Le journaliste et chroniqueur Demba Ndiaye dit être ‘’nostalgique’’ de la ‘’belle époque’’ des médias sénégalais des années 1990 qui, selon lui, se nourrissaient des réunions de rédaction.
Chargé d’introduire un panel sur le ‘’traitement professionnel des informations relevant du secret-défense et du secret de l’instruction’’, Ndiaye, un ancien employé du groupe privé Sud Communication et de Radio Sénégal, s’est étonné de s’entendre répondre par ses jeunes confrères qu’‘’il n’y a presque plus de réunions de rédaction’’ aujourd’hui. ‘’Il n’y a pas de traitement particulier à une information dite secret-défense ou non. Ce qui incombe au journaliste, c’est d’en faire un traitement professionnel’’, a soutenu Demba Ndiaye lors du panel faisant partie des ‘’cas d’école du CORED’’, des rencontres périodiques qu’organise le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie dans les médias (CORED).
Ce traitement professionnel devrait constituer, selon lui, une ‘’parade’’ contre le secret-défense ou le secret de l’instruction, que certains professionnels des médias considèrent comme une entorse à la liberté d’informer.
Le panéliste affirme que les réunions de rédaction représentaient le ‘’cadre idéal’’ pour discuter de la ‘’pertinence’’ ou pas d’une information et du ‘’traitement’’ qu’il faut en faire. Il a rappelé à l’assistance les réunions de rédaction de l’hebdomadaire Sud Hebdo, l’ancêtre du journal Sud Quotidien, où les débats étaient aussi ‘’houleux que lors d’un bureau politique’’, chaque journaliste défendant son point de vue sur la base de faits.
Avec plus de trente ans d’expérience, Demba Ndiaye, qui a aussi travaillé pour ‘’Takusan’’, un journal qui appartenait à l’opposant Abdoulaye Wade, dit détenir encore des informations sensibles, mais qu’il ne divulguera ‘’jamais’’, au nom de la ‘’responsabilité’’. ‘’C’est la pratique du métier et l’organisation des rédactions qu’il nous faut questionner’’, a soutenu Ndiaye, invitant les journalistes à recourir à leur ‘’intelligence’’ et à leur ‘’responsabilité’’.
Le colonel Moussa Koulibaly, directeur de l’information et des relations publiques des armées du Sénégal, a rappelé que ‘’le secret-défense est un niveau de protection parmi tant d’autres’’ dans le jargon militaire. Selon lui, une ‘’information protégée’’ est souvent relative aux opérations militaires, à la logistique et au renseignement.
La détention de toute information estampillée ‘’très secret’’, ‘’secret’’ ou ‘’confidentiel’’ requiert de ‘’l’habilitation et le besoin d’en connaître’’. Il a à cet effet raconté une anecdote liée à un conflit survenu dans un pays ouest-africain, à la fin des années 1990. A cette époque-là, raconte-t-il, ‘’un journaliste avait eu connaissance d’une information selon laquelle l’armée sénégalaise disposait en mer d’une cargaison d’armes et de nourriture, et l’a rendue publique’’. ’Je ne doute pas que le journaliste avait divulgué cette information dans le but de nuire aux armées. Mais les conséquences pourraient être dramatiques, si l’ennemi arrivait à exploiter cette information’’, estime Moussa Koulibaly. ‘’Au-delà du droit, la responsabilité du journaliste, par un réflexe civique et citoyen, doit lui imposer certaines censures’’, a-t-il soutenu.
Moussa Koulibaly, diplômé du Centre d’études des sciences et techniques de l’information, l’institut de journalisme de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, estime que le droit du public à l’information, constitutionnellement garanti, est ‘’fondé’’. ‘’Les réserves sont tout aussi fondées et objectives dans un contexte de menace sécuritaire, où l’information est capitale’’, a-t-il argué.