Depuis quatre mois, le visage de Mahsa Amini, morte le 16 septembre en détention, porte la révolte de milliers d’Iraniens. Si les cortèges semblent s’étioler face à une répression de plus en plus forte, la colère des protestataires, elle, ne faiblit pas. En visite à Téhéran, Mahsa Amini, une jeune Kurde iranienne âgée de 22 ans, meurt en garde à vue, trois jours après son arrestation par la police des mœurs iranienne pour avoir porté une « tenue inappropriée ». Selon la police, la jeune femme a été « prise subitement d’un problème cardiaque ». L’ONG Amnesty International exhorte à traduire en justice les responsables de son décès jugé « suspect ». Des militants assurent qu’elle a reçu un coup mortel à la tête. La police assure, elle, qu’il n’y a « pas eu de contact physique » avec la jeune femme. La télévision d’État diffuse des extraits d’une vidéo filmée au commissariat pour appuyer cette version.
Les manifestations se multiplient dans tout le pays. D’abord à Saqqez, au Kurdistan iranien, d’où est originaire Mahsa Amini, puis à Téhéran et dans une trentaine de villes. Des femmes brûlent leur voile en public, des affrontements ont lieu avec les forces de l’ordre, faisant plusieurs morts et entraînant de nombreuses arrestations.
De nombreuses personnalités en Iran et à l’étranger commencent à exprimer leur colère sur les réseaux sociaux. En réaction, les autorités bloquent l’accès à Instagram et à WhatsApp, applications très utilisées en Iran, et accusent les États-Unis et les ennemis de l’Iran de fomenter des troubles dans le pays. Mais les manifestants iraniens font preuve d’une audace nouvelle, comme en témoignent de nombreuses vidéos analysées par l’équipe des Observateurs de France 24. Washington annonce des sanctions économiques visant la police des mœurs et plusieurs responsables de la sécurité. Les manifestations se poursuivent à un rythme quotidien. Pour Bahar Makooi, journaliste à France 24, « la répression de la police des mœurs s’est accrue avec l’arrivée au pouvoir de l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi. Acculée par la crise économique, la population iranienne, prise en étau, exprime sa colère dans la rue. »
À l’appel des autorités, des milliers de personnes défilent le 23 septembre pour défendre le port du voile. À la télévision, le président Ebrahim Raïssi appelle les forces de l’ordre à agir « fermement » contre les manifestants et le chef du pouvoir judiciaire menace de ne faire preuve d' »aucune indulgence ». « Comme en 2009, face au ‘mouvement vert’ contre la fraude électorale, ou lors des gigantesques manifestations antigouvernementales de 2017 et de 2019 (…), le pouvoir iranien semble déterminé à tuer dans l’œuf toute contestation qui le remet en question », écrit Marc Daou, journaliste à France 24.
Le 26, les autorités indiquent avoir interpellé plus de 1 200 personnes qualifiées d' »émeutières », dont des militants, des avocats et des journalistes, d’après des ONG. Les autorités annoncent l’arrestation de plusieurs étrangers en lien selon elles avec la contestation. Le 27, ce sont les joueurs de l’équipe nationale de football qui manifestent leur solidarité avec les victimes des manifestations. Le 28, la famille de Mahsa Amini porte plainte contre les « auteurs de son arrestation ». La province du Kurdistan, dont la famille est originaire, se retrouve plus que jamais sous pression.