L’Europe connaît sa guerre transfrontalière la plus sanglante depuis 1945, mais l’Asie risque quelque chose d’encore plus grave : un conflit entre l’Amérique et la Chine à propos de Taïwan. Les tensions sont vives, alors que les forces américaines adoptent une nouvelle doctrine dite de “létalité distribuée”, destinée à neutraliser les attaques de missiles chinois. L’affaire c’est d’éviter la troisième guerre mondiale.
La semaine dernière, des dizaines de tirs chinois ont pénétré dans la “zone d’identification de la défense aérienne” de Taïwan. Cette semaine, le ministre chinois des Affaires étrangères a condamné ce qu’il a appelé la stratégie américaine “d’endiguement et de répression tous azimuts, un jeu à somme nulle de vie et de mort”.
Comment pourrait commencer une guerre ?
Alors que l’Amérique se réarme en Asie et tente de galvaniser ses alliés, deux questions se posent. Est-elle prête à risquer une guerre directe avec une autre puissance nucléaire pour défendre Taïwan, ce qu’elle n’a pas été prête à faire pour l’Ukraine ? Et en rivalisant militairement avec la Chine en Asie, pourrait-elle provoquer la guerre qu’elle tente d’éviter ? “L’Amérique est-elle prête à risquer une guerre directe avec une autre puissance nucléaire pour défendre Taïwan, ce qu’elle n’a pas été prête à faire pour l’Ukraine ?”
Personne ne peut savoir avec certitude comment une invasion de Taïwan pourrait commencer. La Chine pourrait utiliser des tactiques de “zone grise”, qui sont coercitives, mais pas tout à fait des actes de guerre, pour bloquer l’île autonome et saper son économie et son moral. Elle pourrait également lancer des frappes de missiles préventives sur les bases américaines de Guam et du Japon, ouvrant ainsi la voie à un assaut amphibie. Étant donné que Taïwan ne pourrait résister à une attaque par ses propres moyens que pendant quelques jours ou quelques semaines, tout conflit pourrait rapidement dégénérer en une confrontation entre superpuissances.
La Russie frappe un Etat de l’Otan
La Russie cherche par tous les moyens à couper les sources de ravitaillement des Ukrainiens. Y compris l’approvisionnement en armes. Pour cette raison, le général Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire de 2013 à 2017, n’exclut pas une frappe russe sur une base militaire en Pologne. « Tout transite par la Pologne. S’ils n’arrivent plus à avancer en Ukraine, les Russes pourraient être tentés de viser une base militaire située de l’autre côté de la frontière. C’est plausible. Ce serait aussi une manière de tester l’Otan, de pousser les Américains et les Européens dans leurs retranchements », jauge notre expert. Pour ce faire, la Russie aurait probablement recours à des missiles longue portée, qui pourraient être lancés depuis l’Ukraine. La base située près de Jaroslaw, à deux pas de la frontière et à 110 kilomètres de Lviv, serait potentiellement visée.
Cette frappe provoquerait à coup sûr une réaction de l’Otan. « Quelle serait-elle ? L’Alliance serait placée face à un dilemme », expose Christophe Gomart.
L’article 5 du traité de l’Atlantique Nord prévoit une riposte de l’ensemble de l’organisation en cas d’agression d’un de ses membres. Mais les textes ne spécifient pas quelles formes peut prendre cette réplique. « Entrer en guerre, c’est ouvrir la voie à un engrenage, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller. Ne pas entrer en guerre, ce serait aussi extrêmement compliqué.
Au moment où la Suède et la Finlande demandent à entrer dans l’Alliance, on ne peut pas à la fois dire qu’on les protège et laisser un membre se faire agresser sans rien faire. C’est justement le but des Russes, montrer que l’Otan n’est pas une organisation fiable », estime le général Gomart. Le plus probable, à ses yeux ? Que l’Otan décide d’une frappe analogue, sur une base militaire russe : « Bien sûr, les Russes peuvent ensuite continuer, et on arrive à l’escalade. »