Professeur de Droit à la Faculté des sciences juridiques et politiques à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, Pr Iba Barry Camara a asséné ses vérités et a exprimé ses craintes quant à l’avenir de ce pays. Avec le procès Sonko-Adji Sarr, la 3ieme candidature de Macky, autant de questions soulevées à l’émission ‘’Le Grand Oral’’ sur Rewmi Fm et Rewmi Tv de ce samedi.
Le dossier Sonko-Adji Sarr a été transmise devant les chambres criminelles. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est un aboutissement logique et c’est une affaire qui fait l’objet d’instruction avec tout le tintamarre connu. On se rappelle des événements de mars et Sonko a été placé sous contrôle judiciaire et donc fait l’objet d’une instruction et le juge l’a fait. A ce jour, il est libre certes mais depuis longtemps, il y’a eu deux juges d’instructions et justement, on a pu boucler l’instruction qui a été sanctionnée par une ordonnance de renvoi devant la chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Dakar. On attend le procès proprement parlé et tout ce qui a été fait est déjà fait dans les règles de l’art et d’autres contestent. Mais le juge va ainsi statuer sur la question.
Craignez-vous un soulèvement populaire avec ce procès ?
Ce que vous dite c’est que de tout le temps des gens n’ont pas voulu reconnaitre que c’est un dossier avant politique d’être judicaire. Les techniciens du droit et les praticiens ont fait leur boulot. Sonko avec sa sortie récente embouche la chose politique et place définitivement ce dossier sur le terrain politique. Il n’attend plus que cela aboutisse ou pas. Il s’est adressé à ses militants face aux risques encourus. Il a appelé non pas à une insurrection mais a toujours soutenu que cette affaire n’est que du complot et là manifestement le juge d’instruction ne l’a pas suivi ; et puisque ce complot politique pour lui, il en appelle aux populations. C’est ce qui vous a autorisé à penser à une éventualité de soulèvement. Mais il ne faut pas se voiler la face. Les lendemains au Sénégal ne sont très sûrs et il y a des risques qui peuvent laisser penser qu’on peut traverser des périodes compliquées. Mais, en réfléchissant raisonnablement est-ce que cela vaut le coup ? Est-ce que pour des questions électorales, on est prêt à mettre le pays à feu et à sang ? Je ne le pense pas. On a besoin de calme et de stabilité et il nous faut travailler pour que les conditions soient réunies. Mais avec ce qui se passe c’est une affaire privée, mais les conséquences seront graves et les deux parties le savent. Il faudrait régler cette affaire politiquement et nos autorités devraient aussi trouver des solutions pour endiguer cela et elles ont les moyens de le faire.
Alors pourquoi le non-lieu n’a pas eu lieu et pensez-vous que le système de défense de Sonko règlerait le problème ?
C’est vrai que si on réfléchit techniquement, en droit, aujourd’hui le juge d’instruction a décidé car l’ultime décision lui revient. Mais à ce niveau on ne peut plus rétropédaler. Non ! On va vers un procès mais au regard de ce qui s’est passé durant l’instruction et Sonko ce qu’il a dit sur le juge qui n‘a pas pris en comptes, ses moyens de défense, qui attestent du complot, il y aura le procès et il se placera, dans une large mesure, sur le terrain politique.
Que risque Ousmane Sonko ?
