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Par devoir et par responsabilité:  Abdoulaye WILANE, député à l’Assemblée nationale
Par devoir et par responsabilité:  Abdoulaye WILANE, député à l’Assemblée nationale

Par devoir et par responsabilité:  Abdoulaye WILANE, député à l’Assemblée nationale

 Abdoulaye WILANE « Depuis Abuja où je séjourne depuis quelques jours dans le cadre d’une mission parlementaire, j’ai pu mesurer tout l’intérêt que les pays de notre sous-région accordent aux événements politiques qui se déroulent dans notre pays. Certains sautillent de joie, espérant que le Sénégal subisse le sort peu enviable qui s’acharne sur certains de nos voisins. D’autres, plus lucides et instruits des soubresauts qui sont venus à bout de la démocratie dans nombre de pays, en appellent à un sursaut républicain de la part de la classe politique pour préserver l’exception sénégalaise.

La période, il faut en convenir, est anxiogène. Stigmatisation ethnique, appels à l’insurrection, radicalisations, … aucun mot n’est trop fort pour chauffer l’opinion. Des jeunes gens ont perdu la vie ces derniers mois, et la mort est en passe de devenir banale dans notre pays. Inquiétant ! Notre pays qui vote depuis 1848 peut et doit s’offrir en modèle pour contenir les tentations solitaires. Cela demande de la responsabilité de part du personnel politique sénégalais. Faisons attention à ce que les disputes autour de l’enjeu de pouvoir, les constrictions nées du radicalisme des chapelles politiques sénégalaises ne prennent le dessus sur l’enjeu suprême de la préservation de la stabilité de notre pays.
La stabilité, cependant, n’est pas un vain mot. C’est un choix de vie. Elle est le fruit d’une appropriation collective entre les différents acteurs de la vie publique : partis politiques, organisations de la société civile et opérateurs économiques. La démocratie répond à un ensemble de règles codifiées, des lois que les citoyens, dans leur ensemble, doivent respecter pour pérenniser le système. Les partis politiques concourent au suffrage universel, les dirigeants étatiques sont, généralement, issus de leurs rangs.
A ce titre, ils définissent la politique de la nation et veillent à la bonne marche de la société. A côté, la société civile est le gardien de l’orthodoxie. Autonome de l’Etat, elle est un corps social, par opposition à la classe politique. Elle a un droit de regard, donc de veille, sur l’action étatique. Elle garde, par conséquent, une Adn rebelle très peu susceptible d’être soumise à l’influence des dirigeants politiques.
Enfin, les opérateurs économiques, acteurs principaux de tout développement, ont besoin d’évoluer dans un cadre institutionnel clairement défini, dans lequel les règles s’appliquent à tous et où une saine concurrence permet à chacun de donner la pleine mesure de son talent, sous l’arbitrage équidistant du pouvoir étatique. Ces trois pôles sont les poumons de la vie publique. C’est pourquoi, j’en appelle à un pacte de stabilité nationale qui garantirait à chacun le plein exercice de ses prérogatives, au nom de cette loi morale, non écrite, mais supérieure à la loi de la République et qui exige de tous les acteurs l’acceptation de la primauté de l’intérêt national sur tous les particularismes.
La famille socialiste, la mienne, forte de son héritage de bâtisseur de la nation et de la République sénégalaise, a une responsabilité particulière dans les efforts à entreprendre pour amener les acteurs politiques, tous bords confondus, à être à la hauteur de leurs responsabilités et à lisser l’image qu’ils laisseront aux générations à venir. Nous avons connu l’opposition de 2000 à 2012, mais jamais nous n’avons posé le moindre acte de nature à fragiliser nos institutions ou à contredire notre engagement républicain. Cette opposition républicaine, incarnée avec hauteur et détachement par feu Ousmane Tanor Dieng, est une boussole patriotique qui doit guider tout homme qui aspire aux plus hautes charges de notre pays.
La démocratie est un corps vivant. L’élection est sa respiration. La tenue régulière d’élections transparentes, libres et justes afin d’institutionnaliser une autorité et un gouvernement légitimes ainsi que les changements démocratiques de gouvernement est un impératif conforme à la Charte africaine de la Démocratie, de la Gouvernance et des Elections adoptée par l’Union africaine. L’élection et son corollaire, la campagne électorale, sont des moments d’ébullition positive pendant lesquels le choc des projets de société accouche toujours des solutions pour la prise en charge des grandes questions nationales. C’est la voie la plus sûre pour contenir les agendas particuliers, et se prémunir des hommes providentiels.
C’est pourquoi, le consensus le plus large doit prévaloir au sein de la classe politique pour une bonne appropriation de tout le processus électoral. Le président Abdou Diouf l’avait si bien compris en créant les conditions du code consensuel de 1992 et en respectant tous ses attendus à la lettre.
Le même impératif d’ouverture et de dialogue s’impose aujourd’hui à toute la classe politique. N’est-il pas temps d’ouvrir le jeu pour permettre à tous ceux qui le désirent de briguer les suffrages des électeurs et de laisser les Sénégalais décider ? En appelant au dialogue, le président Macky Sall nous offre une bonne occasion de nous accorder sur les règles du jeu et d’envisager l’avenir avec le sourire de l’espoir. Il est de notre responsabilité de nous asseoir et de discuter. Car le consensus est toujours préférable au conflit. Sous ce rapport, la plénière du Parlement de la CEDEAO encourage toute la classe politique sénégalaise à aller dans le sens du dialogue et de l’apaisement.
Ma certitude est que la solution aux problèmes de notre pays sera le fruit de chevauchées collectives. Le Sénégal ne peut se passer d’une partie de ses enfants. Il ne peut, non plus, confier son destin à un « homme providentiel ». Notre pays a besoin de l’expertise de tous ses fils pour gagner la bataille du développement. La division ne mène qu’à l’impasse. Et il est malsain d’appeler les jeunes à la violence et de les exposer à la mort là où le dialogue permet d’aplanir toutes les contradictions.
Dans un éditorial remarquable publié en avril 2012 dans l’hebdomadaire français « Le Point », Claude Imbert écrivait avec raison que « le pauvre Sénégal est riche de ses hommes, de leurs civilités et de leurs talents ». Il ajoutait que le Sénégal a démenti le pseudo-théorème qui postule que « la démocratie ne fait son chemin qu’au sein d’une relative prospérité ». Il ne suffit pas, cependant, d’avoir du talent. Il faut aussi savoir le mobiliser. Le bonheur des Sénégalais sera le fruit de passions collectives, non de destinées individuelles.

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