Juin 2022 et Juin 2023 ! Voilà 12 mois après la première visite du président de la République du Sénégal Macky SALL à Sotchi. Avant-hier encore, il a effectué sa seconde visite en Russie. Cette fois-ci, il y est en compagnie de son successeur à la tête de l’Union Africaine, le Président de l’Union africaine, Président des Comores Azali Asoumani, du Président de l’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa, du président de la Zambie Hakainde Hichilema, du Premier ministre égyptien Mustapha Madbouly, du ministre d’État, directeur de cabinet du président du Congo Florent Ntsiba et de l’envoyé spécial du président Ouganda en mission spéciale de Ruhakan Rugund.
Devant le président de la République de Russie Vladimir Poutine, le président sénégalais a tenu un discours au cours duquel, il a remercié d’abord les autorités russes. «Je dois témoigner que vous avez toujours été attentif et à l’écoute de l’Afrique à chaque fois que nous évoquons nos préoccupations » a-t-il déclaré à l’égard du président russe.
A en croire le président sénégalais, «cela illustre les bonnes relations russo-africaines qui ont pris un nouvel élan avec le 1er sommet Afrique/Russie ; élan qui va certainement se consolider à l’occasion du 2ème sommet prévu ici à Saint-Pétersbourg en juillet ». Il faut dire que les occidentaux suivent de très près le dossier du 2e sommet Afrique/Russie. Car, dans un contexte de guerre en Ukraine, l’objectif des autorités françaises c’est de planifier un échec de cette rencontre. Ainsi, des pays francophones subiraient de la pression de la part de Paris pour boycotter ce prochain sommet. Mais, le président Macky SALL semble décidé à répondre à l’invitation du président Poutine à l’occasion de ce prochain sommet. Le président SALL manifeste toute son indépendance vis-à-vis de la France qui, depuis quelques temps, ne joue plus franc-jeu avec le pouvoir au Sénégal. Ce que le président SALL semble avoir bien compris. D’ailleurs, c’est devant tous les média européens et russes qu’il a remercié le président russe. Il dit : «Je saisis l’occasion pour vous réitérer mes remerciements pour nous avoir reçus de façon conviviale le 3 juin 2022, à Sotchi lorsque j’étais venu, en ma qualité de Président de l’Union africaine vous transmettre le message de paix et de désescalade et notre préoccupation sur le blocage des céréales et fertilisants en Russie et en Ukraine ».
Le voyage du 03 Juin 2022, du président Macky SALL en Russie avait soulevé beaucoup de bruits dans les milieux diplomatiques entre l’Europe, les Usa et l’Afrique. Le président sénégalais avait reçu beaucoup de pression de la part des européens pour annuler ce voyage à Sotchi. Les occidentaux voulaient isoler Vladimir Poutine sur la scène internationale. Alors le président Macky SALL président de l’UA, tenait à rencontrer le président russe pour débloquer la situation par rapport à la commercialisation de l’engrais russe et ukrainiens vers l’Afrique.
D’ailleurs, le 22 Mai 2022, le chancelier allemand Olaf Scholz avait effectué une visite au Sénégal dans le cadre d’une tournée africaine. «L’un des principaux objectifs de cette visite de Schloz à Dakar, c’était d’empêcher le président SALL d’effectuer sa visite en Russie le 03 Juin 2022» nous a confié une source diplomatique. Pire encore, l’ancien président de l’Union africaine a subi des pressions diplomatiques énormes ainsi que son Ministre des Affaires Etrangères Aissata TALL SALL. Malgré toutes ces manœuvres, le chef de l’Etat sénégalais s’est rendu à Sotchi contre vents et marrées. Ayant compris le sale jeu des occidentaux, Poutine avait reçu le président SALL avec beaucoup d’égards et de hautes considérations.
Cette initiative africaine a également fait beaucoup de vagues à Paris. Car, les français ne souhaitent pas voir, l’un de leurs partenaires clés en Afrique francophone (le Sénégal) tombé, dans les bras de Moscou. Au président Poutine, Macky SALL dit : «Vous aviez écouté attentivement et montré votre disposition à aider au déblocage des stocks. Grâce à vous et aux autres acteurs impliqués dont la Turquie et les Nations Unies, un accord a été trouvé sur les céréales ». Ce repositionnement du président Macky SALL, vis-à-vis de la France rappelle celui d’Alpha CONDE, de Me Abdoulaye WADE, d’Idriss DEBY qui avaient, à un moment donné, pris leur distance par rapport à Paris. Même s’ils ont perdu leur pouvoir par la suite. Ces mots de remerciement à l’égard du Poutine, sonnent comme un acte de reconnaissance à l’égard de ce dernier, qu’il positionne comme la solution pour l’Afrique concernant le déblocage des stocks. Ainsi, il lui dit à nouveau : «Nous revenons vous voir Monsieur le Président dans le cadre d’une nouvelle mission de médiation africaine entre la Russie et l’Ukraine ».
A travers ces propos du président SALL, le président russe y voit la reconnaissance de toute l’Afrique à son égard. «Je voudrais souligner que cette initiative est une mission de bons offices, qui traduit la bonne volonté de l’Afrique, dans cette guerre majeure, d’aider au règlement de questions humanitaires et à l’instauration de conditions propices à l’établissement de la confiance pour favoriser un climat de dialogue entre les parties » a laissé entendre le Chef de l’Etat sénégalais.