Jusqu’ici il est candidat. Il n’y a pas d’obstacle de ce point de vue. L’obstacle ici aurait été une décision définitive et irrévocable et on le déclare coupable de crime de viol. Ce procès ne va pas durer une semaine. Ah non ! Le procès sera public ou pas ? Cela dépendra du Président de la chambre criminelle. Ce sera une audience publique et ce sera médiatique et tout dépendra du juge ? Est ce qu’on va faire la transmission du procès en direct ou non ? Je ne sais pas. Quelque part, je me dis que si la thèse du complot est soutenable, les comploteurs en tout état de cause sont déjà arrivés à leur fin. Aujourd’hui, quand il y a un procès même si Sonko, s’en sort je vous assure qu’il sera trainé dans la boue et au regard de la majorité des sénégalais, il ne sera plus vu et regardé de la même façon. Nous aurons un procès « dégueulasse » car depuis que cette affaire-là est en fait est en cours, mais au niveau des médias c’est comme si les sénégalais avant perdu toute valeur. On est en train de décrire le viol, comment ça se passe. Il faut arrêter. On a nos valeurs mais on est comme si on n’a aucune valeur et c’est un danger. Ce sera le procès et un déballage et sur ce point je vous assure. J’invite le juge aussi s’il peut le faire à huit clos qu’il le fasse. Il faut préserver nos valeurs et donc proférer des choses et les dire c’est aller à l’encontre de nos valeurs. Est-ce que cela en vaut la peine ? Car, nous avons des valeurs et il ne faut pas se dire des bassesses et des grandes personnes et qui sont censées être des imams qui se mettent devant la presse pour dire des choses peu glorieuses. C’est contre les valeurs. Si le procès aura lieu, c’est lui qui va perdre, car Sonko sera trainé dans la boue, même s’il peut avoir gain de cause. Il sera stigmatisé. Avant que le juge d’instruction ne termine son office, à travers les plateaux, mais des gens qui le qualifient de violeur car au Sénégal sur ce dossier il est présumé coupable. Sonko il est bien. Des gens racontent comment s’est passé les choses mais je dis que certains l’ont déjà condamné. Qu’il sort indemne ou pas, c’est son image qui sera écornée et c’est l’objectif. On est arrivé à un point où s’il y a complot, les comploteurs sont arrivés à leurs fins mais l’image de ce dernier sera ternie. Est-ce- l’objectif ?
Que pouvez-vous nous dire par rapport aux mesures prises suite aux accidents dramatiques de la route avec des gens qui ont perdu la vie ?
Il y a eu toujours des accidents. J’ai de sérieux problèmes dans ce pays comme si on gérait les affaires publiques de manière ponctuelle. C’est de la tromperie. Avec tout le respect que je dois aux ministres, je considère que ce n’est pas la première fois. Gouverner c‘est prévoir et il faut aussi qu’il y’ait de l’émotion pour en rajouter. Ces mesures sont- elle pertinentes ?
Et est-ce que ce sont des mesures qui permettent d’éviter cette situation car l’applicabilité pose problème ? Ils sont en grève mais que peut l’Etat contre cela. Les populations en paient les pots cassés. Il faut prendre le temps avec les différents acteurs. Par rapport aux mesures il s’agissait de déplorer l’état de nos routes. Ce ne sont pas l’autoroute à péage ou le « Illa Touba. » J’ai des regrets car il faut respecter le peuple. Avant de prévoir des routes privées, la première des choses c’est de faire des routes pour les populations d’abord. Les routes traditionnelles ne sont plus des routes. Aujourd’hui on a une police de la circulation. Mais la police ce n’est qu’à Dakar et il faut de manière préventive, les installer un peu partout. Le transport en commun, je l’ai dit, il faut lui trouver des solutions. Il ne faut pas permettre au conducteur qui a juste son permis de faire du transport en commun. Des jeunes, de vrais irresponsables de faire du transport sans expériences aucune. Il faut des mesures draconiennes pour que les personnes qui sont habilitées à s’en occuper. Des jeunes de rien du tout qui conduisent sans se préoccuper des normes, sans le respect des autres. Certains sont des drogués mais personne ne réagit. On pouvait dire que pour cela il y a des conditions à réunir pour faire du transport en commun et des conditions draconiennes. Il faut miser sur l’âge par exemple 45 ans. Il faut que le gouvernement prenne du recul et réfléchit avec les acteurs. On investit dans le Ter et le Brt mais il faut l’améliorer le système car les responsabilités sont partagées. Ces mesures ne sont pas pérennes et pas respectées. On parlait du changement du car Ndiaga Ndiaye etc. pour lutter contre les surcharges. Il faut arrêter de jouer avec la vie des populations.
