En rencontrant l’ancien président Henri Konan Bédié et en critiquant à demi-mot le chef de l’Etat Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo revient petit à petit dans le jeu politique moins d’un mois après son grand retour en Côte d’Ivoire.
« Assumons de faire de la politique ! », a lancé Laurent Gbagbo le week-end dernier lors d’une visite à Henri Konan Bédié à Daoukro (centre). A 76 ans, si le pas de Laurent Gbagbo est devenu plus lent, son discours reste affûté, surtout lorsqu’il s’agit d’envoyer des flèches au pouvoir en place. « Si on ne veut pas que le pays brûle, on doit respecter ce qui est écrit. Respectez les textes, respectez les êtres humains ! », a-t-il martelé, en référence à la réélection d’Alassane Ouattara en octobre 2020 pour un troisième mandat que l’opposition juge inconstitutionnel.
Forte en symbole, sa rencontre avec Henri Konan Bédié est celle de deux anciens présidents longtemps rivaux et aujourd’hui manifestement prêts à s’entendre. « C’est une visite importante de l’un des trois protagonistes de la crise politique de 2010-2011 au domicile d’un autre, dans son fief », souligne Rinaldo Depagne, analyste à l’International Crisis Group (ICG).« Cela montre que Gbagbo a intégré le principe de réconciliation en allant voir un de ses anciens frères ennemis dans son territoire », ajoute-t-il.
Ce rapprochement s’est noué au fil de ces dernières années, notamment lorsque le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Henri Konan Bédié a quitté la coalition au pouvoir en 2018. Il avait ensuite rendu visite à Laurent Gbagbo fin juillet 2019 à Bruxelles, où ce dernier résidait en liberté conditionnelle en attendant la confirmation de son acquittement devant la Cour pénale internationale (CPI).Laurent Gbagbo y était poursuivi pour crimes contre l’humanité au cours des violences post-électorales de 2010-2011, nées de son refus de reconnaître sa défaite à la présidentielle face à Alassane Ouattara.
Les deux anciens présidents réussiront-ils à imposer leur agenda de réconciliation à Alassane Ouattara ?Lundi, la réponse du parti au pouvoir à ce sujet a été cinglante. Et la perspective d’une rencontre entre les trois principaux acteurs politiques de la Côte d’Ivoire ne semble pas au programme dans l’immédiat. « Nous n’accepterons pas qu’on nous impose un nouvel ordre politique. Nous n’avons pas besoin d’un dialogue national », a assuré Adama Bictogo, n°2 du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), dénonçant « une alliance de dupes (…) qui n’ira pas loin ».