Ancien conseiller spécial de Macky Sall et ancien Sg du Saems a passé en revue les difficultés qui minent l’école sénégalaise. Saourou Sène a invité le nouveau régime à ne pas politiser l’école au regard de sa « sacralité ». Il n’a pas manqué de marquer sa désolation concernant le débat relatif au port du voile en milieu scolaire.
Connu pour ses prises de décisions, Saourou Sène s’est penché sur le fait que la rentrée des classes soit axée sur les journée « Set Setal ». « Ce sont des slogans et puis on oublie. Il faut embellir le cadre avant que les élèves ne viennent intégrer l’école ou les salles de classe. Les moyens sont politisés surtout pour les maires. C’est un travail pour les gouvernants mais aussi il faut aller de l’avant. »
Concernant la rentrée des classes qui coïncide avec l’hivernage, l’invité dit avoir fait le constat avant d’inviter les autorités à mettre sur pied un planning au niveau communal en identifiant les écoles inondées et à construire d’autres écoles pour aider les élèves. » S’agissant du budget alloué à l’éducation, il dit ne pas faire dans la spéculation mais dans la constance « bien qu’un promoteur d’école privée (Ndlr : le ministre de l’éducation) n’est pas forcément quelqu’un de rompu à la tâche. L’école c’est un tout. J’ai vu une note qui réactualise le championnat scolaire. C’est magnifique. Mais l’autre chose c’est la sortie du Ministre sur la réforme du bac. Mais il faut en discuter et ne pas les décréter et voir la meilleure formule pour un résultat important », fait-il savoir. Il a aussi dénoncé l’absence des acteurs au conseil interministériel sur la question.
« Comment faire pour avoir un budget régulier relatif à un recrutement des enseignants. Ce qui va régler le déficit criard d’enseignants car il est fondamental. Et ce qui est important c’est aussi le volume horaire et le nombre d’élèves pléthoriques avec un taux élevé d’échecs. Selon les tenants du pouvoir, l’ancien régime semble avoir une responsabilité dans cette situation. Selon l’invité, il est heureux de rappeler que des questions jadis réglées ne sont plus d’actualité même s’il existe une promesse du régime en place. C’est valable en ce qui concerne la situation du régime indemnitaire. « Sur la formation, nous avons insisté pour faire fonctionner le Fastef en prenant les enseignants du pays. Nous avions crié sur le retard de paiement des corps émergents. Sur les abris provisoires, près de 8000 avaient été trouvés. Mais là on n’en dénombre que 2000. On attend que le régime fasse des efforts aussi », a revendiqué Saourou Sène.
Des besoins qui existent toujours avec plus de 48 mille salles de classe avec un accès à l’eau et à l’électricité. A la question de savoir ce qu’il faut faire à ce niveau, Saourou Sène a indiqué qu’il faut que l’Etat se dise que l’école est son domaine et d’en faire une question de souveraineté. « Tant que les bailleurs financent l’école, ils nous indiquent les programmes qu’ils veulent qu’on applique. Or, leur programme n’est pas forcément le nôtre car étant basé sur des valeurs », a argué S. Sene. Et de poursuivre : « savoir que tous les investissements sont consentis par le gouvernement. Sur la formation des cadres nous sommes dans un monde où l’établissement a besoin d’un mécénat pour le financement de l’école. Il s’agit d’aider l’école mais de contribuer avec l’Etat du Sénégal. »
L’atteinte des ODD : M. Sène brandit les bons chiffres
Sur la question des ODD, l’ancien Sg du Saems a laissé entendre qu’au Sénégal, nous avons des problèmes avec les chiffres qu’on donne. « Avec l’ODD 4, le Sénégal a progressé avec l’ancien régime. Par endroit, tous les acteurs, même pour les partenaires du Sénégal dans ce domaine, savaient qu’il y avait des avancées avec les nouveaux chiffres, mais il y a des problèmes. Qu’est-ce qu’on cherche en masquant les bons chiffres ? Il faut la culture de la vérité et le courage de le dire », s’est-il défendu. Ce qui implique ainsi la dégradation de la note du Sénégal, c’est la déclaration du Premier ministre Ousmane Sonko, faite le 26 septembre dernier. A l’en croire, ce qui est présenté ne présage rien de bon. « C’est ce qui implique d’ailleurs une vague de départs avec des jeunes qui ont pris les pirogues. Quand celui qui draine l’espoir nous plonge au sous-sol, c’est le désespoir. On ne peut pas s’éterniser sur Macky. Le bilan de Macky est tiré mais il faut tourner la page. Il faut montrer au sénégalais le pourquoi ils ont choisi une nouvelle équipe » a-t-il regretté. Ce qu’il qualifié de « bavardage politique », pour taquiner le nouveau régime.
Cette année, des acteurs de l’éducation ont émis le souhait de travailler pour une année « zéro perturbation » malgré les élections législatives qui auront lieu en novembre prochain. Ce dernier a invité le régime à entamer l’agenda du monitoring des accords pour avoir une idée de ce qui a été fait et ce qui ne l’est pas encore. Sans oublier de définir un agenda de discussions avec le ministre de l’Education. « Seul le dialogue peut être une solution. Il faut penser à d’autres axes de partenariat. L’actuel Pm Ousmane Sonko avait considéré que les enseignants étaient mal payés et donc, il connaît les difficultés actuelles. Il faut la stabilité dans cette école et la mettre dans une parabole de sécurité », a avancé l’ancien conseiller spécial du Président Macky Sall.
