Le débat entre Barthélémy Dias et le président de la République fait rage. Selon Theodore Chérif Monteil, le Coordonnateur de l’Alternative citoyenne « Disso » et Directeur de campagne de la coalition « Aar Sénégal », Macky Sall devait survoler cette question et ne pas tomber dans un piège. Celui-ci a dénoncé les 3 millions de parrains qu’aurait collectés la majorité. Il était l’invité du Grand oral sur Rewmi FM.
Vous avez rejoint la coalition « Aar Sénégal » en direction des Législatives. Où en êtes-vous avec la collecte de parrains ?
Une question pour faire l’historique de cette coalition. Car après être sorti de « Buntu bi », nous avons discuté avec des mouvements citoyens pour mettre Alternative citoyenne « Disso », étant donné qu’il y avait une certaine verticalité dans les partis. Des décisions qui viennent du haut vers le bas. Alors, il faut éviter ce syndrome du numéro 2, c’est pourquoi nous avons voulu une horizontalité dans la prise de décision. On a voulu proposer autre chose avec le « Disso », dont le dialogue. Nous avons été approchés par beaucoup d’organisations, du pouvoir comme de l’opposition, pour aller ensemble aux vers les Législatives. On a préféré se concentrer sur les parrainages. Au bout d’un certain temps, on s’est rendu compte de notre force et c’est là que nous avons décidé de nous ouvrir et il s’est trouvé que sur certains points organisationnels, on n’était pas d’accord. Mais il faut comprendre que nous étions en discussion. Puis nous avons été rappelés pour établir le dialogue. Au début, d’aucuns disaient que cela est impossible. Aujourd’hui, nous avons collecté des signatures. Et depuis, nous avons pris part au tirage des passages pour le dépôt et nous le ferons avec beaucoup de certitudes.
Ne craignez-vous pas de renforcer la coalition au pouvoir ?
Vous savez, on a tendance à dire « Tout sauf. » L’objectif n’est pas de défaire ni d’avoir des adversaires politiques. C’est vrai dans le combat politique, on a des divergences d’idées. Ce qui est important, c’est l’offre politique. On nous parle de division de l’opposition, alors qu’il n’y a jamais eu d’unités de l’opposition dans aucun pays du monde. Il se peut que des esprits puissent penser que cela peut favoriser le régime en place. Mais en 2000, il y a eu des offres politiques et le régime en place est parti. Tel peut être le cas en 2024.
Qu’est-ce que « AAR Sénégal » peut avoir comme offre politique ?
On travaille sur le long terme. Notre stratégie, c’est construire cette coalition en perspective de la Présidentielle de 2024. Ce que l’on propose c’est une alternative pour une assemblée de rupture. On veut arriver à une assemblée où le niveau du débat prend de l’envol. Pour cette législature, le niveau est très bas. Il faut des députés pour le peuple. C’est-à-dire légiférer et voter des lois favorables aux populations, mais qui contrôlent l’action de l’exécutif. Aujourd’hui, on voit des politiques publiques qui ne sont pas en adéquation avec les attentes du peuple. Nous pensons qu’il y a quatre domaines où il faut apporter des réformes. Le premier domaine, c’est l’école. Quand je dis l’école, il faut que les gens fassent cette dichotomie entre l’école française et les daaras. Pour moi, c’est le lieu de la structuration de la pensée. Elle commence à la maison, puis au daara et aboutit dans la rue. Nous voulons construire un autre type de Sénégalais dans les années qui viennent. En Asie, les gens ont réussi. Il faut se pencher sur le foncier qui est une bombe malgré les conseils de la Commission. Le troisième domaine c’est notre administration qui ne répond pas au service des usagers. Il faut une réforme. Regardez les élections au Sénégal. Seule notre administration demande aux usagers des documents qu’elle délivre. On vous demande d’apporter pour ces élections un casier judiciaire, une carte d’identité. Il faut une digitalisation. Il faut des propositions pour faire avancer le Sénégal.
Si vous deviez évaluer cette législature, quelle serait votre note ?
En termes de propositions, elle a été très faible et je dirais qu’il n’y a eu que trois propositions de loi venant d’un seul député, Alioune Souaré. C’est un grand parlementaire qui fait son travail. D’abord, dans les propositions de lois il y a de la passivité, l’Assemblée n’est pas assez outillée pour aller en profondeur dans certains sujets. Le député est laissé à lui-même et il a son salaire, son carburant et ne peut pas payer des experts. On lui demande de parler de tout et sans les moyens de lui donner les outils de son travail. Les gens essaient mais ce n’est pas que les propositions de lois. Il y a l’articulation entre l’exécutif et l’assemblée nationale. Il n’y pas assez de questions orales et de questions écrites. Il est temps de renouveler le comportement des députés à l’assemblée et ne pas être une caisse d’enregistreur. Il faut une proactivité des députés et ne pas subir le diktat de l’exécutif.
