L’homme qui avait défié Vladimir Poutine figure sur la liste des passagers d’un avion civil qui s’est écrasé en Russie dans des conditions encore confuses.
C’est un coup de théâtre à la fois dramatique et guère surprenant pour la Russie. Evgueni Prigojine aurait péri dans le crash d’un avion associé à son groupe de mercenaires Wagner. Selon les agences Ria Novosti, TASS et Interfax, se référant à l’agence russe du transport aérien Rossaviatsia, l’homme qui avait spectaculairement défié Vladimir Poutine le 24 juin dernier en faisant progresser vers Moscou une colonne de ses blindés figurait parmi les dix passagers enregistrés de l’avion Embraer ERG 135 qui s’est écrasé dans la région de Tver. Cette dernière se situe au nord-ouest de Moscou. Des témoins ont fait état d’un tir de missile, possiblement de la défense anti-aérienne. Le crash n’a laissé aucun survivant.
Bouleversement
La disparition du chef de Wagner, pas encore confirmée officiellement en soirée, représente un bouleversement dans la politique russe tout autant que la guerre en Ukraine. Son groupe de mercenaires avait joué un rôle clé dans la reprise de la ville de Bakhmout, seul succès russe depuis juin 2022. Wagner constitue le bras, de moins en moins secret, chargé des coups bas de la Russie en Afrique, notamment au Mali, au Burkina Faso, où les putschistes ont expulsé les forces françaises.
Evgueni Prigojine, qui était à peu près invisible depuis sa mutinerie, s’était fait filmer lundi ou mardi en Afrique. La nouvelle de son retour en Russie n’avait pas été officialisée, même s’il était coutumier des voyages express là où on ne l’attendait pas. Le mutin avait poussé le culot jusqu’à participer à un sommet de dirigeants africains à Saint-Pétersbourg. L’absence de sanctions contre Evgueni Prigojine après qu’il a défié le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, et même Vladimir Poutine lors de sa spectaculaire mutinerie, avait surpris les observateurs. L’hypothèse d’une élimination sur ordre direct du Kremlin n’est pas exclue.
Cet accident survient au lendemain du limogeage de l’ancien chef des forces russes en Ukraine, Sergueï Sourovikine, que l’on disait proche du chef de Wagner. Evguéni Prigojine est devenu populaire grâce à ses succès militaires en Ukraine, à tel point que certains à Moscou le croyaient intouchable. Dans les faits, personne n’avait vraiment entendu parler d’Evguéni Prigojine avant l’émergence de Wagner. « Prigojine est à part. C’est sa force : il ne vient d’aucun clan, ne dépend d’aucune chapelle, n’est lié à aucune bureaucratie. Son seul chef : Poutine », avait expliqué aux Echos le journaliste Alexeï Venediktov.