Après l’étape Kiev qui «n’excluait pas le dialogue même si elle pose des conditions parmi lesquelles la mise en œuvre de la charte des nations unies », le président sénégalais dit avoir été «convaincu que la Russie, membre fondateur des Nations Unies, et membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU est aussi attaché à la charte ». Tout en demandant que le dialogue se fasse «dans le cadre des principes de la charte des nations unies », le président sénégalais a ajouté que «les efforts dans les aspects humanitaires doivent être renforcés, notamment en faveur de l’échange de prisonniers de guerre, des civils arrêtés ainsi que la libéralisation des enfants ». Comme acte d’ouverture, le président SALL a salué la «libération de prisonniers de guerre ukrainiens, le vendredi 9 juin dernier ». A la fin de son discours, le président sénégalais a envoyé la balle dans les pieds de Vladimir Poutine à qui, il dit : «nous sommes venus vous écouter et vous dire que l’Afrique veut la paix entre la Russie et l’Ukraine ; avec la conviction que cette paix est possible par le dialogue et le compromis ».
Le président russe a été visiblement fortement touché par les mots du président sénégalais mais aussi par l’initiative africaine. Seulement, du côté de Paris, les média français développent des thèses très critiques à l’égard de cette initiative des Chefs d’Etat africains. France24 s’en prend ouvertement au président du Sénégal Macky SALL. Toutefois, il est facile de comprendre la position des média français qui appliquent la ligne de l’Elysée et du Quai d’Orsay. D’abord, la délégation africaine a été dirigée par le Chef de l’Etat de l’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa. Ce pays est membre des BRICS et allié de la Chine tout comme la Russie. Alors, cette délégation africaine est vue par Paris comme un organe du bloc Russie/Chine. Voilà en partie ce qui explique les lignes hostiles des média français surtout France24.
Les médias français s’en prennent au président sénégalais qui semble se démarquer de plus en plus de Paris. Plusieurs choses peuvent l’expliquer. Il y a par exemple, le double jeu de Paris qui officiellement soutient le pouvoir de Macky SALL. Mais dès que la nuit tombe, des éléments de la DGSE prennent le relais en étroite collaboration avec les opposants. Tous les agents français qui apparaissent sous la couverture de fonctionnaire dans le bureau Afrique de l’Elysée, de diplomate, de journalistes (souvent) ou d’opérateurs économiques membres du conseil des investisseurs collaborent avec la DGSE.
Depuis la visite de Macky SALL en Russie, le 03 Juin 2022, ses relations avec Paris semblent se détériorer. Et l’audience qu’il a accordée à Mme Marine LePen qualifiée comme proche de Kremlin et principale opposante d’Emmanuel Macron, a été l’acte de trop. Le président français n’aurait pas bien apprécié les termes de la dédicace faite par le président SALL pour LePen dans son livre : «Le Sénégal à cœur». Certaines sources officieuses soutiennent qu’il a fallu l’intervention du Roi du Maroc pour recoller les morceaux entre Macky SALL et Macron. De toute façon, après l’audience qu’il avait accordée à Lepen, le président sénégalais s’était rendu au Maroc avant d’aller à Paris.
Par ailleurs, les autorités françaises voudraient que le président Macky soutienne l’Algérie dans son bras de fer contre le Maroc. Ce que le président sénégalais n’aurait pas donné suite. En plus, l’influence grandissante de la Turquie au Sénégal, la baisse des parts de marché des entreprises françaises au profit de la Chine, l’ouverture du Sénégal aux Emirats Arabes Unis et à la Russie sont entre autres, autant de dossiers qui frustrent Paris. Ce dernier a ainsi pris la décision d’activer ses média, ses influenceurs et ses services pour affaiblir Macky SALL. Il est alors facile de comprendre pourquoi la justice française n’a pas donné suite aux demandes des autorités sénégalaises de poursuivre les activistes qui appellent à l’insurrection et au coup d’Etat depuis la France contre le Sénégal, malgré les accords de défense renouvelés en 2012 par le président Macky SALL et Nicolas Sarkozy.
Comme en 2012 (contre Me Wade), Paris semble jouer un double jeu contre Macky Sall. Les organisations politiques sénégalaises sont infiltrées par les services français. Des agents de la DGSE sont envoyés à Dakar pour étudier le rapport de force entre Macky SALL et son opposition. Mais aussi pour voir les perspectives par rapport à la présidentielle de 2024.
Après le Mali, la Guinée, le Burkina Faso qui se sont démarqués de Paris. Le Niger, le Tchad et le Sénégal sont les trois pays francophones qui risquent de basculer vers l’axe : Russie/Chine et les BRICS. Car, il semble y avoir une rupture de confiance entre Paris et ces capitales africaines. Et cette approche française qui consiste à collaborer avec le pouvoir, à adouber l’opposition et à amadouer la rébellion dans un même pays, frustre également les dirigeants africains qui apprécient plus la sincérité de Moscou dans ses relations avec l’Afrique.
Mamadou Mouth BANE