Avec la réforme du curricula, l’introduction de l’anglais dans l’élémentaire, des langues nationales entre autres, l’ancien syndicaliste parle de « redites ». Il a souligné que ce qui est important c’est de savoir qu’on a été à une telle étape puis à une autre. « Il faut identifier ce qui mérite d’être amélioré. Il faut des éléments et que les acteurs soient au même pied et avoir de bon résultats. On parle de Conseil supérieur de l’éducation et de la formation, mais ce qui est sûr c’est que la tutelle a des cadres qui analysent tout pour avoir de bons résultats. Il y a le Paquet aussi. Mais on a qu’à montrer les insuffisances. Mais quand on enlève tout et on met le « Projet », alors, », a regretté l’invité.
Refusant la politisation de l’école, il se dit fidèle à lui-même. Car l’école doit être mise en dehors du champ politicien. Elle doit, ainsi, garder sa sérénité et suivre sa voie. Il en appelle au soutien des autorités certes mais refuse qu’elle soit utilisé pour un quelconque combat avec des acteurs politiques pour faire quitter un régime.
Parlant de l’élégance politique avec des mouvements d’élèves et d’étudiants et des enseignants en rapport avec le contexte politique, ce dernier a argué que quelle que soit son appartenance politique, il faut se garder de l’afficher. Il se désole du fait que cette génération ne puisse pas faire la distinction entre la politique et l’école. « A l’époque, Saourou Sène, Sg du Sames, personne ne pouvait le situer par rapport à son appartenance politique. J’ai assuré mes deux mandats en restant républicain. Pour les jeunes générations, il faut une prise de conscience. En classe, personne ne pourra me situer car ce n’était pas le lieu. Les camarades étaient formés sur des questions de développement personnel, idéologique et l’école était au service de la République. Quand on parle du Pastef ou de l’Apr, c’est comme quand on invite les élèves à une marche. C’est un problème », a dénoncé notre interlocuteur. Il a invité les dirigeants à ne pas politiser l’école et de l’extraire du champ politicien.
Concept nation-armée : « Prôner le civisme et la citoyenneté »
Les LYNAQE (Lycée Nation-armée pour la qualité et l’équité) étaient dénommés des LYNEQ (Lycée d’intégration nationale pour l’équité et la qualité). Un programme initié par Macky Sall qui découle, selon Saourou Sene, de ses réflexions relatives au Pse. Il avait estimé que la qualité ne devait pas être recherchée seulement à Dakar ou à Thiès mais partout au Sénégal. En guise d’exemple avec le Lynaqe de Sédhiou dit-il « les régions ont reçu leur valeur. J’ai visité ce modèle. Mais ce régime a changé en mettant l’armée oubliant que si les militaires savent dispenser le civisme, les enseignants aussi savent mieux le faire. L’éducation civique, l’instruction civique et la morale. La société est à un niveau où l’enfant est exposé à beaucoup de choses. Les parents ont un rôle à jouer et l’école aussi mais en innovant et en faisant des terminologies et vouloir amener l’armée à l’école, bonjour les difficultés. »
Selon ce dernier, chez les militaires on applique les directives du chef mais à l’école tout se discute entre acteurs. « Mais passant de Lyneq à Lynaq, c’est cela de la politique politicienne. On innove mais le contenu reste le même. L’école est sérieuse. (…). Il faut aider nos enfants. Si on amène des élèves de classe de seconde en formation militaire avant octobre on aura d’autres modèles de citoyen avec cette formation militaire avec un certificat de bonne conduite. C’est ça le fait de conscientiser les élèves sur le civisme. Il y aura la fierté d’avoir reçu la formation et d’avoir décroché son Bfem », a-t-il argumenté.
La question du voile : « Une polémique dangereuse »
L’invité a également abordé la question du voile à l’école. « Une polémique dangereuse », selon Saourou Sène qui en veut pour preuve : « l’école qui a existé depuis l’indépendance n’a jamais eu de difficultés majeures, comme celle que pose Sonko ». « Je continue à croire qu’il faut un résistant des convictions religieuses mais, il risque de créer un problème. Pourquoi ne pas amener ma fille ailleurs si les choses qu’ils mettent en avant dont des convictions religieuses d’une école ne me conviennent pas ? Vice versa. La Constitution est la charte fondamentale du pays. Qu’est-ce qu’on gagne en mettant sur la place publique ce débat qui n’a jamais existé. », s’est-il demandé. Il a rappelé qu’il faut penser à l’esprit du vivre ensemble avant d’affirmer que « c’est un débat inopportun, impertinent et risque de nous mettre en mal les uns des autres. »
Le ministre de l’Education nationale avait publié un arrêté, notant que « les établissements scolaires doivent désormais garantir un environnement propice à l’apprentissage tout en respectant les convictions religieuses des élèves. » Il est stipulé que « le port de signes religieux, y compris le voile ou la croix, est permis à condition qu’il n’entrave pas l’identification claire des élèves, notamment lors des cours ou des activités pédagogiques. » Saourou Sène, lui, a souligné que depuis des années, cette question n’a jamais été débattue. Mais en dialoguant avec le Clergé et les acteurs, il faut réfléchir en sourdine et discuter. De ce fait, chacun va donner son point de vue et afin de trouver la meilleure formule. « L’école est sacrée et il faut un consensus national. Il ne faut pas politiser cette école. On gagnerait à conserver notre exception qu’est le fait de rester un exemple », dit M. Sène.
MOMAR CISSE