La réclusion à perpétuité a été requise jeudi à Paris à l’encontre des trois accusés, ivoiriens et bélarusse, jugés en absence pour avoir perpétré en 2004 le bombardement qui avait tué neuf soldats français à Bouaké (Côte d’Ivoire). Introuvables depuis des années, Yury Sushkin, un mercenaire bélarusse, et Patrice Ouei et Ange Gnanduillet, deux officiers de l’armée de l’air ivoirienne, sont poursuivis devant la cour d’assises de Paris pour assassinat.
Le verdict est attendu dans l’après-midi. « Cette peine » de perpétuité, « je l’aurais requise dans les mêmes conditions si ces personnes étaient ici, si elles s’étaient défendues, parce que ce qui justifie cette peine, c’est la violence inouïe des faits », a déclaré l’avocat général, Jean-Christophe Müller.
Le 6 novembre 2004, deux chasseurs déployés par l’aviation du président ivoirien Laurent Gbagbo pour attaquer les rebelles installés dans la moitié nord du pays avaient bombardé par surprise un camp de la force de paix française, chargée de faire tampon entre les deux camps. Avec neuf soldats français et un civil américain tué, ainsi qu’une quarantaine de blessés, c’est à l’époque l’attaque la plus meurtrière pour l’armée française en opération depuis l’attentat du Drakkar au Liban en 1983.
Le bombardement « est caractérisé par une volonté préalable d’aller bombarder le camp français », a dit M. Müller. « Des éléments montrent à l’évidence que la frappe est volontaire et dirigée contre le camp français », et « décoller avec deux avions de guerre armés de roquettes me semble l’expression chimiquement pure de la préméditation », a ajouté l’avocat général.
En représailles, Paris avait détruit le jour même l’ensemble de l’aviation militaire ivoirienne, ruinant son offensive en cours, et déclenchant une crise diplomatico-militaire inédite entre la France et son ancienne colonie. Dans les jours qui avaient suivi, de violentes manifestations anti-françaises avaient secoué le sud du pays. Du jour au lendemain, des milliers d’expatriés avaient regagné la France en catastrophe, encadrés par les troupes tricolores.
Si la crise s’est apaisée au bout de quelques semaines, elle est restée longtemps un contentieux entre la France et la Côte d’Ivoire, qui comme le Bélarus, n’a pas répondu aux demandes de mandats d’arrêt lancés par Paris.
Le dossier a été marqué par certains errements et réticences du gouvernement français dans l’enquête. Ils ont semé le doute chez les familles de victimes, qui se demandent toujours seize ans après, qui exactement a donné l’ordre de tirer sur les Français, et pourquoi.