Dans une déclaration forte, Mouhamadou Madana Kane alerte sur la situation financière critique du Sénégal, affirmant que la dette du pays n’est pas soutenable. Selon lui, les autorités doivent cesser de minimiser la gravité de la situation et reconnaître la réalité pour espérer un redressement.
Mouhamadou Madana Kane commence par un constat sans ambiguïté : « le Sénégal est face à une crise de la dette qui nécessite une reconnaissance immédiate et une action décisive ». Il compare la situation à celle d’un malade qui refuse d’admettre sa maladie, empêchant ainsi tout traitement efficace. Selon lui, les signes de l’insoutenabilité de la dette sont visibles et alarmants. Il s’agit de :
– L’augmentation considérable du service de la dette : Madana Kane souligne que le service de la dette a augmenté de manière proportionnelle à l’accroissement du rythme d’endettement. Il rappelle que le Sénégal a réalisé trois Appels Publics à l’Épargne (APE) sur le marché financier sous-régional en 2025, ce qui accroît la pression sur les finances publiques. Cette augmentation du service de la dette réduit d’autant les marges de manœuvre pour financer les besoins essentiels du pays, notamment les investissements publics et les services sociaux.
– La révision à la baisse des recettes et les prévisions non atteintes : Les recettes prévues dans la Loi de Finances Initiale (LFI) 2025 ont été revues à la baisse, et les prévisions de la Loi de Finances Rectificative (LFR) 2025 ne sont pas atteintes à ce jour, indique l’expert en finances. Cette situation reflète les difficultés de mobilisation des ressources internes et l’impact du ralentissement de l’activité économique sur les rentrées fiscales.
– L’augmentation des besoins de financement : Mouhamadou Madana Kane met en exergue les besoins de financement en forte hausse, comme indiqué dans la Loi de Finances Initiale (LFI) 2026. Cette augmentation signale un écart important entre les ressources disponibles et les dépenses nécessaires, notamment pour faire face aux engagements de l’État et soutenir l’économie.
Poursuivant son diagnostic, Madana Kane critique l’approche actuelle des autorités sénégalaises qui, selon lui, se basent sur des prévisions de nouvelles recettes issues du Plan de Résilience Économique et Sociale (PRES) pour affirmer que la dette est soutenable. Il juge ces prévisions incertaines, surtout dans un contexte de ralentissement économique et d’assèchement de trésorerie. Il insiste sur la nécessité d’appliquer le principe de prudence dans l’analyse de la soutenabilité de la dette. « L’analyse de la soutenabilité de la dette du Sénégal doit obéir au principe de prudence. En application de ce principe, le diagnostic de la situation du pays est sans appel. Le reconnaître sans ambiguïté est un pas essentiel pour prescrire à nos finances publiques le traitement curatif approprié. », a-t-il déclaré.
Madana Kane estime que le refus de reconnaître l’insoutenabilité de la dette empêche les autorités d’envisager des solutions adaptées, comme la restructuration, qui est actuellement exclue par le gouvernement.
Selon lui, les autorités sénégalaises refusent d’admettre que la dette n’est plus soutenable, ce qui les conduit à exclure l’option de la restructuration. Pourtant, il propose une stratégie en deux volets pour neutraliser les effets indésirables d’une restructuration et gérer la situation de manière proactive :
1. Prioriser la restructuration/reprofilage de la dette bancaire locale : l’expert en finances souligne que la Cour des Comptes a indiqué qu’une partie de la dette bancaire locale, estimée à près de 2500 milliards, a été contractée hors circuit budgétaire. Il rappelle qu’en 2018/2019, l’État du Sénégal avait déjà reprofilé une partie de cette dette avec les banques locales sans impact majeur sur les marchés. Il propose , à cet effet, de gérer cette restructuration en étroite collaboration avec les autorités de régulation du secteur bancaire pour éviter les impacts négatifs sur les banques, notamment en termes de déclassement et de provisionnement. D’après lui, une telle démarche permettrait de réduire la pression immédiate sur la trésorerie de l’État tout en préservant la stabilité du système bancaire.
2. Mener une communication stratégique avec les acteurs internationaux : Pour ce volet, Mouhamadou Madana Kane préconise une communication transparente et ciblée avec les agences de notation, les investisseurs internationaux et autres parties prenantes du marché financier. Il suggère d’organiser des roadshows pour expliquer la situation réelle de la dette et la stratégie de redressement envisagée par le gouvernement.
Mouhamadou Madana Kane termine son analyse par un appel pressant aux autorités sénégalaises. « Si l’option de la restructuration est présentement exclue par le Sénégal c’est justement parce qu’elles refusent d’admettre que notre dette n’est plus soutenable. Pourtant, les effets indésirables de la restructuration évoqués par les autorités pourraient bien être neutralisés avec une bonne stratégie. », a-t-il conclu tout en insistant sur le fait que reconnaître l’insoutenabilité de la dette est une étape indispensable pour élaborer un plan de redressement réaliste et efficace.
Publié par EL HADJI MODY DIOP
Rewmi.com L'Equilibre notre Crédo