Le profil du député est aussi un souci. Cela ne rabaisse-t-il pas le débat ?
Je pense que le profil n’est pas important car l’assemblée est à l’image du pays. Quand on regarde la configuration, il y a tous les secteurs. Des gens éduqués et pas éduqués. Il y en a qui sont très pertinents dans l’analyse. C’est le cas de feu Diassé Ka aussi. C’est une histoire d’engagement et de plus en plus de citoyens se sacrifient pour le pays. Faire de la politique ce n’est pas de la sinécure. Vous avez vu des journalistes qui sont dans le landerneau politique. Car ils pensent pouvoir apporter quelque chose.
Pour le parrainage, ne craignez-vous pas le syndrome des doublons ?
J’ai toujours dit que c’est un système que je ne comprends pas. Tel qu’il est fait n’existe nulle part. On demande à des organisations d’aller trouver près de 55 mille signatures. Alors le parrainage, c’est l’arme des partis politiques contre les candidatures indépendantes car en 2017 il y avait de plus en plus de gens qui ne sont pas des politiques qui ont été bloqués. Cela se retourne contre nous. Quand on collecte 3 millions de signatures, c’est 3 millions de données que vous détenez et c’est excessif. Le contrôle est mal maîtrisé. C’est une boite noire. C’est de la mascarade car personne ne peut surveiller ce qui se passe.
Il y a eu le projet d’augmentation de députés. Que vous inspire ce débat ?
Il faut que l’on comprenne ce qui a motivé la loi. Le ministre a dit qu’il y a eu entre 2017 et aujourd’hui, une augmentation du nombre de départements. Nous sommes 165, il faut un député de plus pour Keur Massar. A chaque fois qu’un département dépasse 170 mille habitants, il faut deux députés. Entre 2017 et aujourd’hui, le nombre de départements a augmenté et il faut les doter de deux députés. Après calcul, ils avaient besoin de 7 députés. On a échangé et la loi a été adoptée en commission. En plénière, un membre de l’opposition a dit qu’il est contre et la majorité a introduit un amendement qui semblait être écrit la veille. Une mise en scène car ce qu’ils voulaient, c’est augmenter le nombre dans le plus fort reste et engendrer les 97 et avoir une majorité écrasante. Ce n’est pas élégant. La proportionnelle est un exemple car le Sénégal a le meilleur mixte pour qu’une majorité gouverne et que la minorité puisse s’exprimer. La liste proportionnelle est le seul garant. J’ai eu 18 mille voix et j’ai une voix audible.
Il y a une polémique entre Macky et Barth qui risque une révocation. Est-ce le fait de ne pas digérer la défaite de Dakar ?
Macky est tombé dans un piège de communication. Aujourd’hui, les gens n’entendent que sa réponse et pas la question. Quand il y a une réponse, il y a une question et c’est un syndicaliste qui a posé cette question. Il est obligé de répondre et il aurait pu brosser le sujet et laisser ses lieutenants répondre. Ce n’est pas à lui d’être dans des histoires de maire, pour la forme. Pour le fond, je pense que la libre administration des collectivités territoriales est actée depuis 2011 avec la fonction publique locale. Il faut éviter de politiser le débat. Les élections locales sont terminées et Dias est le maire. On félicite Barthélémy car sa réussite dans sa mission est le bonheur des Dakarois.
Macky est en train de recruter des maires. Quel est le sens de cette pratique ?
Cela a toujours existé dans ce pays. Des gens qui se font élire dans une autre bannière et qui rejoignent d’autres prairies, moi-même, j’ai été victime de cela. Des gens qui pensent ainsi, peuvent le faire, mais cela va les suivre toute leur vie. La politique avec des calculs va changer, car les gens sont conscients des enjeux. Des gens ont voté une offre qui les intéresse. Le maire qui part pour la majorité sera seul et c’est illusoire de penser affaiblir une coalition.
Le poste de Pm est invisible. Sommes-nous en porte à faux avec la loi ?
Le Président est très fort et il nous a tous endormis. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent qu’il peut attendre la fin des législatives. La loi c’est la loi et elle a été votée en procédure d’urgence. Ce qui se passe ne doit pas motiver cette attitude. Il faut respecter l’Etat et donner le bon exemple. Quand il est créé, le gouvernement doit être responsable. En ne nommant pas le Pm, nous sommes dans l’illégalité.
157 milliards aux ménages et des subventions. Sont-ils des solutions face à la pauvreté ?
C’est la perfusion justement mais pas une solution. Il faut créer de la richesse et maîtriser nos filières. C’est la plus grande leçon de la crise et il y aura des cloisons entre les filières et les pays. Le prix du blé flambe. Il existe des filières maîtrisables, dont l’anacarde, la patate douce. La filière agricole, c’est la source de développement. Il faut recentrer nos priorités.