Le rapport de force est toujours un problème dans le secteur et la faiblesse de l’ Etat en est une des causes…
Oui c’est vrai. Mais est ce que l’Etat a les moyens de les contraindre ? Les privés quand on entend, les syndicalistes…ils vous disent que l’état ne peut rien contre eux. Il faut un réseau pour les contrecarrer. Il se pose une question d’autorité dans un contexte où le transport s’est développé mais l’Etat ne s’est pas doté les moyens. Il va faire des concessions mais les transporteurs connaissent leurs forces. Et depuis vendredi ils discutent et ils sont sûrs de leur force. L’Etat n’a pas les solutions idoines face à un secteur névralgique aussi. Parfois je me dis que ces transporteurs connaissent la force de l’état, mais il faut la volonté politique. Il faut moderniser les règles, les rapports entre le public et le privé. Mais aujourd’hui tu te lèves et tu as des fonds et tu achètes un car pour le transport en commun. L’Etat doit organiser tout cela. Il faut de la rigueur dans que nous faisons.
Avec comme toile de fond la corruption qui gangrène le secteur !
Notre mal en Afrique et la source des maux, c’est la corruption. Les règles en un moment c’est pour certains et pas pour d’autres. Et demain ce sera pour d’autres et non pour certains. Ce qui fait que les transporteurs ne respectent personne. Tu commets une infraction c’est du ‘’massela’’. Nous avons des moyens pour ça mais pas opérationnalisés. Il y’a l’Ofnac, la Crei. On a des moyens aussi et du point de vue institutionnel, on est plus développé que la France, parfois, mais là, il faut un état sérieux qui veille l’application des règles que nous mettons en service. La corruption doit être éradiquée et la société civile la dénonce de plus en plus. La corruption a atteint des proportions dangereuses car tout le monde veut se devenir millionnaire. Il ne faut pas penser qu’avec ses mesures ad hoc on peut apaiser la tension sociale etc. C’est impossible.
Macky a-t-il le droit de se présenter pour une éventuelle 3ièmecandidature?
Il faut me permettre aussi de m’expliquer. J’en ai tellement parlé. Des gens considèrent qu’il peut, la majorité considère qu’il ne peut pas. Mais Macky il n’a encore rien dit. Il faut se référer objectivement à la Constitution et ce n’est pas lui qui décide. Si cette problématique-là, se pose c’est par la grâce aux journalistes en voulant toujours poser cette question sur la table. L’article 27 est clair et très clair. Il faut juste savoir parler français. On n’a pas besoin d’être expert. Pourquoi on en est arrivé à cette situation c’est parce que cette question est problématisée. Il n’y avait pas débat et cela a fait douter au Président et il pense qu’il y a le doute et il s’y immisce. Cette question se pose avec acuité or, cela ne devait pas être le cas. Si on écoute bien les partisans pour un 3iemel mandat , leur finalité c’est de faire en sorte que le problème soit soumis au Conseil constitutionnel et ils sont arrivés à leur fin. Ils font beaucoup de bruit c’est comme l’affaire Sonko. Une question qui ne devait pas faire l’objet de débat est devenue un problème. Macky va se prononcer et attend le conseil. Il pourrait dire que je pensais que c’était fini et là il va nous ramener à ces 5 ans et 7 ans. Macky est intelligent. Si le conseil lui dit que ce n’est pas possible alors il va se plier à cette décision. Il veut nous diriger vers cette direction.
Est-ce que cela n’obligerait pas à Macky à être candidat comme Ouattara ?
Si le président le fait, je vous assure il va mordre la poussière et il doit avoir aussi cela en tête. Il a intérêt à sortir par la garde porte. L‘exemple de Wade est là. Vouloir faire du forcing, non ! La majorité silencieuse ne dit rien et il se présente, mais cette majorité sera écrasée et ce sera un risque. Quelle sera l’avenir de ces partis satellites et de l’Apr ? Il y a des enjeux et il faut que Macky s’élève car les Sénégalais lui ont tout donné avec deux mandats et il a travaillé. Il a l’ambition de bien faire et il en fait beaucoup mais ce n’est pas avec lui que ce pays va s’arrêter.
MOMAR CISSE