Que de supputations autour d’une audition. Du secret de l’instruction, on en a cure, maintenant. On excelle dans les ‘’révélations’’ liées au contenu de la confrontation dans le bureau du juge d’instruction, entre Adji Sarr et Ousmane Sonko. Au point d’ailleurs que des analystes politiques, parmi les plus chevronnés, s’engouffrent dans ce sillage et parlent comme si ces révélations étaient tout à fait normales. Et pourtant, l’instruction doit être entourée du plus grand secret. Mais, ce nouveau Sénégal végète quelque chose d’inquiétant parce que désacralisant, à loisir.
Alors, allons-y, nous aussi. On nous révèle qu’il n’y a pas eu véritablement confrontation. Car, le leader politique pointé du doigt n’a pas voulu parler. Lui-même dit avoir parlé, mais à ses avocats. Et Adji, elle aussi, révèle qu’elle n’a pas répondu aux questions des avocats de Sonko, juste pour le parallélisme des formes. Et tout le monde fait comme si le juge d’instruction était absent de son propre bureau. Etait-il là ? Bien sûr. Mais tout le monde fait comme si ce n’était pas le cas.
Or, c’était justement lui, le Chef d’orchestre. Mais, ceux qui parlent ont pour souci majeur plus de convaincre l’opinion que le juge d’instruction. On en arrive à une situation où l’impression qui se dégage est que l’instruction se fait dans la rue et non dans un bureau. Bien sûr, c’est juste une impression. Car, la réalité est plus complexe que cela. Mais, même s’il y a de la manipulation manifeste et beaucoup de manipulations, il n’en demeure pas moins vrai que ceux qui ont parlé n’ont pas forcément menti, même s’il s’agit de vérité sélective, de vérité parcellaire.
La réalité est qu’aucun des deux protagonistes et leurs avocats n’ont tout dit. Chacun a tiré la couverture de son côté. Comme dans toutes les batailles de communication. En tout état de cause, le refus de confrontation qui est certain, ne profite qu’au procès. Si le juge d’instruction est excédé, si chacun se renvoie la balle dans un refus de coopérer manifeste, il pourrait être obligé de tout transférer à un tribunal avec audience publique. Ce qui pourrait être beaucoup plus compromettant pour les deux parties.
Pour Adji Sarr, si jamais elle n’a pas dit la vérité, ses mensonges seront alors connus du grand public. Elle sera humiliée à vie et devra chèrement payer ce qui va apparaître alors comme de la délation, de la diffamation et même de la provocation. Pour Ousmane Sonko, des déballages sur la place publique ne l’arrangent pas du tout. Surtout quand il s’agit de questions d’ordre sexuel. Les conséquences sur le plan de sa crédibilité pourraient être désastreuses.
Donc, au regard de tout cela, il aurait fallu que la confrontation ait eu lieu, que des discussions franches sur les questions de fond et de preuves puissent permettre au juge d’instruction, dans son bureau, de se faire une religion. Et que tout le monde respecte le secret des entretiens. Mais, non, chacun préfère parler à l’opinion. Eh bien, se faisant, on rend de plus en plus probable la tenue d’un procès. En public, cette fois-ci.
Assane Samb