Il n’est point besoin de rappeler que l’Afrique, du mouvement de la Négritude à la période postcoloniale en passant par celle coloniale, a brillé de par la sagacité intellectuelle de ses « post childer », hommes de culture pour la plupart. Bon nombre d’entre eux, formés au sérail de l’école coloniale, ont porté d’une main de fer, le combat pour une Afrique solidaire et décomplexée. Même si elle est considérée comme le Berceau de l’Humanité, il n’en demeure pas moins que de tous bords, il a été constaté que le continent noir a traversé des périodes sombres de l’histoire de l’humanité. Qu’il s’agisse de la traite négrière, de la colonisation, de l’esclavage, et tant d’autres formes d’asservissement du « négre », il va de soi que même pour le citoyen lambda, l’Afrique est une victime de la cruauté du prétendu « civilisé » qui a usé de toute forme de barbarie pour « civiliser » celui qu’il considère tantôt comme un animal tantôt comme un homme « à refaire ».
Ce projet, porté par les occidentaux, porte encore ses séquelles sur l’Homme noir et sur le continent, en tant qu’ensemble géographique. Inconsciemment ou consciemment, c’est selon, l’africain continue de croire à la fausse vérité tenant à la mission civilisatrice de cet envahisseur au discours enchanteur. Or, des personnalités très connues ont, depuis belle lurette, « prophétisé » l’émancipation de l’Afrique et la paix pour un monde meilleur. Pour s’en convaincre, il suffit juste de se rappeler du fameux discours de ce militant panafricain Martin Luther King » I have a dream ». Ce discours sonne comme un rappel à l’humanité en ce qui fait d’elle le ciment et même au-delà le fondement d’une société juste et équitable. D’autres exemples de personnalités tels que des leaders africains dont leur voix ont eu plein écho partout dans le monde peuvent de même illustrer nos propos.
L’exemple le plus édifiant semble être celui de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela qui constitue un véritable cas d’école. Même après avoir vécu vingt-sept longues années en prison du temps de l’apartheid, il a su redonner le sourire à la nation arc-en-ciel en posant des actes allant dans le sens d’une réconciliation nationale pour la renaissance d’un pays longtemps déchiré par les violences et la barbarie de l’homme blanc, le prétendu civilisé. Au-delà, il faudrait voir sous un autre angle cette Afrique qui se dit pessimiste dans le domaine du développement économique. Partout des élites sont formées, des programmes initiés, des réformes engagées, es élections organisées, et que sais- je encore, mais toujours les mêmes problèmes, les mêmes solutions, et parfois même des initiatives nouvelle avec quelques innovations tant minimes soient-elles, l’Afrique reste en surchauffe. Ne faudrait-on pas interroger nos propres habitudes ? Si la « théorie du climat » a été longtemps pensée et dont certaines figures emblématiques essaient tant bien que mal de rejeter en ce qu’elle serait applicable à l’Afrique il semble en réalité correspondre à notre condition d’homme noir. En effet, tout est fait en raison de l’urgence. C’est cette dernière qui rythme notre quotidien dans la manière de gérer les affaires publiques et dicte la plupart des programmes de nos gouvernants. Pour s’en convaincre, il suffit juste de voir les dénominations que nos hommes politiques donnent à certains de leurs programmes ou politiques. Sous le magistère du Président Macky Sall, et bien avant lui avec les Présidents Senghor, Diouf et Wade, nous avions vu le nombre de programmes auxquels on ajoutait le qualificatif « d’urgence ». On peut citer le PUDC, le PUMA, le PUD, etc.
