Les Sénégalais sont fâchés ! L’irritation voire la colère entretiennent le climat délétère qui prévaut dans le pays. Pour les uns, Macky Sall prend en otage les Sénégalais en entretenant un flou politicien autour du troisième mandat ou du deuxième quinquennat. Ce faisant il sape au quotidien les bases institutionnelles de la démocratie et du coup menace les fondements de la paix sociale face à une présidentielle Incertaine. Pour les autres, l’opposition, en particulier Ousmane Sonko, se comporte en pyromane qui cherche par tous les moyens à plonger le Sénégal dans un chaos qui pourrait être préjudiciable à cette altérité qui participe au vivre-ensemble, au fait de vivre les uns avec les autres en bonne intelligence.
A un an de l’élection, à quelques semaines de la pré-campagne électorale, aucune de ces questions n’a pour l’heure de réponse précise. Certains diront même que la campagne électorale a déjà commencé avec les tournées présidentielles de Macky Sall dans les régions et les meetings organisés notamment par Ousmane Sonko et Khalifa Sall à travers le pays. Il y a comme une odeur de chaos annoncé. On baigne dans l’odeur du laxisme, dans l’odeur de la manipulation à grande échelle, dans l’odeur de la violence, dans l’odeur de l’inacceptable.
Le pays semble sortir du cercle de raison. La tension est palpable du fait de l’incertitude par rapport à l’avenir immédiat. Que va-t-il se passer d’ici février 2024 ? Macky sera-t-il candidat ? Et Sonko ? Khalifa ? Idy ? Quid de Karim ? La candeur de l’utilisation des prénoms ou du nom de famille des potentiels adversaires politiques ne cache pas l’éréthisme derrière chacune de ces interrogations. Macky Sall en chef d’orchestre met-il l’intelligence politique sénégalaise à l’épreuve puisqu’elle doit être aujourd’hui mesurée à la quantité d’incertitudes qu’elle est capable de supporter ?
L’impossibilité de répondre à des questions que tout le monde se pose au quotidien ne favorise pas la tranquillité si importante pour assurer une certaine sérénité collective. Faute de réponse précise, dans ce climat anxiogène, l’analyste est réduit à élaborer des hypothèses qui paraissent les plus probables, en fonction non seulement des rapports de force mais aussi d’une anticipation des actions des différents acteurs.
Malgré le caractère protéiforme et polymorphe de la stratégie politique de Macky Sall, il apparait que le moment électoral peut se résumer à trois mots : « Tout sauf Sonko ». Que ce soit par le biais d’une condamnation pour diffamation ou encore pour viol, il ne reste que peu de doutes qu’Ousmane Sonko ne sera pas sur la ligne de départ pour 2024 à moins que la rue n’en décide autrement et cela à coût humain qui pourrait être fort élevé. Qui au XVIIIè siècle rappelait qu’il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la Justice ?
Sonko out de la course à la présidentielle, que se passerait-il ? Comment les différents leaders s’aligneraient ils ? Quels jeux d’alliances éventuelles ? Nous examinons ici quatre hypothèses.
Première hypothèse : Macky inéligible, Khalifa et Karim éligibles
Dans l’article « Sonko est out », contrairement aux doxas de la classe politique, est clairement mis en avant l’idée selon laquelle Macky Sall ne sera pas candidat à la présidentielle de 2024. Une telle décision serait rendue publique au moment approprié pour servir de contre-feux à l’annonce de l’inéligibilité d’Ousmane Sonko de manière à calmer la rue et à faire accepter l’idée de la non-participation du leader de Pastef à l’élection.
En admettant que Macky Sall passe à l’acte dans sa promesse d’amnistier Khalifa Sall et Karim Wade, il n’est pas exclu de se retrouver alors dans une situation où un accord politique basé sur un programme commun de souveraineté minimum soit signé entre Khalifa Sall et Ousmane Sonko.
Deuxième hypothèse : Macky inéligible, Khalifa et Karim également inéligibles
Cette hypothèse ainsi que la quatrième sont peut-être celles qui produisent le plus d’incertitudes et qui peuvent plonger le Sénégal dans une instabilité politique indescriptible. Dans cette hypothèse, Khalifa Sall et Karim Wade ne sont pas amnistiés. Depuis quelques semaines, la claustration des pensées politiques de Macky Sall pourrait laisser croire qu’il n’a pas, ou n’a plus, l’intention d’amnistier ces deux potentiels rivaux à la présidentielle de 2024.
Dans un tel schéma, on pourrait se retrouver avec un trio de tête comprenant Amadou Ba, Idrissa Seck et Mimi Touré. Ne pas exclure non plus qu’un candidat soutenu activement par Sonko et Pastef puisse sortir du bois et créer la surprise.
Une telle option offrirait à l’ancienne Première ministre Mimi Touré une bonne carte à jouer si elle arrivait à obtenir le soutien de Khalifa Sall, de Barthelemy Dias, de Guy Marius Sagna et pourquoi pas d’Ousmane Sonko et de Pastef. Il faudrait une bonne dose de réalisme politique pour en arriver là parce Mimi Touré, selon ses critiques, a été plutôt véhémente à l’endroit de Sonko et de Pastef ces dernières années. Cette probabilité semble donc difficile à imaginer mais elle n’est pas à exclure en fonction de l’évolution des rapports de force dans les prochains mois d’autant plus que ces derniers jours Mimi Touré s’est beaucoup rapprochée de Guy Marius Sagna et même de la ligne Sonko.
roisième hypothèse : Macky éligible, Khalifa et Karim éligibles
Dans ce cas de figure comme dans le premier Khalifa Sall sera certainement le favori en particulier s’il est ouvertement soutenu par Sonko et Pastef, ce qui serait peu probable si l’on considère que le leader des Patriotes préfèrera avoir un candidat sorti des rangs de son parti. L’assomption ici est que Macky Sall, même s’il arrivait au deuxième tour n’aura que peu de chance d’obtenir un score comparable à celui d’Abdoulaye Wade en 2012.
Quatrième hypothèse : Macky éligible, Khalifa et Karim inéligibles
Cette perspective est annonciatrice d’un possible chaos politique au Sénégal. Mais si l’Etat arrive par extraordinaire à contrôler la rue, ce schéma offre une ouverture à Mimi Touré en particulier si elle obtenait le soutien des inéligibles Khalifa Sall et peut-être Ousmane Sonko.
Dans toutes les quatre hypothèses envisagées, Macky Sall sera soit inéligible soit battu de manière décisive par son challenger quel qu’il soit. Toutes les hypothèses mettent en avant l’idée selon laquelle, au résultat, la question d’une nouvelle candidature de l’actuel président de la République apparait relativement futile politiquement bien qu’elle soit, pour certains, une question de principe et de Droit. Dans tous les cas de figure, il apparait que Macky Sall ne sera pas le président du Sénégal à l’issue de l’élection de février 2024.
Y a-t-il une cinquième hypothèse qui aujourd’hui ne semble pas évidente mais que la réalité pourrait voir germer dans les semaines ou les mois à venir ? Peut-être, mais dans un tel cas, cette hypothèse créerait un moment historique surprenant de la vie politique du Sénégal et deviendra à n’en pas douter un cas d’école dans les annales de l’histoire politique africaine qui sera enseignée dans les décennies à venir.