Le clivage entre les sexes s’annonce comme l’un des grands marqueurs de l’élection présidentielle américaine 2024 : si Donald Trump détient un avantage significatif auprès de l’électorat masculin, Kamala Harris dispose d’une avance comparable auprès des femmes. Et les enjeux en matière de droits des femmes n’ont jamais été aussi importants.
Les images ont commencé à se répandre sur les réseaux sociaux fin septembre. Des post-it encourageant les électrices à voter pour la candidate démocrate Kamala Harris ont été retrouvés collés dans des toilettes, des boîtes de tampons et des paquets de couches. Chaque message varie légèrement, mais la plupart commencent par un appel « de femme à femme ». « Personne ne voit votre vote dans l’isoloir », peut-on lire, et à la fin : « Harris/Walz 2024 ».
Personne ne sait qui est à l’origine de cette campagne virale, mais les post-it ciblent les femmes des régions républicaines des États-Unis, dans les États dits « rouges ». Il s’agit d’un ultime effort pour toucher les électrices de droite qui craignent les représailles de leur mari si elles choisissent de ne pas voter pour le candidat républicain, Donald Trump.
Les sondages se succèdent et révèlent un fossé béant entre les hommes et les femmes pour l’élection présidentielle américaine de 2024. Si le fait que les femmes soutiennent davantage les démocrates que les républicains n’est pas un phénomène nouveau, l’écart entre les sexes s’est creusé au cours des dernières décennies, en particulier chez les jeunes électeurs.
À quelques jours du scrutin et alors que la course est extrêmement serrée, cette discrète campagne pourrait suffire à faire basculer l’élection.
Les sondages réalisés par l’université Quinnipiac tout au long du mois d’octobre dans cinq des États clés ont montré que Kamala Harris avait une avance significative chez les électrices, tandis que Donald Trump bénéficiait du même avantage auprès des électeurs masculins. « Le vote des femmes sera décisif lors de cette élection », a estimé Katherine Tate, professeure de sciences politiques, dans une récente analyse publiée par l’université Brown, où elle enseigne. « Si Kamala Harris gagne, ce sera parce que les femmes l’auront élue », a-t-elle ajouté.
La question de la participation se pose également. Selon le Center for American Women and Politics, les femmes se sont inscrites sur les listes et ont voté en plus grand nombre que les hommes lors de toutes les élections présidentielles depuis 1980. Selon Politico et les données du United States Election Project de l’université de Floride, il existe à ce jour un écart de 10 points entre les hommes et les femmes dans le vote anticipé au Michigan, en Pennsylvanie, en Caroline du Nord et en Géorgie. Et cela vaut pour l’ensemble du spectre politique : les femmes républicaines votent également de manière anticipée.
Le camp Harris s’est montré optimiste sur le vote anticipé et s’efforce de profiter des derniers jours de la campagne pour convaincre les électrices modérées de la classe moyenne ainsi que les femmes blanches non diplômées. Avec l’espoir, semble-t-il, que ces femmes se rendent massivement aux urnes, comme elles l’ont fait lors des élections de mi-mandat en 2022.
« Il y a deux types d’écarts entre les sexes. L’un est lié aux préférences présidentielles, les femmes étant plus susceptibles de soutenir le ticket démocrate et les hommes plus susceptibles de soutenir le ticket républicain. Mais il y a aussi un énorme écart depuis une vingtaine d’années, les femmes se rendant plus régulièrement et plus nombreuses aux urnes », estime Susanne Schwarz, professeure de sciences politiques au Swarthmore College, en Pennsylvanie.
Un fossé de plus en plus profond entre les jeunes électeurs
Le fossé qui sépare les hommes et les femmes sur le plan politique aux États-Unis est particulièrement marqué chez les jeunes électeurs. Une tendance surprenante, étant donné que la majorité des jeunes ont voté pour Joe Biden lors de l’élection précédente, et ce quel que soit leur genre.
Dans un sondage ABC/Ipsos publié le 27 octobre, 66 % des femmes âgées de 18 à 39 ans ont déclaré qu’elles voteraient probablement pour Kamala Harris, contre seulement 32 % pour Donald Trump. En revanche, seuls 46 % des hommes de la même tranche d’âge prévoyaient de voter pour Harris, et 51 % pour Donald Trump.
Les rôles de genre et la masculinité bousculés
En vue de l’élection du 5 novembre, Donald Trump s’est posé en fervent protecteur des femmes. « Je suis votre guerrier. Je suis votre justice », a-t-il déclaré lors du CPAC, le rassemblement annuel des conservateurs. Fin septembre dans l’Indiana, il a déclaré aux femmes : « je serai votre protecteur », ajoutant qu’elles seront « heureuses, en bonne santé, confiantes et libres » et que, par conséquent, elles « ne penseront plus à l’avortement ».
De son côté, Kamala Harris évoque dans sa campagne une toute autre forme de masculinité. À l’opposé d’un protecteur hypermasculin, Tim Walz, le candidat à la vice-présidence, incarne l’image d’un père américain gentil et attentionné. « Il y a un nouveau type de personnage masculin qui est mis en avant », note Ellen Kountz. « Kamala est entourée d’hommes forts, mais pas d’hommes machos. Comme Tim Waltz. C’est un homme qui pratique la chasse, mais il est aussi le numéro 2 d’une femme », a-t-elle ajouté.