Des gouvernements se succèdent avec toujours des promesses de refondation des institutions, de lutte contre la corruption, la mal gouvernance, la vie chère et récemment même, le bradage foncier sur le littoral, à Thiès au niveau de Mbour 4 (ville de Thiès, zone d’extension) et bien d’autres localités. À qui la faute ? Est-ce nos dirigeants ou nous-mêmes ? Il semble que l’histoire nous ait rattrapé et que nous nous trouvons dans une sorte de labyrinthe. Il me paraît important de citer des pays qui ont presque connu, ou à tout le moins, la même trajectoire que l’Afrique et qui, aujourd’hui, sous le dynamisme de leurs chefs d’État et la détermination de leurs peuples, ont su changer le cours de l’histoire en prenant en main leur propre destin pour faire leur destinée. Ces derniers sont dans le concert des nations et comptent parmi les plus riches ou du moins émergents avec des retombées sur leur bien-être en termes de PIB et d’IDH, notion chère au Prix Nobel d’économie Samir Amin. Il s’agit en réalité du continent asiatique avec comme pays modèle le Japon. Aujourd’hui, le Japon forme avec les États-Unis d’Amérique et l’UE la fameuse TRIADE et compte parmi les puissances les plus avancées en matière de technologies et de bien-être économique. Malgré les deux bombes lancées sur Hiroshima et Nagasaki qui, ayant plongé le pays dans le déni et l’extrême pauvreté, le peuple nippon a su prendre son destin en main en travaillant durement pour faire renaître le pays de ces cendres. C’est ce qui fait qu’un certain penseur a pu qualifier ce modèle résilient de « syndrome asiatique » pour qualifier l’état d’esprit de ce peuple et qui, en effet, devrait inspirer les africains. Au bout du compte, il apparaît clairement que l’Afrique n’est pas non seulement malade de ses élites mais est également victime de ses propres citoyens qui réclament trop de choses de la part de l’État et qui, en retour, ne font pas assez pour changer la donne.
À propos du fonds culturel africain par exemple, ce sont nos dirigeants qui n’ont pas élaboré de véritables programmes pour rehausser la dimension de notre culture à sa juste valeur au moment où nous assistons, impuissants si je puis dire, à la mondialisation avec tous ses effets néfastes avec les NTIC au premier plan. L’Afrique, en effet, n’a toujours pas effectué l’inventaire de ses valeurs traditionnelles objectivement dynamiques qui pourraient non seulement constituer le fondement solide de politiques cohérentes de développement économique mais aussi servir à minimiser les effets pervers de la domination extérieure.
À l’image des pays asiatiques et même arabes dont le Printemps arabe a été un déterminant majeur dans la trajectoire politique, institutionnelle et économique de ces États, espérons que l’Afrique saura « inventer la roue » et tracer la propre voix de sa réussite dans cette société en pleine mutation et qui se trouve dans un processus irréversible où l’humain se trouve dompté par la machine. Et dont toute sorte d’inventions et de créations augurent ce que prédisait Francis Fukuyama « la fin de l’Histoire et le dernier Homme » ainsi que « le choc des civilisations » de Samuel Huntington. On constate bien que ces auteurs apparaissent à tout le moins comme de véritables prophètes qui ont dressé un inventaire des maux qui gangrènent notre société et qui, mettent l’humanité en situation de péril imminent. Il y va de l’intérêt de ces gens qui ont fondé le capitalisme. Et nous, qu’avons-nous fait pour contribuer au développement du monde ? Peut-être rien selon eux ! Peut-être beaucoup selon nous ! Quoiqu’il en soit, nous devons assumer pleinement nos choix de manière rationnelle pour arrêter de se porter incessamment en victimes de l’histoire. Ce procès que nous faisons continuellement ne saurait éradiquer ce mal du siècle où c’est le capitalisme qui fait ordre et désordre. Inéluctablement, il me semble important que l’Afrique ait besoin d’instaurer ou même pérenniser le modèle de société qui a longtemps prévalu en Afrique. La balle est dans notre camp et que prospère l’idéal citoyen au sein de nos États.
Lucien Paul Ignace DIOP
Étudiant en Droit, FSJP/UCAD.
Dakar, le 9 Mai 2024.