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Tensions politiques au Sénégal: Charles Emile Ciss appelle YAW et BBY au dialogue
Tensions politiques au Sénégal: Charles Emile Ciss appelle YAW et BBY au dialogue

Scène politique au Sénégal : Est-il désormais permis d’insulter les magistrats ?

Le chef de l’Etat a tenu à manifester le respect dû aux différentes institutions publiques et déclare s’évertuer à faire jouer à chacune d’entre elles la plénitude de ses missions et prérogatives. Il réitère ainsi son engagement pour la transparence et la bonne gouvernance et peut se targuer d’avoir mis en œuvre d’importantes réformes tendant à renforcer les compétences et pouvoirs des institutions de contrôle de l’Etat. Le Président Sall aurait bien besoin de partager son sens de l’Etat et du respect des institutions avec nombre de ses proches collaborateurs et surtout, mettre le holà sur les attaques régulièrement proférées contre les hauts magistrats et autres fonctionnaires.

Au gré du jeu politique, les institutions républicaines et leurs serviteurs sont pourfendus, agressés même. Rien n’est plus frustrant que cela, surtout qu’il est rare de trouver des voix qui comptent les défendre publiquement et que les mécanismes légaux pour assurer défense et protection à ces fonctionnaires n’opèrent pas toujours efficacement. Les opposants au régime du Président Sall n’auront pas l’excuse de leur posture pour vilipender les juges à chaque fois qu’une décision ne leur est pas favorable alors qu’ils ne manquent pas de se féliciter des autres verdicts en leur faveur.

Nous avons régulièrement fustigé ce vulgaire opportunisme, notamment durant le traitement judiciaire de l’affaire Khalifa Sall, pour nous étonner : «S’il faut en arriver à huer les juges» (16 juillet 2018). Mais le plus affligeant est que certaines attaques sont dirigées contre ces institutions par des acteurs judiciaires, «Ces juges qui se moquent de la Justice» (4 septembre 2020). «Les coups portés à la crédibilité des institutions judiciaires sont souvent, et au premier chef, du fait même des acteurs de la Justice. Ils donnent ainsi le bâton pour se faire battre (…).

Au gré des verdicts, les juges sont applaudis ou on fait siffler leurs oreilles si ce qu’ils rendent ne nous agrée pas. Si nos juges, du fait de rivalités personnelles, de luttes d’influence ou de conflits d’une toute autre nature, ne cessent de s’empoigner et de se fusiller, c’est la crédibilité d’un pan majeur de notre République qui perd au change (…). Il y a eu un terrorisme médiatique sur les magistrats, au point que certains chefs de juridiction éprouvent de la peine à composer des Chambres pour juger certaines affaires. Ce qui est à regretter dans cela reste que les magistrats soient tombés dans ce jeu de duel sur la place publique, d’une quête de vedettariat et que la fonction soit de nos jours marquée au fer d’une rivalité infondée entre des magistrats d’une vieille garde qu’on accuse de tous les péchés possibles et de jeunes magistrats à la probité des dieux.»

L’espoir peut encore être permis car l’actualité de ces derniers mois révèle que le devoir de protection de l’idéal républicain, des institutions et des agents publics est endossé par des acteurs nouveaux, provenant paradoxalement des milieux religieux pourtant connus pour un certain conservatisme, pour ne pas dire féodalisme. La gestion de la pandémie du Covid-19 a révélé la posture républicaine et éminemment responsable du Khalife général des Tidianes, «Serigne Mbaye Sy Mansour, l’exemple» (19 juillet 2021). Le Khalife général des Tidianes a eu le discours approprié et pertinent quant à la protection des agents de santé publique et les Forces de l’ordre, pour la réussite des campagnes de vaccination et autres mesures de prophylaxie, notamment la fermeture des lieux de culte.

Le Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké, n’a pas été en reste. Serigne Mountakha Mbacké a pris à son propre compte notre propos qui préconisait la restauration de l’autorité des services de sécurité de l’Etat au niveau de la ville de Touba. «La passivité de l’État a fait le nid de la prolifération de milices d’obédience religieuse qui ont fini par se muer en polices religieuses pour arrêter et bastonner jusqu’à des personnes trouvées en train de fumer une cigarette ! Des femmes présumées être des travailleuses du sexe, trouvées dans des lieux privés, ont été molestées et certains de leurs bourreaux les ont punies en profitant de ces proies pour satisfaire leur libido. D’autres femmes mal vêtues à leur goût, se font arracher publiquement leurs coiffures ou leurs faux-cils (…). Les autorités publiques marchent sur des œufs et poussent le «ponce pilatisme» jusqu’à proscrire l’intervention des Forces de l’ordre dans des localités. On a vu des milices religieuses arrêter (on ne sait dans quelles circonstances et conditions) des personnes et les conduire, dans un rare instant de mansuétude, devant la police d’Etat qui prend ainsi la suite. Quelle forme de coopération pourrait-on envisager entre une police religieuse et une police républicaine d’un Etat démocratique, alors qu’elles ne partagent pas les mêmes règles de droit positif ?

Le Président Abdou Diouf avait eu l’habileté de convaincre le Khalife général des Mourides, Serigne Abdoul Ahad Mbacké (1968-1989), d’installer les forces de police d’Etat dans la ville de Touba, qui tendait à devenir un repaire de malfrats, de bandits de tout acabit et de trafiquants de drogue. Par exemple, quand des unités cynophiles avaient été déployées dans la ville, l’émoi était tel que le khalife a pu instaurer d’autorité et faire accepter la présence des chiens renifleurs dans toute l’enceinte de la ville, avec une formule restée dans les mémoires : «Ces chiens ne traquent que leurs semblables !»


Serigne Mountakha Mbacké a fait le 27 décembre 2022, une déclaration, ferme et avec le sourire, pour dissoudre la police religieuse à Touba, la Dahira Safinatoul Aman, et demander que les missions régaliennes de sécurité publique soient désormais exclusivement assurées par les services de l’Etat. On ne peut que s’en féliciter quand on voit le désastre provoqué en Iran par exemple, par les conséquences d’actions des unités de police religieuse.

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