Plan important de l’organisation administrative du Sénégal, les communautés rurales constituent la première réforme majeure du pays quant à sa politique de décentralisation. Elles se veulent des collectivités locales proches des populations vivant au niveau des campagnes. Leur institution, le 19 avril 1972, vient corriger un sentiment d’injustice et d’exclusion que vit une partie du peuple évoluant hors des villes. Elle permet surtout aux populations rurales d’avoir voix au chapitre de la gestion de leurs.
Dès son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal a opté pour une politique de décentralisation prudente, progressive et irréversible. Cette option a été confirmée au cours des différentes phases qui ont marqué cette politique. La première réforme majeure de 1972 pose l’acte précurseur de libertés locales plus affirmées, avec la création des communautés rurales, la promotion de la déconcentration et la régionalisation du plan.
Les revendications de pouvoir local émergent des communautés urbaines sénégalaises formées autour des comptoirs coloniaux. Elles aboutissent à la création des premières institutions communales en Afrique noire : Gorée (1872), Saint-Louis (1872), Rufisque (1880) et Dakar (1887) obtiennent le statut de communes de plein exercice. La « communalisation » constitue la première étape d’un processus dans lequel le Sénégal peine à s’engager pleinement.
8Très tôt, des logiques d’accusation épinglant le manque de rigueur dans la gestion locale donnent à l’État central l’occasion de réinstaller sa tutelle (Diop et Diouf, 1993). Au moment de l’indépendance en 1960, nolens volens, le territoire sénégalais regroupe 34 communes de plein exercice élisant un conseil et disposant d’un maire. Pourtant, l’institution municipale va continuellement se voir contester la part d’autonomie que lui reconnaît en apparence la politique de décentralisation réaffirmée par les pouvoirs postcoloniaux.
En 1972, la carte administrative prend forme (départements et arrondissements) et les communautés rurales sont érigées en collectivités locales par la loi 75-25 du 19 avril – étape dite de la « ruralisation ». Leur gestion est placée sous l’autorité du sous-préfet d’arrondissement, l’approbation des actes relevant du préfet (département) ou du gouverneur (région). Ce n’est qu’en 1990, avec la loi 90- 35 du 8 octobre, que le président du conseil rural récupère la gestion des communautés rurales. Dans le même temps, un maire élu au suffrage universel vient en remplacement de l’administrateur nommé dans les grandes communes.
En 1983, le Sénégal aura été divisé en dix régions administratives. Au cours de cette période, le contrôle a priori des décisions des collectivités locales par les administrateurs représentants de l’État réduit l’autonomie de ces entités décentralisées. Il ne sera levé qu’avec le renforcement de la politique de décentralisation en 1996. La réforme dite de « régionalisation » porte sur trois points essentiels : l’introduction du contrôle de légalité a posteriori, le transfert de compétences partagées aux collectivités locales et la création de collectivités locales à l’échelon régional (10 régions). La représentation locale obtient en 1999 la possibilité de participer à l’exercice de la souveraineté nationale avec la création d’une deuxième chambre au parlement. En 2004, l’autorité administrative (déconcentrée) assure la tutelle des 441 collectivités locales (décentralisées) : 11 régions, 110 communes (dont les villes) et 320 communautés rurales.
Près d’un quart des 9,5 millions d’habitants estimés au Sénégal en 2000 vit à Dakar, soit un peu plus de la moitié des 47,5 % de la population urbaine du pays (et Adjamagbo Antoine, 2002). Force est de constater que le processus de décentralisation au Sénégal coexiste avec une formidable concentration de populations, d’activités, de capitaux, d’organisations, d’institutions, d’infrastructures et de pouvoirs sur la presqu’île du Cap-Vert. Celle-ci suffit à faire douter de l’existence d’un lien mécanique entre la décentralisation et le développement local, à moins que l’absence de cause à effet ne reflète un manque d’effectivité de la décentralisation.