La Chine voyait dans les pays africains nouvellement indépendants des alliés potentiels. En 1971, lorsque les Nations unies ont voté pour que la Chine intègre l’organisation et que Taïwan en soit exclu, 26 pays africains se sont rangés du côté de Mao. “Ce sont nos frères africains qui nous ont portés dans l’ONU”, a-t-il alors déclaré.
Des années 1950 aux années 1970, l’idéologie est le principal facteur d’influence sur la politique d’aide étrangère de la Chine. Après la fondation de la République populaire de Chine, le pays est exposé à la menace du blocus militaire et économique des Etats-Unis, puis de l’ancienne Union soviétique. Durant cette même période, les pays du tiers-monde luttent pour leur indépendance nationale. Obéissant à un sentiment d’une destinée historique commune, la Chine considère le tiers-monde comme un allié important dans un « Front international uni » contre l’impérialisme et le colonialisme. Pour cette raison, elle commence à fournir de l’aide à d’autres pays du tiers-monde et s’engage dans l’exportation idéologique de son expérience dans la construction d’une société socialiste, ce qu’elle estime être une partie importante de son engagement en faveur de l’internationalisme prolétarien.
L’Albanie d’Enver Hoxha, en Europe, voire certains pays d’Afrique comme la Tanzanie de Julius Nyerere ou la Guinée de Sékou Touré bénéficie de cette aide. L’influence de cette idéologie se fait fortement sentir dans les années 1960 et a atteint son apogée entre 1970 et 1975. Les « Huit principes de l’aide étrangère de la Chine », établis à l’origine par Zhou Enlai lors de sa visite à 14 pays d’Asie et d’Afrique en 1964, régissent encore à ce jour le cadre fondamental de l’aide étrangère de la Chine à d’autres pays en développement. En 1972, alors que le produit national brut (PNB) de la Chine n’atteignait que 28 % de celui de l’Union soviétique, la Chine devançait celle-ci dans le volume total de l’aide économique. Cette générosité chinoise n’était pas sans grever fortement l’économie chinoise.
A partir des années 1990, à la suite de l’essor économique de la Chine, l’aide a revêtu une importance croissante au sein de la politique étrangère de la Chine. Depuis 2004, les dépenses du gouvernement central chinois consacrées à l’aide ont affiché un taux de croissance annuel de 18 %. Toutefois, cette aide est désormais subordonnée à des considérations stratégiques et à la promotion des intérêts nationaux. Ainsi, Huawei, le géant chinois des télécommunications, a établi des instituts régionaux en Angola, en Afrique du Sud, au Nigeria, en Egypte, en Tunisie et au Kenya afin d’enseigner au personnel local les compétences requises pour exploiter et entretenir les systèmes sans fil et à large bande de l’entreprise. Les pratiques axées sur la formation sont très largement prônées par la Chine. Elle les promeut à partir d’un organisme dont le centre est basé à Pékin depuis sa création en 2006, le Centre international de réduction de la pauvreté (IPRCC).
Selon Emmanuel Lincot l’aide de la Chine passe essentiellement par des canaux bilatéraux. Outre les relations bilatérales, la Chine fournit de l’aide au travers d’institutions multilatérales, bien qu’à moindre échelle. La République populaire de Chine est en effet membre de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque asiatique de développement et de la Banque africaine de développement. Elle est aussi membre de longue date d’organismes des Nations unies tels que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle collabore avec les pays membres du Comité d’aide au développement (comme les Etats-Unis, la Nouvelle Zélande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni). Comme la France jadis, elle recourt souvent à la diplomatie du chéquier et la construction de grands projets comme le musée des civilisations noires à Dakar lui permet de rester fidèle à ses engagements tiers-mondistes. Toutefois, les Africains ne sont pas dupes. Et la part des investissements chinois tend par ailleurs à diminuer depuis les dernières annonces faites au Forum Chine Afrique (FOCAC ).