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Mame Mbaye Niang-Sonko : les minutes d’un procès houleux

Troisième renvoi du procès opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang. Poursuivi pour diffamation, le maire de Ziguinchor a été extrait de son véhicule et conduit manu militari au tribunal de Dakar par les forces de l’ordre qui lui ont imposé un itinéraire. Une agression qui est restée en travers de la gorge des avocats du célèbre opposant, lesquels ont sollicité et obtenu un troisième renvoi du procès au 30 mars prochain.
Le procès opposant Ousmane Sonko à Mame Mbaye Niang s’est tenu hier, dans une ambiance très tendue. Les différentes parties se sont livrées à une rude confrontation quand l’audience s’est ouverte à 10h dans la salle 3 du palais de justice de Dakar. Le juge était obligé par moments de suspendre l’audience et d’appeler les principaux protagonistes au calme et à la sérénité. Premier à prendre la parole, Me Ousseynou Fall, conseil du leader du parti Pastef, a dénoncé l’agression de son client par les forces de l’ordre au moment où il ralliait le tribunal. « Notre client a été littéralement tabassé et blessé. Les forces de l’ordre voulaient le mettre de force dans le véhicule de la Bip. Notre confrère Me Ciré Clédor a été gazé. Il est hors de question que cette audience se tienne. Si vous tenez cette audience, vous serez complice de forfaiture », a tonné la robe noire s’adressant au président de la séance qui a suspendu l’audience pendant quelques minutes.
Me Khoureychi Bâ : « Mon confrère a été victime d’une tentative d’assassinat »
À la reprise à 10h55 mn, le juge a noté la constitution de Me El Hadji Diouf qui a été engagé par le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Deux avocats de nationalité étrangère se sont également constitués pour le compte d’Ousmane Sonko. Après ces nouvelles constitutions, Me Ciré Clédor Ly qui est apparu très affaibli, a réitéré la demande de renvoi. « La décision qui a été retenue, c’est de plaider le dossier aujourd’hui. Il était convenu comme d’habitude que je devais être au plus tard à 8h au domicile de mon client Ousmane Sonko. Je vous demande de simples constatations matérielles. Examinez les habits de mon client. Si j’enlevais ma robe, vous allez aussi constater des traces. Les forces de l’ordre nous ont empêché de continuer notre chemin. J’ai été gazé directement dans le nez alors que j’étais dans le véhicule de mon client. Depuis, Je n’arrive pas à ouvrir les yeux. C’est moi qui devait ouvrir les débats. Je suis dans l’impossibilité de le faire. Ousmane est aussi dans un état psychologique qui ne le permet pas de répondre à vos questions. Je pense que ma demande sera acceptée. Nous avons encore le droit de plaider le renvoi pour avoir une décision équitable », a fait remarquer Me Ly qui, d’après Me Khoureychi Bâ, a été victime d’une tentative d’assassinat.
Ousmane Sonko : « Les dernières 48h ont été très difficiles… »
Le conseil de nationalité burkinabé a fustigé la bunkérisation du domicile du maire de Ziguinchor. A en croire l’avocat, il a foulé le sol sénégalais avant-hier, mais il n’a pas pu rencontrer son client. Abondant dans le même sens, Ousmane Sonko qui avait les habits tâchés, a déclaré : « Les dernières 48h ont été très difficiles pour moi et ma famille. Mes enfants ont été empêchés de sortir. Il n’y a aucun arrêté ou décision qui justifie la présence de la police aux alentours de mon domicile. Aujourd’hui, j’ai quitté à temps. je l’ai dit et redit, personne ne m’imposera un itinéraire. Je voulais passer sur l’avenue Cheikh Anta Diop. Au nom de quoi la police m’impose un trajet? ». Poursuivant, le leader de la coalition Yewwi Askan Wi a dénoncé l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir. Une remarque qui a fait sortir le juge de ses gonds entraînant une deuxième suspension de l’audience à 11h17mn.
Sonko introuvable avant de…
À son retour à 13h07mn, le magistrat a rejeté la demande de renvoi. Mais, le maire de Ziguinchor a brillé par son absence. Me Bamba Cissé a fait savoir qu’il était en train d’être examiné par un médecin. « Un tribunal n’attend pas. Celui qui doit être jugé, doit être à la disposition du juge. C’est du jamais vu dans l’histoire de la justice. On s’oppose fermement au renvoi », a fulminé Me El Hadji Diouf. À sa suite, le juge qui a campé sur sa position, a mis le dossier de côté pendant quelques minutes. Remonté, Mame Mbaye Niang de soutenir : « Je suis venu ici parce que je crois en cette institution. Tout citoyen qui doit venir au tribunal doit se donner les moyens de venir paisiblement. On m’a tracé mon itinéraire et je viens à l’heure. Depuis quatre mois, on me diffame. Je demande tout simplement au prévenu de produire les preuves de ses allégations ».
La défense brandit un certificat médical
La réplique de Me Ousseynou Fall ne s’est pas fait attendre. Le tonitruant avocat a réitéré qu’il est hors question que l’audience se tienne, car la justice doit être rendue dans un climat de sérénité. En colère, le juge a intimé à l’avocat de quitter la salle d’audience. Le mis en cause et ses confrères de la défense se sont opposés à la décision du magistrat. Il s’en est suivi un énième tohu-bohu. Le juge suspendu à nouveau l’audience. Quand il est revenu à 14h02mn, le substitut du procureur a pris la parole pour s’opposer à la demande de renvoi. De l’avis du Ministère public, Sonko est suffisamment représenté par son pool d’avocats. Mieux, les incidents évoqués par ces derniers, se sont produits en dehors du tribunal. « On veut terroriser le tribunal », a lâché le parquetier. « C’est le parquet qui est terroriste », ont rétorqué à haute voix les avocats de la défense qui ont finalement brandi un certificat médical. Là, Me Ousseynou Ngom a affirmé que Sonko est gravement malade. « Il est asthmatique. Sa voiture a été gazée. Nous avons un certificat médical et le médecin qui l’a établi est là », dit-il. Me Youssoupha Camara a, pour sa part, informé que Me Ciré Clédor Ly a été évacué à l’hôpital. « Une justice doit contribuer à faire régner la paix sociale. Notre confrère a été évacué dans une situation difficile. Son pronostic vital est engagé et vous nous demandez de plaider », se désole Me Henry Gomis.
Me Khoureychi Bâ d’ajouter : « Notre confrère est sous oxygène. C’est la première fois qu’un avocat se fasse agresser de cette façon sur la route du tribunal. Ce qui est arrivé à Sonko peut arriver à Mame Mbaye Niang. Ciré est sur son lit de mort ». Une thèse qui a fait rire ses confrères de la partie civile. Finalement, le juge a accédé à la requête de la défense en prononçant le renvoi exceptionnel du procès au 30 mars prochain. Les militants et sympathisants des deux leaders politiques ont joué les prolongations dans le hall du tribunal. Pour éviter le pire, les hommes de tenue ont usé de leurs grenades lacrymogènes.
Mame Mbaye Niang a estimé que Sonko l’a diffamé en déclarant qu’il a été épinglé par un rapport de l’inspection générale d’État (Ige) pour sa gestion des 29 milliards francs du Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac). Au delà de cette infraction, le mis en cause répondra des chefs d’injures publiques, de faux et usage de faux dans un document administratif.

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