Il y a quelques jours, la presse faisait état de la mort d’au moins 13 Sénégalais en Espagne ou en route vers cette destination. Hier, ce sont encore 17 jeunes qui ont perdu la vie. Et cette fois-ci, chez nous, au niveau de Ouakam. Ces derniers n’ont même pas quitté le pays qu’ils perdent la vie, sur une plage de Dakar. Ont-ils sauté de leur pirogue de fortune et se sont-ils noyés ? Tout semble l’indiquer. Nous attendons en tout cas les enquêtes et les versions officielles pour en savoir un peu plus. En tout état de cause, des morts en mer du fait de l’émigration irrégulière, il y en a toujours. A Saint-Louis du Sénégal par exemple, le même décompte macabre avait été fait il y a quelques jours. Des jeunes qui n’ont pas pu aller plus loin que la capitale du Nord. Quand cela va-t-il s’arrêter ? La réponse n’est pas aisée. Parce que le phénomène, qui ressemble à une fatalité, n’en est pas une.
Car, il est difficile de préserver la vie de quelqu’un qui ne fait aucun effort dans ce sens. Et tant que l’on continuera à dire que les responsabilités sont partagées, on en sera là. Car face à un drame, tous n’ont pas le même niveau de responsabilité. Et ici, ce sont les jeunes qui sont les vrais responsables. Ceux qui partent sont vraiment conscients des risques qu’ils prennent. La preuve, ce sont eux qui disent « Barsa ou barsakh » (Barcelone ou l’Au-delà). Donc, quand quelqu’un joue au poker avec sa vie, il est difficile de le sauver. Certes l’Etat doit accentuer le travail d’anticipation et de répression des passeurs et autres acteurs, certes les parents peuvent aussi être parfois coupables, mais ces derniers ne sont que des responsables à titre accessoire. Les vrais coupables sont ceux qui partent dans des embarcations de fortune et qui savent qu’ils peuvent y perdre la vie à tout moment.
Le matérialisme à outrance de notre société en décadence morale doit être une préoccupation de tous. Sans travailler à restaurer les valeurs ancestrales et religieuses, nous aurions pêché et nous allons continuer à enfanter des monstres prêts au sacrifice suprême pour être aisés financièrement. Car c’est dans ce Sénégal de paix, de haute religiosité où il n’y a ni guerre ni terrorisme ni coups d’Etat que les jeunes sont effrayés et poursuivis par le diable-argent au point de risquer leurs vies à tout instant. C’est dire que le mal est profond, très profond même. Et que le diagnostic ainsi fait doit appeler à des solutions idoines à la mesure de la gravité de la situation. Mais pour le moment, on ne fait presque rien dans ce sens. Et ça aussi, ce n’est pas acceptable.
Assane Samb