Ousmane Sonko avait promis de restaurer l’éthique en politique et de ne jamais accepter la transhumance. Mais depuis quelques jours, il semble l’avoir hissée à une échelle, défiant la morale politique. Doura Baldé, Me Malick Sall, El hadj Malick Gaye, maire de Niandane entre autres ont tous rejoint le parti d’Ousmane Sonko. Et pourtant, Sonko himself avait déclaré que : « que chacun reste là où il est. » Mais l’arrivée de Adji Mbergane Kanouté a créé l’étonnement chez bien des analystes politiques.
Le journaliste Cheikh Yérim Seck a trempé sa plume dans l’encre de la « dénonciation » afin de s’en prendre à Adji Mbergane Kanouté, ancienne député sous la bannière de l’ex-coalition Benno Bokk Yaakar. Ce dernier a peiné à gober le fait que la dame rallie le Pastef le parti d’Ousmane Sonko. Dans une chronique parue hier, le journaliste-écrivain Ch. Y. Seck a d’emblée défini la « transhumance ». « En jargon politique sénégalais, migration des herbes sèches de l’ancienne coalition au pouvoir vers les prairies désormais vertes de l’actuelle équipe dirigeante) d’Adji Mbergane Kanouté a créé un énorme choc traumatique dans l’opinion… », a-t-il écrit. Une adhésion qui a créé en lui une secousse tellurique du fait qu’il ait admiré cette dame « pour ses prises de position courageuses et son opposition tranchée depuis l’arrivée au pouvoir de Pastef.
La déception est à la hauteur du respect qu’inspirait cette femme politique à l’opinion. » Il a rappelé les dires d’Ousmane Sonko qui du « haut du piédestal de la République, en Majesté, Ousmane Sonko himself, homme fort du régime, avait proclamé urbi et orbi que chacun reste là où il était avant le 24 mars 2024. » Avant de jurer sur tous les dieux qu’aucun transhumant ne sera admis au banquet du pouvoir. Pour Cheikh Yérim, il n’a fallu que huit mois pour que Pastef ravale son vomi. « Ce qui, dans l’euphorie de la fraîche arrivée aux affaires, était décrit comme un péché capital, est devenu une pratique quotidienne chez nos nouveaux gouvernants. Mais, au-delà du travers devenu courant de l’homo politicus senegalensis, cette transhumance-ci en dit long sur ceux qui nous gouvernent depuis le 2 avril 2024.
Pastef est devenu une machine de recyclage des déchets politiques de l’ancien régime, y compris de personnages épinglés dans des rapports pour fautes de gestion, de cadavres enterrés par de minables scores dans leurs fiefs respectifs aux dernières élections, de carcasses auxquelles il ne reste qu’une notoriété à vendre… » a-t-il asséné. Le journaliste a renchéri, notant que « ce parti autoproclamé « antisystème » s’est transformé, en un temps record, en un dépotoir géant des « pires » produits du système. Profitards, profiteurs, survivants envers et contre toutes les alternances (…) À la mesure de son gros retentissement, la migration d’Adji Mbergane Kanouté marque bruyamment la perte d’âme de Pastef, huit mois seulement après son arrivée au pouvoir. » Pour Yérim, ce parti (Ndlr : le Pastef), dans lequel des millions de Sénégalais avaient vu un instrument de modernisation de la société politique, se révèle être une vulgaire escroquerie politique, encore plus enclin aux mauvaises pratiques que les partis traditionnels.
Ibrahima Bakhoum : « C’est à la fois inquiétant, préoccupant et désolant »
L’analyste politique et journaliste Ibrahima Bakhoum a donné son avis sur la question de la transhumance. Réagissant sur la 7tv, ce dernier a indiqué que cette approche est pour lui « inquiétante », préoccupante et désolante car pensant qu’il y’avait une fidélité de certaines personnes mais en le disant aussi, nous sommes obligés d’être réalistes. Des gens vivent de politique dans ce pays et c’est la première entreprise politique avec les moyens d’exister socialement, et plus ou moins économiquement », a-t-il dit. Sur le cas Adji Mbergane Kanouté, le Pr Bakhoum a estimé qu’on comprend parfaitement le pourquoi et qu’elle n’est pas la première sur la liste. « Ils sont nombreux ces politiciens à l’avoir fait dans un contexte de campagne à la veille d’un scrutin. » Une réalité sénégalaise qui montre que la politique fait vivre et qui promeut aussi. Loin de lui l’idée de justifier l’acte, mais dira que « ce qui est dommage pour la démocratie c’est on ne sait pas pour qui on va voter ce qu’il fera de votre vote demain. Mais je dis que les gens ne doivent pas se faire d’illusion. Ceux qui viennent vers vous ne vous apporteront rien car ils étaient juste éclairés par le phare de leur mentor et cette luminosité va s’éteindre. C’est la métaphore dans le rapport entre l’exécutif et les autres », a ajouté Ibrahima Bakhoum.
Transhumer comporte bien des risques du fait que des gens qui ont lutté attendent d’être servi, on finit par perdre sa crédibilité. « Ousmane Sonko l’avait rappelé en demandant aux autres de rester là où ils sont. Déjà il l’accepte mais l’encourage. Ce qui est pire. C’est Sonko qui parlait de qualité. Mais tout est remis en cause car ce que vous vendez est devenu illusoire », a martelé I. Bakhoum.
Madiambal Diagne : « C’est un exemple d’un régime qui panique »
Investi sur la liste de la coalition « Jam ak Njarin », Madiambal Diagne a dénoncé les transhumances. Ce dernier parle « d’opérations de débauchage tous azimuts » à coups de menaces ou de promesses. « Ces leaders-là qui rejoignent son camp avec armes et bagages ne garantissent pas que les électeurs les suivront. C’est juste un régime qui panique. »
Thierno Alassane Sall : « c’est la grande battue des pilleurs de la république »
La tête de liste nationale de la coalition Sénégal Kese avait lui aussi dénoncé le stratagème mis en place par Ousmane Sonko pour récupérer les chefs de famille de l’Alliance pour la République (APR). Selon Thierno Alassane Sall, d’abord, le leader de Pastef a annoncé une grande battue des pilleurs de la République. « Sonko avait interdit de sortie du territoire presque tous ceux qui parmi le gotha Benno se présentent aux frontières. Il y a une liste rouge, en laissant le doute ronger les plus frileux. Et voici que se déclenche soudain une transhumance massive de politiciens pressés par la peur de la prison », a-t-il asséné. Et ce dernier de poursuivre : « Les moins courageux prennent la carte du Pastef sans condition. Les revirements les plus improbables se produisent au grand jour. Les « démons » deviennent des « anges » dès qu’ils passent des herbes mortes marron-beige aux prairies vertes du Pastef », a dénoncé M. Sall.
MOMAR CISSE