Le Président Alpha Condé en chemise et jean, assis sur un canapé, la main sur la bouche et tout autour de lui des forces spéciales bien armées, voilà les tristes images diffusées depuis hier dimanche, en mi-journée. Il aurait subi ainsi, un coup d’Etat militaire dirigé par une partie de l’Armée de son pays, les éléments du Groupement des forces spéciales (Gps), une unité d’élite de l’armée aussi bien entraînée qu’équipée.
Des informations confirmées par diverses sources médiatiques comme JA, Guinéenews et d’autres sources concordantes. Les putschistes sont dirigés par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, un Malinké originaire de la région de Kankan qui, dans la journée d’hier, s’est adressé au peuple de Guinée pour annoncer la création d’un Comité national de rassemblement et de développement (Cnrd) pour désormais ‘’prendre ses responsabilités’’ et diriger le pays.
Au cours de cette allocution, l’homme, haut de taille, en béret rouge et lunettes noires, a fustigé ce qu’il appelle ‘’le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la Justice, …l’irrespect des principes démocratiques, la politisation à outrance de l’administration, la gabegie…la pauvreté et la corruption endémique…’’. Ils ont donc décidé de ‘’dissoudre la constitution en vigueur, de dissoudre les institutions, le gouvernement et fermer les frontières terrestres et aériennes, etc.’’.
Doumbouya dit aussi appeler ses frères d’armes ‘’à l’unité’’ pour répondre aux aspirations ‘’légitimes du peuple de Guinée. L’appel est aussi lancé ‘’aux frères d’armes’’ pour ‘’rester dans les casernes’’ et continuer les activités régaliennes’’. Curieusement, presque à la même heure, nous recevons, de source sûre, un autre communiqué, cette fois-ci du Ministère de la Défense guinéen. Dans ce communiqué, il est fait mention que ‘’la garde présidentielle appuyée par les forces dé défense et de sécurité, loyalistes et républicaines, ont contenu la menace et repoussé le groupe d’assaillants’’.
Pourtant, les photos d’Alpha Condé et même des vidéos de son arrestation, circulaient au même moment. Les Français, eux, ont déjà averti leurs ressortissants de ne pas sortir de chez eux. Ce qui est sûr, c’est que la Guinée renoue avec les coups d’Etat et l’instabilité, déjà chronique dans le pays, surtout depuis l’annonce de la candidature d’Alpha Condé à un troisième mandat, est à son paroxysme.
Des affrontements entre les forces spéciales susmentionnées et la garde présidentielle ont bien eu lieu. Et le Président a été bien arrêté. Ce qui ne signifie pas pour autant que le calme va revenir. L’Armée guinéenne vient ainsi d’entrer dans le cycle d’instabilité pour créer les conditions de ce qui pourrait aboutir même à une guerre civile, c’est-à-dire la partition du pays entre différentes factions civilo-militaires qui se font la guerre.
Et ce qui est sûr, c’est que le Chef de l’opposition Cellou Dalein Diallo qui n’a pas encore réagi au moment où nous mettons sous presse, ne va pas approuver ce coup de force qui ne fait que transférer le pouvoir à une autre force dont la légitimité et la légalité posent problème. Pis, c’est un Malinké qui est à la tête du coup d’Etat et entre les Malinké et les Peulhs, la rivalité est très ancienne en Guinée.
La CEDEAO a ainsi un autre foyer de tension très vif dont la gestion sera très compliquée. Car, la Guinée a l’avantage d’avoir une armée professionnelle et bien équipée, ce qui ne va pas du tout faciliter les choses. Et l’autre facteur aggravant, c’est la cristallisation des contradictions entre ethnies, ce qui a été une des erreurs graves du professeur Condé. Pis, le voisin, la Guinée-Bissau, a un Président, Omaro Emballo, qui est l’ennemi juré de Alpha Condé et qui ne s’en est jamais caché.
Du côté de Dakar qui abrite une forte colonie guinéenne, les relations avec Condé n’étaient pas tendres même si tout récemment, il y a eu un dégel avec un accord militaire et la réouverture décidée des frontières qui étaient fermées. Dakar ne peut ainsi que suivre la situation avec intérêt. Car, si l’instabilité perdure en Guinée, le Sénégal pourrait en souffrir avec l’accueil de davantage de réfugiés, entre autres conséquences.
La Guinée suit ainsi les pas du Mali et du Tchad dans un contexte différent. Mais dans ces pays cités, il n’y avait pas trop de dissensions au sein des forces de défense et de sécurité. Mais, en Guinée, rien n’est moins sûr. La résistance contre le putsch pourrait s’organiser, même si les dés semblent pipés pour Alpha Condé.
C‘est la conséquence, pour ce professeur en Sciences politiques, de vouloir s’entêter à rester au pouvoir en modifiant la constitution par un référendum qu’il était sûr de gagner.
Il y a eu trop de morts en Guinée de ce fait avec les manifestations du Front national de défense de la Constitution (Fndc). Et l’esprit de vengeance va prédominer dans toutes les actions qui seront menées.
Assane Samb